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Économie - Énergie

La relance post-covid sera verte ou ne sera pas

Le Dialogue

Un homme est assis à côté d'une flèche verte indiquant le sens de circulation des piétons afin de tenir les gens à distance en raison de la pandémie de Covid-19  dans un centre commercial, le 13 janvier 2021 à Saint-Herblain, en dehors de la ville de Nantes. /AFP/LOIC VENANCE

 

La relance post-covid sera verte. La question est de savoir comment faire de la relance verte. Tout d’abord, la relance verte est impossible sans une relance technologique. Cette relance représentera vraiment l'enjeu des 30 prochaines années, et même au-delà. 

Dans ce cadre, il faut rappeler trois messages importants. Tout d’abord, le coronavirus a malheureusement mis en avant les risques probabilistes exponentiels et systémiques qui sont une réalité. Cette pandémie a aidé à remettre le changement climatique sur le devant de la scène, même si on n'avait pas vraiment besoin de ce rappel. Malheureusement, la flopée de mauvaises nouvelles et le récent rapport du GIEC rappellent à l'ordre les décideurs publics, mais aussi des entreprises. Malheureusement, ce contexte dramatique du covid n'a pas encore totalement rappelé à l'ordre les familles et les ménages. En revanche, cette situation a rappelé à l'ordre le secteur de la finance, qui a compris que c'était un enjeu pour consolider la viabilité de notre système économique sur le long terme. 

Aujourd’hui, deux ans et demi après le début de la pandémie, tout le monde comprend qu’il faut mettre en marche beaucoup de choses et surtout le faire de façon beaucoup plus radicale qu'avant. Le coronavirus quelque part a mis le climat au centre de la frise, au centre des politiques publiques, que ce soient les politiques budgétaires et les politiques monétaires. A titre d’exemple, la présidente de la BCE Christine Lagarde s'est engagée à ce que la politique monétaire de la BCE soit verdie. 

Ces initiatives sont de l'ordre du changement radical, déclenché par cette crise. Dans les politiques budgétaires, énormément d'argent a été dépensé sur le vert, avec plus ou moins de cynisme. Les Américains qui disposent de beaucoup d'argent ont mis en place plutôt un programme d'infrastructures qu’un programme de transition d’énergétique. Quant à eux, les Européens ont mis un peu moins d'argent pour financer la transition post-covid. Ils ont beaucoup d'idées maintenant. Il faut qu'ils décaissent, il faut qu'ils fassent des choses. Donc, le premier message, c'est que, il n'y a plus à tergiverser. Tout le monde a pris conscience de l'enjeu climatique, en plus des autres enjeux, démographiques, sanitaires, sécuritaires. L’enjeu climatique est là, et tout le monde s'en empare. 

Deuxième message consiste en ce que cette relance post-covid risque d'être chaotique pendant quelques années. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, lorsqu’on a un besoin de comprendre les vrais enjeux liés à la transition énergétique pour ensuite pouvoir agir d’une manière efficiente, la situation est malheureusement très désorganisée. Dans cette phase de démarrage, on va avoir une incertitude de politiques climatiques, et cette incertitude va être très présente pour les acteurs économiques. Pourquoi ceci est problématique ? Parce que les hésitations sur la fiscalité, sur le prix du carbone, sur quelles technologies soutenir avec la politique industrielle, sur comment faire de la politique de relance verdie, ces hésitations créent beaucoup de bruit pour les agents économiques, ce qui n’enclenche peut-être pas les bonnes dynamiques. 

En souffrent notamment les entreprises et leur investissement. Tant qu’un prix du carbone n’atteigne 100 euros la tonne, pour les entreprises il est difficile d’investir dans la transition énergétique. Donc, tout le monde attend malheureusement le choc réglementaire. Pour le moment, c'est très problématique, parce que, il y a beaucoup d'annonces, qui ne reposent forcément pas sur les calculs. Ceci signifie que les décideurs ne comprennent pas la signification de ces annonces. Ils ne savent pas comment ils doivent mettre en place ces politiques. 

