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Editos

Howard Carter en Egypte (1/4)

Zahi Hawas / CRIS
Zahi Hawas / CRIS BOURONCLE - AFP

Dans quelques jours, nous avons rendez-vous avec la célébration de la plus grande découverte archéologique de l’histoire : la tombe du jeune pharaon d’Égypte Toutankhamon, connu sous le nom de pharaon d’or ou encore le nom abrégé de roi Tut. C’est une occasion qui ne se présente qu’une fois dans une vie et il n’y a rien de mieux que d’écrire à ce sujet. Écrire dans le but de présenter au public les événements qui ont eu lieu avant, pendant et également après l’annonce du dévoilement du tombeau d’or du roi Toutankhamon.  Ces événements sont souvent négligés dans les livres et les articles parce que les paillettes d’or et la beauté des trésors découverts dans la tombe cachent toujours toutes les autres valeurs.

Nous devons, de prime abord, parler de l’homme qui découvrit la tombe et enregistra son nom dans l’histoire à côté du nom du roi Toutankhamon. Il s’agit du découvreur anglais Howard Carter. Le destin voulut le conduire d’une modeste ferme au centre de l’Angleterre à l’Égypte afin d’assister à la plus grande découverte archéologique de l’histoire.

Hayward Carter est né le 9 mai 1874 dans une modeste maison d’un quartier de Londres. Son père, Samuel Carter, était illustrateur pour le journal illustré London News.  Sa mère, Marta Joyce, a donné naissance à dix fils et une fille. Trois frères de Hayward Carter décédèrent avant que leur frère Howard ne vienne au monde. Hayward est né aussi chétif que maladif. Ses parents croyaient qu’il ne vivrait pas longtemps. Ils décidèrent ainsi de l’envoyer chez ses tantes dans la maison de campagne familiale située loin de Londres. En espérant que l’atmosphère de la campagne le sauvera du destin inéluctable!

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Hayward Carter était un dessinateur de talent. Il hérita cet art de son père et de son frère William. Carter ne s’est jamais rendu dans une école publique. Son école était la vie, comme il le mentionne lui-même dans ses mémoires. Toutefois, il avait appris la lecture, l’écriture et l’arithmétique dans une école bénévole dirigée par des femmes pour enseigner les enfants des pauvres. Son niveau de langue était médiocre : il arriva en Égypte très jeune, les premières lettres qu’il rédigeait à ses parents en Angleterre fourmillaient de fautes de grammaire et d’orthographe.

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Ce fut donc sous les auspices de la célèbre famille Amhurst que le jeune Carter vint en Égypte. Le baron William Amhurst, aristocrate passionné par les arts et la littérature, possédait une immense bibliothèque comprenant des milliers de livres et d’artefacts rares (notamment des papyrus et des antiquités égyptiennes qu’il avait collectionnés tout au long de sa vie). Le baron eut cinq filles de sa femme Margaret. Elles furent toutes passionnées pour l’histoire de l’Égypte ancienne et les antiquités pharaoniques. Hayward Carter les rencontra grâce à son père qui avait peint des portraits de plusieurs membres de la famille du baron. Lorsque le comité du Fonds d’exploration de l’Égypte annonça l’instauration d’une mission archéologique (dirigée par l’archéologue Newbury) pour l'enregistrement des antiquités de la Moyenne-Égypte, Mme Margaret écrit une lettre aux membres du comité pour leur demander d’inclure le jeune artiste Hayward Carter dans l’expédition et d’exploiter ses compétences en peinture. Le comité approuva cette demande en 1890. Hayward Carter, qui avait 17 ans, touchait un salaire de cinquante livres par an, soit environ quatre livres par mois.

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Hayward Carter passa quelques jours au Caire avant de gagner Minya pour commencer à travailler sur le projet. Lors de son séjour au Caire, il rencontra le célèbre archéologue anglais Flinders Petrie. Aussi, il visita le Musée des Antiquités qui se trouvait dans le palais d’Ismail Pacha à Gizeh, dont les antiquités y étaient temporairement placées car les eaux de crue avaient inondé le Musée Bulaq. Le projet  d’un nouveau musée des antiquités égyptiennes n’avait pas encore commencé. Carter, Newbury et les membres de l’expédition archéologique se rendirent à Minya pour enregistrer les scènes et les inscriptions picturales sur les murs des tombes de Bani Hassan et Deir al-Barsha. La résidence des archéologues se trouvait au sein des cimetières où ils travaillaient. Après l’achèvement de l’enregistrement et de la peinture des tombes de Bani Hassan, Newbury et Hayward Carter se rendirent à pied de Bani Hassan à Barsha traversant les montagnes et les collines pour y achever leur mission. Cependant, un désaccord entre les membres de l’équipe causa la démission de Newbery. Carter perdit son appui et fut dans l’obligation de déménager et travailler avec Petri dans ses fouilles à Amarna, capitale d’Akhenaton à Al-Minya. Hayward Carter savait-il qu’il aurait, dans de longues années, une rencontre extraordinaire avec le fils du roi ? Bien sûr que non.

