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Économie - Énergie

La « dé-dollarisation » de l’économie mondiale est-elle en marche ?

Le Dialogue

Cette photographie prise le 9 février 2023 montre une pièce en rouble russe et des billets en dollars américains à Moscou. (Photo de Kirill KUDRYAVTSEV / AFP)

 

L’Inde et la Russie s’apprêtent à abandonner le dollar et l’Euro dans leur commerce bilatéral.

Dans le même temps, New Delhi offre la possibilité pour certaines banques indiennes d’ouvrir des comptes aux entreprises russes et de passer ainsi sous le radar occidental.

New Delhi et Moscou discutent par ailleurs d’un dispositif permettant d’échanger en roupies contre roubles pour contourner l’exclusion des banques russes du réseau de paiement international Swift.

Chacun sait que la part des échanges commerciaux entre la Russie et l’Inde a connu une nette augmentation. De fait, le sous-continent est passé de 1 % à 18 % des ventes de pétrole de la Russie. Et cela ne date pas de la guerre en Ukraine. Du reste, à la fin de 2021, les exportations russes hors énergie représentaient déjà 46,5 % de leur commerce

 

Pour mémoire, la stratégie de « dé-dollarisation » de l’économie orchestrée notamment par Moscou a été décidée en marge du Forum économique oriental de Vladivostok qui s’est tenu du 11 au 13 septembre 2018. A cette occasion, Vladimir Poutine avait déclaré́ que les parties russes et chinoises avaient « confirmé leur intérêt pour une utilisation plus active des monnaies nationales dans les échanges commerciaux ». 

Le Président chinois Xi Jinping avait pour sa part précisé́ que la Russie et la Chine devaient travailler ensemble afin de s’opposer au protectionnisme et de contrer les approches unilatérales aux problèmes internationaux. 

Qu’on y songe, au cours des sept premiers mois de 2022, le commerce entre la Chine et la Russie a augmenté de 29% pour atteindre 75,489 milliards de dollars (74,138 milliards d'euros).

Voilà somme toute de quoi renforcer la stabilité́ des services bancaires pour les transactions d’import-export, face aux risques persistants sur les marchés mondiaux 

« Washington a pu orchestrer la scène internationale pendant de nombreuses années », avait déclaré́ le Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie. M. Sergueï Lavrov. « On peut comprendre un pays qui a dicté la musique dans les affaires internationales pendant plusieurs siècles sans rencontrer de résistance considérable. Désormais il est évident que ce monopole disparait, car il n’est plus possible de négliger de nombreux grands États », avait-il martelé́. 

En 2018, l’argument avancé  par Moscou, relevait de la lutte contre les conséquences de l’extraterritorialité́ du dollar américain et de s’affranchir par la même de la justice américaine si elle ne respecte pas les lois des États-Unis, notamment en matière de sanctions. 

Dans le même temps, Ankara a annoncé, vouloir aussi négocier avec Moscou pour s’affranchir du Dollar américain.

Par ailleurs, selon Yahya Ale-Es’haq, ancien ministre iranien du Commerce et actuel président de la Chambre de commerce irano- irakienne, dont les propos ont été rapportés le 1er septembre 2018 par l’agence de presse iranienne Mehr News, Téhéran et Bagdad ont décidé́ d’abandonner la devise américaine pour leurs transactions financières bilatérales.

« Le dollar américain a été retiré de la liste des monnaies utilisées par l’Iran et l’Irak dans leurs transactions commerciales », a-t-il annoncé avant de préciser que les deux pays utiliseraient dorénavant à sa place « le rial iranien, l’euro et le dinar irakien ».  Et dire que Moscou avait même envisagé de choisir l’euro pour son commerce extérieur en cas de soutien européen dans le cadre des sanctions américaines qui la visent ; on en est loin aujourd’hui ! 

Quant à la Chine, elle a instauré en mai 2018 le Yuan.

