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Le renforcement de la présence militaire turque en Libye : Les signes et le message

Le Dialogue

Des diplômés militaires libyens fidèles au gouvernement d'accord national (GNA) reconnu par l'ONU participent à un défilé marquant leur graduation, résultat d'un accord de formation militaire avec la Turquie, au camp d'Omar Mukhtar dans la ville de Tajoura, au sud-est de la capitale Tripoli le 21 novembre 2020. /AFP/Mahmud TURKIA

 

La période récente a vu des déplacements militaires turcs considérables dans le cadre du dossier libyen. 

Alors que quatre avions militaires de l'armée de l'air turque étaient arrivés sur la base d'Al-Watiya, à l'ouest de Tripoli, quelques heures après, une vingtaine de containers de matériel militaire ont été transportés de la base d'Al-Watiya vers la capitale, Tripoli.  

Ankara vise par là à consolider son influence militaire en Libye, en prévision de tout nouveaux arrangements qui pourraient advenir dans les mouvements régionaux actuels.

 

Une présence militaire turque intensive.Des articles de presse libyens témoignent de l'entrée d'une frégate de guerre turque dans la base navale d'Al Khums, dans l'ouest de la Libye. La veille, autre frégate turque était déjà entrée dans la même base, alors qu'Ankara avait établi un centre de formation navale dans la ville.  Cette mesure avait été décidée suite à l'accord signé avec le gouvernement sortant d'Abdulhamid al-Dabaiba pour activer le Mémorandum, controversé, de coopération militaire et sécuritaire qui avait été signée le 27 novembre 2019 avec l'ancien gouvernement d'Entente Nationale. 

Othman Itaj, le commandant des forces turques en Libye, a également participé, fin novembre dernier, à la cérémonie de remise des diplômes de la nouvelle promotion des officiers d'infanterie, d'artillerie et de forces blindées, qui ont reçu une formation militaire auprès d'officiers turcs présents à Tripoli. Ceci en vue de constituer deux brigades d'infanterie et d'artillerie en coordination avec Ankara.

 Les mouvements militaires turcs en Libye coïncident avec les développements locaux, régionaux et internationaux, qui ont fait l’objet d’une série de recommandations émises par le Parlement européen à la mi-novembre 2022, lors de l’examen du protocole d'accord signé début octobre 2022, par le gouvernement Dabaiba avec Ankara. Cet accord, qui permet à la Turquie la prospection du gaz et du pétrole libyens est illégal, car il permet à la Turquie de creuser dans des sites situés dans les zones économiques de la Grèce et de Chypre.Le Parlement européen a demandé l’annulation du Mémorandum, et a appelé tous les acteurs concernés par le dossier libyen de s'abstenir d'alimenter les tensions par des interventions militaires directes. Le Parlement européen a également mis l'accent sur la nécessité de retirer les mercenaires et les forces étrangères de Libye, ce qui va à l’encontre de la volonté turque qui cherche à renforcer sa présence militaire en Libye.La Turquie vise, par ses récentes démarches, à assurer la pérennité de son rôle, indépendamment du maintien ou non du gouvernement "Dabaiba", qui tente de développer la coopération avec l’Etat tunisien en gagnant son appui pour consolider sa propre position. Le sens et les dimensions des tractations diplomatiques libyennes. La visite d’Al-Dabaiba en Tunisie et ses entretiens avec le président Kaïs Saied et son Premier ministre Naglaa Boudin s’inscrivent clairement dans l’ensemble des mesures prises par Al-Dabaiba pour renforcer sa position face aux pressions internes et externes.

 

Son arrivée en Tunisie à la tête d'une importante délégation - qui comprenait le gouverneur de la Banque centrale de Libye, Al-Sadiq Al-Kabeer, le ministre de l'Économie, Muhammad Al-Hawij, le ministre des Finances, Khaled Al-Mabrouk, et le ministre en charge des affaires intérieures, Imad Trabelsi - intervient après un refroidissement des relations entre les deux pays. Situation due au relatif rapprochement manifesté par la Tunisie à l’égard du gouvernement de Fathi Bachagha, soutenu par le Parlement libyen dans l’est du pays en mars 2022. Mais il semble que le rapprochement des liens entre la Tunisie, et l'Algérie qui soutient le gouvernement de Dabaiba, en ait été un facteur déterminant.   Indicateurs importantsNotons que cette visite intervient également quelques jours avant la visite surprise du Premier ministre tunisien, Naglaa Boudin, en Algérie, et celle rendue en Tunisie par le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra.Ces mouvements diplomatiques sont autant d’indicateurs de l'accélération du partenariat stratégique entre la Tunisie et l'Algérie et de l'orientation vers la possibilité de former un bloc tripartite incluant la Libye et renforçant sa position.

 

Enfin, le renforcement de la présence militaire turque en Libye, coïncide également avec les tentatives de rapprochement entre l'Égypte et la Turquie, dont la première a été la rencontre du président Abdel Fattah El-Sisi, avec son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, à Doha en novembre 2022.  Rapprochement qui a eu lieu en marge de l'ouverture de la Coupe du Monde de football, suivie de la déclaration du ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, dans laquelle il se réjouit de coopérer avec l'Égypte et les Émirats Arabes, unis pour régler la crise libyenne. Dans cette perspective, le ministre turc soutient sa position en Libye afin que la Turquie puisse avoir un pied dans la nouvelle carte du pays.