C'est particulièrement important dans le secteur de la finance. Pour le moment, les grandes entreprises financières restent très sceptiques, en pensant qu’elles pourront s’engager dans la neutralité carbone vers 2050 au mieux. Dans le secteur de la finance, l'enjeu principal consiste à financer l'innovation technologique verte. Il s’agit de mettre beaucoup d'argent, sachant que la finance est le seul secteur capable de transformer des millions en milliards. 

Or, l’urgence est telle que les financiers doivent comprendre très vite qu'il faut agir. Ils doivent comprendre quelles sont les technologies dans lesquelles il faut investir massivement. Malgré le brouillard des politiques publiques et l’incertitude de politiques climatiques, les investisseurs doivent comprendre les enjeux liés au réchauffement global pour pouvoir faire les choses convenablement. 

Cette incertitude réglementaire affecte également les autres acteurs de la transition. Par exemple, les entreprises du secteur automobile qui en a fait les frais déjà avant la crise Covid. Ce sujet de l'incertitude de politiques climatiques va rester avec nous pendant très longtemps. En tant que prospectiviste, je constate que cette situation va créer beaucoup de volatilité, beaucoup d'erreurs. Cette incertitude va créer aussi beaucoup de mauvaises surprises et beaucoup de déceptions. 

Dans ce contexte volatile et incertain, les acteurs de la transition doivent être résilients pour pouvoir tenir bon car en plus des investissements massifs, les politiques climatiques nécessitent aussi beaucoup de volonté et beaucoup d'intérêt. 

Troisième message, cette crise nous a révélé l'enjeu de l'économie de demain, qui est le capital humain, c'est-à-dire que cette crise n'a pas créé de faillites. Elle n'a pas non plus trop créé de chômage. En revanche, cette crise a créé beaucoup d'inégalités, mais surtout elle a remis la mondialisation devant ses problèmes, notamment les enjeux des hommes, des facteurs de production et du travail. Or, l'avenir, c'est de réfléchir vraiment comment répondre au défi technologique vert, de réfléchir ensemble à ce sur quel contrat social et quelle protection sociale reposera la transition pour réussir.

Il faut saisir les opportunités créées par la transition énergétique pour pouvoir corriger la trajectoire de nos sociétés postindustrielles qui font face à des problèmes graves liés notamment au chômage élevé. Pour résoudre ces problèmes sociétaux, il faut investir massivement dans la requalification, la formation et l'intermédiation des métiers du vert.

Aujourd'hui, beaucoup de gens sont dans des emplois vulnérables et précaires, impactés par la crise du covid 19. Ils sont au chômage partiel parce qu'ils sont dans la restauration, ils sont dans les boîtes de nuit et puis ils ont eu les confinements successifs. Pour améliorer leur sécurité de l’emploi, il faut les inciter à changer de métier, en leur proposant, par exemple, de faire de la rénovation thermique des bâtiments, apprends un métier qui va être dans le domaine vert pour pouvoir travailler sur des machines pour l'industrie décarbonisée.

Certes, l'économie financière et les marchés sont importants pour réussir la transition énergétique, mais il ne fait surtout pas oublier le capital humain. Il est évident que l'économie du capital humain sera presque aussi importante, si ce n'est plus importante, que l’économie technologique verte afin que la transition réussisse. On ne peut que constater que nos sociétés ne mettent pas assez d'efforts, d'argent, à comprendre, à former, à requalifier tous ceux qui participeront demain à cette grande aventure de transition. 

Pour être une grande puissance de la transition énergétique et écologique, pour devenir une grande nation verte, la France doit faire un plan Marshall de la formation continue, apprenante, diplômante, sur les métiers du vert pour mettre en valeur le capital humain, sans lequel il est  impossible de réussir.