 Et il y a plus, la Chine a lancé un contrat à terme sur le pétrole brut libellé en yuan chinois et convertible en or les cinq pays des BRICS, à savoir le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, pèsent 45 % de la population de la planète, près du quart de sa richesse et les deux tiers de sa croissance et les estimations, les BRICS seraient à l'origine de plus de 50 % de la croissance économique mondiale au cours des dix dernières années.

C’est ainsi que, Vladimir Poutine ne manque pas de faire remarquer l’envol des BRICS en termes géopolitiques et géoéconomiques. Il plaide pour un monde multipolaire équitable et milite aussi contre le protectionnisme. Comme il invite à lever les nouvelles barrières tarifaires dans le commerce international. 

Du reste, les approches des États membres des BRICS sont assurément complémentaires. Des interactions coexistent entre les régions dans des domaines aussi divers que la sécurité́ Internationale de l’information, le tourisme et l’énergie. Mais on soulignera volontiers le rôle des BRICS en termes d’interaction dans les Organisations internationales telles que les Nations Unies ou l’Organisation Mondiale du Commerce ou encore du G20. 

La coopération au sein des BRICS est telle, comme le souligne Sergueï Ryabbkov, Sherpa de la Russie au sein des BRICS, que cela crée un effet multiplicateur. De fait elle permet aux pays de renforcer ses capacités dans la sécurité́ aux frontières, tout en permettant de doper l’investissement, notamment en ce qui concerne les projets liés aux infrastructures. 

 

La Chine et la Russie regardent dans la même direction 

De fait, la Chine n’a telle pas silencieusement et efficacement apporté tout son soutien à la Russie dans le dossier syrien et Ukrainien ? 

Vladimir Poutine qui milite ardemment pour un monde multipolaire équitable loue les contrats pétroliers qui offre l’opportunité de se passer du dollar, pour être libellés en Yuan chinois et convertibles en or. 

Qu’on y songe, le principal importateur de pétrole du monde, la Chine a lancé un contrat à terme sur le pétrole brut libellé en yuan chinois et convertible en or, créant potentiellement le prix de référence du pétrole le plus important d’Asie et permettant aux exportateurs de contourner les prix libellés en dollars américains via des transactions en yuans, rapporte la Nikkei Asian Review

Comme le souligne, l’expert en géopolitique Caroline Galactéros dans son blog « Bouger les lignes ». « Le contrat à terme sur le pétrole brut est le premier contrat de marchandises en Chine ouvert aux fonds d’investissement étrangers, aux sociétés de négoce et aux compagnies pétrolières. Le contournement du dollar pour le règlement des échanges permet aux exportateurs de pétrole comme la Russie et l’Iran, par exemple, d’éviter les sanctions américaines en réalisant des transactions en yuans ».

Chacun sait que les contrats sur les hydrocarbures sont majoritairement libellés en dollars. Cette décision est amenée à bouleverser les règles sur le marché́ du brut et à affecter ainsi à terme le rôle et l’importance de la monnaie américaine dans l’économie mondiale : 

Il va de soi que le Yuan permet de contourner le soft power du dollar et des sanctions imposées par les États-Unis à certains pays producteurs d’hydrocarbures qui utilisent par défaut cette devise sur les marchés. 

De plus, par sa possible conversion en or, le yuan pourrait conjurer son manque d’attractivité́ en tant que monnaie de réserve et renforcer ainsi son poids sur la scène internationale.

« Dans sa relation avec le Golfe, Pékin cherche à «dé-dollariser» son économie, en poursuivant l’internationalisation de la monnaie chinoise, le yuan, en vue d’utiliser la Bourse de Shangaï pour importer son pétrole. Le président Xi Jinping n’avait-il pas manqué de le souligner lors de sa venue à Riyad ? Si l’Arabie comme ses voisins sont à l’affût d’investissements directs étrangers, donc asiatiques, la Chine de son côté souhaite que les très riches fonds souverains des pays du Golfe coopèrent davantage avec le sien », indiquait tout récemment Georges Malbrunot dans Le Figaro.