Accueil recherche MENU

Monde

L’affaire du ballon chinois en rappelle une autre…

Le Dialogue

VIRGINIA BEACH, VA - 10 FÉVRIER : dans ce document de la marine américaine, les marins affectés à l'unité d'artisanat d'assaut 4 préparent le matériel récupéré dans l'océan Atlantique à partir d'un ballon à haute altitude pour le transport vers des agents fédéraux à la base expéditionnaire conjointe Little Creek le 10 février 2023 Sous la direction du président des États-Unis et avec le plein appui du gouvernement du Canada, des avions de chasse américains sous l'autorité du U.S. Northern Command ont engagé et abattu un ballon à haute altitude dans l'espace aérien souverain des États-Unis et au-dessus des eaux territoriales américaines, le 2 février .4, 2023. Le service actif, la réserve, la Garde nationale et le personnel civil ont planifié et exécuté l'opération, et des partenaires de la Garde côtière américaine, de la Federal Aviation Administration, du Federal Bureau of Investigation et du Naval Criminal Investigative Service (NCIS) ont assuré la sécurité publique tout au long de l'opération et des efforts de rétablissement. Ryan Seelbach/États-Unis Marine via Getty Images/AFP (Photo by Handout / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP)

 

 

L’affaire du ballon chinois qui a survolé au début fin janvier - début février l’Alaska puis le Canada et enfin les États-Unis avant d’être abattu le 4 février au large des côtes de Caroline du Sud par un chasseur américain F-22 n’a pas fini de défrayer la chronique. S’est est ensuivie une véritable crise de paranoïa, l’US Air Force ayant reçu pour instructions d’abattre tout ce qui pouvait être estimé comme une menace pour les États-Unis. Après, les Américains s’étonnent d’être souvent pris pour des « cow-boys qui tirent plus vite que leur ombre ». Pour mémoire, le vol Iran Airways 655 reliant Bandar Abbas à Dubaï a été abattu le 3 juillet 1988 par des missiles tirés par le navire USS Vincennes (CG-49) au-dessus du golfe persique faisant 290 victimes. Le signal radar de l’Airbus iranien avait été confondu avec celui d'un F-14 iranien ayant décollé de Bandar Abbas juste après lui. Le prédisent Reagan a exprimé ses « regrets » pour cette « terrible tragédie humaine », tout en justifiant une « action défensive appropriée ». George Bush, son  vice-président a déclaré le 2 août 1988 : « je ne présenterai jamais d'excuses au nom des États-Unis - Que m'importent les faits... Je ne suis pas de ces gens qui présentent des excuses au nom des États-Unis. Toutefois, les autorités américaines acceptèrent en 1996 de payer 131,8 millions de dollars après que l'Iran eut porté le cas devant la Cour internationale de justice… Ce tragique épisode est révélateur de l’état d’esprit qui préside à Washington depuis très longtemps. 

 

 

Trois objets volants non identifiés ont fait les frais de cette paranoïa étant abattus dans les jours qui ont suivi l’incident du ballon chinois. Évoluant entre 20.000 et 40.000 pieds, ils pouvaient représenter un danger pour les vols civils qui empruntent les mêmes altitudes. L’affaire aurait pu être grave car un des missiles air-air tirés a manqué sa cible. Heureusement, il est tombé dans le lac Huron ne faisant pas de victimes « collatérales ». Les autorités US ont ensuite admis que ces trois « OVNI » n’avaient rien à voir avec la Chine. Là aussi, aucune photo de débris n’a été rendue publique.

 

clip_image004

 

Toutefois, l’affaire a été jugée assez sérieuse au Capitole pour que le secrétaire d’État Antony Blinken annule à la dernière minute un déplacement en Chine… Pékin a persisté à prétendre que son ballon n’était pas un « espion » mais un engin météorologique qui avait échappé à son contrôle. Il est vrai qu’ailleurs, il a été signalé à de nombreuses reprises dans le passé que les Chinois avaient tendance à perdre leurs ballons météo qui ensuite survolaient par mégarde Taïwan… Mais en matière d’espionnage, si l’on en croit le nombre d’agents traités par les services secrets chinois arrêtés aux États-Unis ces dernières années, il semble que Pékin n’ait pas vraiment besoin de ballons pour obtenir des informations classifiées sans parler de l’énorme flotte de satellites espions, dont le nombre est estimé par les Américains eux-mêmes à près d'une centaine de plates-formes.