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Au cours de son court mandat avec Petrie, Carter maitrisa les techniques de fouille et de restauration en plus de l’enregistrement archéologique. Ainsi, il déménagea pour travailler de nombreuses missions. Son séjour en Égypte fut prolongé, ce qui lui permit d’apprendre la langue arabe et d’expertiser la communication avec les travailleurs égyptiens. Au cours de ses six années de travail avec Edward Naville à Deir el-Bahari, il acquit des compétences considérables. Le dessinateur amateur d’archéologie se transforma en archéologue professionnel de renommée parmi les cercles archéologiques en Égypte. Après la création du Musée égyptien au Caire, devenu également le siège du Département des antiquités, deux postes furent créés : inspecteur en chef du Nord et inspecteur en chef du Sud. La tâche pour laquelle ce poste d’inspecteur en chef fut créé était de reconstruire et d’enrichir le nouveau musée avec des antiquités pharaoniques. L’autorité de l’inspecteur en chef du Nord, dont le siège fut à Saqqarah, s’étendait d’Alexandrie et du delta à Qûs (au sud) tandis que l’autorité de l’inspecteur en chef du Sud, dont le siège fut à Louxor, s’étendait de Qûs au Soudan. Naville et d’autres archéologues nommèrent Hayward Carter pour occuper l’un des deux postes. Ainsi, il fut nommé au poste d’inspecteur en chef du Sud tandis que l’archéologue James Edward Coebel, diplômé d’Oxford, fut nommé inspecteur en chef du Nord. Chacun d’eux gagnait un salaire estimé à 600 livres égyptiennes par an, soit 50 livres par mois. Ce fut une grande fortune selon les normes de cette époque, appelant que la livre égyptienne fut légèrement supérieure à la livre sterling (vendue pour 97 piastres).

Hayward Carter, n’étant diplômé d’aucune école ou université, réussit à être assimilé à un archéologue expert, instruit et diplômé d’Oxford. Cela ne fut qu’une étape dans la vie de Carter, qui commença son travail à Louxor : nettoyer, restaurer, et préparer les sites archéologiques pour les visites. Il investit ses relations amicales pour obtenir des dons de riches visiteurs afin de les exploiter dans son travail de préservation des antiquités, en particulier contre les vols. D’abord, il remplaça les portes en bois des tombes royales par d’autres portes en fer. Mais cela n’empêcha pas certains vols odieux durant son règne, notamment celui de la tombe du roi Amenhotep II ou encore l’agression de sa momie et celle d’une autre momie (volée avec le bateau où elle se trouva). Carter n’eut aucun doute que la famille d’Abdul Rasoul était derrière ce vol. De plus, bien que trois frères de cette famille furent arrêtés, le bateau n'a pas été retrouvé.

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En 1904, Carter fut promu au poste d’inspecteur en chef du Nord, basé dans la zone archéologique de Saqqarah. Cette promotion, censée être une récompense pour Hayward Carter, fut malheureusement un tournant néfaste dans sa vie. Quelques mois suivant sa promotion, précisément le 8 janvier 1905, une délégation de 15 Français, employés de la compagnie d’électricité, visita Saqqarah. Inopportunément, ils y arrivèrent dans un état d’ivresse extrême. Ils abusèrent en bravant les convenances. Ils aggressèrent même l’employé égyptien Muhammad Effendi, en charge de la zone, ainsi que le garde nommé au Sérapéum! Les gardiens de la région firent appel à Hayward Carter qui tenta de contenir la situation sans succès! Les ivrognes agressèrent sauvagement tous ceux qu’ils affrontaient. Ils dévastèrent le Bureau du Département des antiquités et brisèrent ses meubles.  Carter ordonna les gardiens de les expulser de la zone. Il semblait que les gardiens avaient hâte de recevoir un tel ordre, donc ils rouèrent de coups les français ivrognes à l’aide de massues (en dialecte égyptien Nabot, pluriel Nababit) et de chaussures.

Blessés et sévérement battus, les français prirent la fuite de Saqqarah. Le directeur de la compagnie d’électricité française déposa une plainte contre Carter et les gardiens égyptiens, les accusant d’avoir agressé les femmes et les enfants du groupe français.

Au cours du procès, toutes les preuves étaient en faveur de Carter et de ses hommes, y compris le témoignage des ânires qui transportèrent le français ivre de Mit Hostage à Saqqarah. Pourtant, il a été décidé de transférer Carter à Tanta, où son séjour ne dura pas longtemps en raison de sa démission le 4 novembre 1905. 

Quelle étrange coïncidence ! Le 4 novembre, associée au jour de sa démission, deviendra des années plus tard le jour promis dans la vie de Hayward Carter.

Nous verrons la suite la semaine prochaine, si Dieu le veut.

 

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