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Monde

L’Afrique est-elle devenue le bastion du terrorisme dans le monde ?

Le Dialogue

Le 15 décembre 2022, le Conseil de Sécurité a publié une déclaration mettant en garde contre l’escalade des menaces provenant d’organisations terroristes dangereuses qui se propagent dans différentes régions du monde. Il a identifié les défis que ces organisations représentent : la circulation des armes et de l’argent, l’utilisation de drones dans la conduite de leurs opérations, le recours aux technologies de l’information modernes (Internet, les médias sociaux) pour recruter de nouveaux membres, et l’expansion du discours de haine qu’elles propagent.

Cet avertissement n’est pas sorti de nulle part. C’est bel et bien le résultat de l’observation du changement dans la carte de l’activité des organisations terroristes dans le monde. Lorsque l'État Islamique (Daech) a pris le contrôle de vastes zones en Irak et en Syrie et a établi ce qu'il a appelé l'État du Califat en 2014, le monde a considéré le Moyen-Orient comme un centre d'extrémisme et de terrorisme.

Les activités des organisations terroristes dans le plus grand pays arabe, l’Égypte, ont fortement diminué. Mais l’État islamique n’a pas cessé de mener des opérations limitées en Irak et dans le sud de la Syrie. Mais il n’a pas réussi à retrouver son ancienne influence dans les deux pays. Ces opérations se sont multipliées plutôt en Afrique. Selon l’Indice mondial du terrorisme 2022, la liste des dix pays les plus touchés par le terrorisme dans le monde comprenait cinq États africains : la Somalie, le Burkina Faso, le Nigéria, le Mali et le Niger. Les décès dus au terrorisme représentaient 48% du total mondial. 

Le terrorisme s’est développé dans des nombreux pays africains, dont les territoires sont devenus des refuges pour les organisations terroristes, des terrains d’entraînement pour les combattants djihadistes et des points de lancement pour des opérations militaires soit dans le même pays soit dans les pays voisins. Les activités de ces organisations sont concentrées dans la région du Sahel (dont la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad), qui ont créé un environnement propice aux activités terroristes des organisations extrémistes en raison de leur fragilité sécuritaire liée à l’impossibilité d’une coordination efficace pour faire face à ces organisations.

Bien qu’il ait accepté en 2014 de créer la Communauté des États du Sahel (CEN) en constituant une force militaire conjointe pour coordonner entre eux, la récolte est restée médiocre en raison du manque de financement, des attaques terroristes incessantes contre elle et du manque d’enthousiasme du Mali qui était choisi comme quartier général de la force en question, et s’est retiré de l’accord en 2022. Une décision dans laquelle le Président de la République du Niger a vu « la fin de la CEN».

En ce sens, on peut ajouter le climat d’instabilité non seulement dans la région du Sahel mais aussi dans les pays voisins au cours des trois dernières années. En 2020, il y a eu un coup d’État militaire au Mali.  En 2021, des coups d’État ont eu lieu au Niger, au Mali et en Guinée, et l’assassinat du président tchadien Idriss Deby qui combattait les rebelles. En 2022, il y a eu deux coups d’État au Burkina Faso et en Guinée-Bissau.

La rivalité entre Daech et al-Qaïda a émergé à plus d’un endroit. Les deux organisations se sont affrontées militairement dans la zone frontalière entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso. Elles se sont affrontées militairement au mois de décembre en 2022, dans l’est du Mali.

Au Nigéria, Boko Haram n’a pas cessé de croître, déployant ses activités à la fois dans le pays et dans les pays voisins. Il s'est engagé dans des affrontements avec Daech appelée « Wilayat West Afrika ». L'escalade des menaces terroristes transfrontalières conduit à l'accord des dirigeants de la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) lors de leur réunion dans la capitale nigériane, Abuja, en décembre 2022, pour établir une force militaire régionale dont le but est de combattre les groupes armés et d’intervenir pour rétablir l'ordre constitutionnel en cas de coups d'État.

En Somalie, l'activité du mouvement Chabab al-Moudjahidine s'est poursuivie. Voilà ce qui a incité le président somalien Hassan Sheikh Mahmoud à déclarer, en mai 2022, la guerre globale contre le terrorisme. Au début de cette année 2023, les forces gouvernementales ont repris l'initiative avec le soutien militaire de l'Amérique et la coordination avec le Kenya, l'Éthiopie et Djibouti. Le résultat a été de forcer Chabab al-Moudjahidine à se retirer de certaines des zones qu'il avait contrôlées au cours des dix années précédentes. 

Il n'est pas certain que cette tendance se poursuive. Notamment avec l'activité de l'État islamique profitant de l'instabilité pour renforcer sa présence en Somalie. Les États-Unis ont répliqué le 26 janvier 2023 en annonçant que leurs forces avaient assassiné Bilal al-Soudani, l'un des dirigeants de Daech, retranché dans sa planque dans une zone montagneuse, au nord de la Somalie.

Il est évident que l’Afrique est, comme on a signalé plus haut, une région propice au travail des organisations terroristes. Cela est dû aux plusieurs facteurs d’ordres différents : l’économie écroulée, l’accroissement de la pauvreté, l’inertie des institutions étatiques et l’impossibilité des états africains de sécuriser leurs frontières surtout en l’absence des services compétents de renseignement. Cela rend ces pays une proie facile aux organisations terroristes qui utilisent diverses méthodes de trafic pour économiser de l’argent, telles que le commerce, le pillage des richesses, les enlèvements et les rançons. Cela, ajouté aux réseaux de contrebande, leur a faciliter l’achat des armes et des munitions.

Le 30 décembre 2022, Le Figaro a publié un entretien avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune, dans lequel il a déclaré : « Ce n’est pas le terrorisme qui me préoccupe le plus. Nous pouvons le vaincre. Je suis inquiété par la misère dans lequel se noie le Sahel. La solution est à 80 % économique, à 20 % sécuritaire ». 

Quelqu’un suivra-t-il le conseil du président algérien ?