Pour en revenir au fameux ballon, les équipements électroniques, de nombreuses antennes et les panneaux solaires emportés par ce dernier étaient, selon les officiels américains du Département d’État : « clairement destinés à des activités de renseignement […] dont le but était d’intercepter et localiser des télécommunications ». Il aurait été équipé de petits moteurs qui permettaient aux Chinois de le manœuvrer.

Chose étonnante, il semble que cet engin n’avait pas de moyens de communications vers l’extérieur (via des satellites ou des stations terrestres). Alors, à quoi peuvent servir des renseignements s’ils ne sont pas transmis ? 

Les opérations de récupération du ballon abattu ont rapidement débuté et les débris « remarquablement intacts » ont été récupérés et confiés aux laboratoires du FBI à Quantico. Mais, au moment où sont écrites ces lignes, aucune photo n’a été divulguée par les autorités américaines pour étayer leurs suspicions.

 

clip_image006

 

Cette affaire rappelle celle des « laboratoire mobiles chimiques d’Irak de 2002/2003

 

clip_image008clip_image010

 

Selon CBS, l’opération « Curve Ball » destinée à démontrer que l’Irak développait des armes chimiques, prétexte qui a servi à l’invasion US de 2003 - sans aucune autorisation de l’ONU -, basait ses accusations sur des « laboratoires mobiles transportés sur des semi-remorques. Les enquêtes qui ont suivi la guerre ont démontré que ces camions étaient en fait destinés à activer des ballons météorologiques.

L’informateur qui avait donné ces renseignements, croquis à l’appui, était l’Irakien Ahmed Alwan qui avait demandé l’asile politique en Allemagne en 1999. Il a été prouvé que pour obtenir son statut de réfugié politique, il était devenu un « escroc aux renseignements », cas bien connu dans les services de renseignement. Il avait tout inventé mais, même si les professionnels de la CIA doutaient de la fiabilité de la source traitée par le BND allemand, pour la Maison-Blanche, ce n’était pas important car la décision d’attaquer l’Irak et de renverser Saddam Hussein avait été prise bien avant. Tyler Drumheller, un ancien responsable opérationnel de la CIA a admis : « s’ils n’avaient pas eu “Curve Ball”, ils auraient probablement trouvé autre chose ».

En conclusion et sans s’en cacher, Washington a décidé de continuer à diriger les affaires du monde. Pour rendre présentables leurs opérations, les États-Unis utilisent tous les moyens pour expliquer qu’ils représentent le « monde du bien » contre celui du « mal », ce qui n’est pas totalement faux dans certains cas.

Une question peut être poser : est-ce que c’est le « bien » qu’ils souhaitent défendre ou plutôt leurs intérêts - confondant allègrement les deux - ?

Washington ne cache pas que son ennemi principal d’aujourd’hui et surtout de demain est la Chine, pays visiblement peu sensible aux « valeurs universelles » de l’Occident. Mais, pour se retourner contre cette puissance qui constitue un « morceau bien plus important » que la Russie (qui a eu le tort de tomber à pieds joints dans le piège tendu par Washington en attaquant l’Ukraine) et surtout du fait que cette fois il ne sera plus possible de mener une guerre via des « intermédiaires », il convient de s’y préparer. Donc, Washington s’évertue à démontrer - par des affaires comme celles du ballon - mais elle n’est qu’un « avant goût » de celles qui devraient suivre, d’abord au peuple américain puis à ses alliés, que l’agresseur est indubitablement chinois. Dans cette affaire à venir, l’Europe qui a suivi Washington dans de nombreuses aventures - particulièrement en Ukraine - doit peut-être tenter si elle le peut,  de voir où se trouve son intérêt, et plus encore, celui de ses administrés.