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Monde

La Guerre en Ukraine sonne-t-elle le glas de l’Occident ?

Le Dialogue

Le président russe Vladimir Poutine, le Premier ministre indien Narendra Modi et le président turc Recep Tayyip Erdogan se saluent à leur arrivée pour poser pour une photo de groupe lors du 10e sommet des BRICS (acronyme désignant le regroupement des principales économies émergentes du monde, à savoir le Brésil, la Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) le 27 juillet 2018 à Johannesburg, Afrique du Sud. (Photo de Gianluigi GUERCIA / PISCINE / AFP)

 

Conforté par la posture du « Grand sud » qui refuse de rejoindre les condamnations occidentales en affichant une prudente neutralité à l’instar de la Chine, de l’Inde ou bien encore de l’Indonésie, des Afriques, des États du Golfe ou d’Amérique latine, Vladimir Poutine se prépare à une guerre longue en Ukraine…

 Qu’on y songe, Hubert Védrine le martèle tout de go :« on ne retrouvera jamais ce qu’on a connu pendant trois ou quatre siècles, la domination du monde entier par l’Occident. Il faut s’adapter à un système mondial dans lequel les Occidentaux n’ont plus le monopole de la puissance. Et pour beaucoup, c’est choquant, insolent et inquiétant ».

 

La Russie, la Chine, l’Inde et la Turquie veulent rompre avec l’unilatéralisme imposé par Washington

La Russie, la Chine, l’Inde, la Turquie, l’Iran militent pour un monde multipolaire et pour la promotion d’un nouvel ordre mondial. Ces États veulent ainsi rompre avec l’unilatéralisme imposé par Washington. Or, force est de constater que les pays africains n’y sont pas insensibles, mieux ils font mouche à l’instar de l’Afrique du Sud ou de l’Algérie.

Dès 1997, sous Bill Clinton, Zbigniew Brzezinski désigne la Chine comme le futur adversaire majeur et appelle au renforcement du pacte occidental en le subordonnant à l’affaiblissement de la Russie. « Ce n’est pas pour rien que Zbigniew Brezinski dans Le Grand Échiquier, a ingénument rappelé l’obsession américaine d’une fragmentation de l’Eurasie et d’une division de l’Europe de l’Ouest avec l’instrumentation de la “menace russe” comme vecteur d’un affaiblissement durable de l’ensemble européen »

 

Quid de l’inde ? 

S. Jaishankar, le Ministre des Affaires étrangères de l’Inde dans son ouvrage « The India Way », publié juste avant la guerre, ne voyait-il déjà pas la faiblesse américaine ? 

En effet, il en vient à la conclusion que l’affrontement entre la Chine et les États-Unis ne fera pas de vainqueur mais va donner de l’espace à un pays comme l’Inde, et à bien d’autres…

Dans ce contexte, on indiquera, chemin faisant que la part des échanges commerciaux entre la Russie et l’Inde a connu une nette augmentation. 

De fait, le sous-continent indien est passé de 1 % à 18 % des ventes de pétrole de la Russie. Et cela ne date pas de la guerre en Ukraine. Du reste, à la fin de 2021, les exportations russes hors énergie représentaient déjà 46,5 % de leur commerce.

 S’agissant des Afriques, le vote à l’Assemblée Générale des Nations Unies, intervenu le 2 mars 2022, exigeant le retrait des troupes russes de l’Ukraine revêt une importance particulière pour le continent africain, car il souligne les contradictions entre l’aspiration des pays africains à une autonomie stratégique et l’empathie avec un pays européen agressé que revendique le camp Occidental…

« Ça choque les Africains de voir les milliards qui pleuvent sur l’Ukraine alors que les regards sont détournés de la situation au Sahel », avait déclaré l’ancien Président du Niger Mahamadou Issoufou. Il avait ainsi relevé le contraste avec les difficultés rencontrées pour boucler les quelque 400 millions d’euros de budget de la force conjointe anti-djihadiste lancée en 2017 par l’organisation régionale G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad).

Et pourquoi les préoccupations africaines seraient-elles systématiquement moins légitimes que celles de l’Occident ? 

Pour l’heure, les Africains n’ont sûrement pas oublié comment l’Occident a chassé du pouvoir le colonel Kadhafi en 2011, et le chaos en Libye qui s’en est suivi.

 

La « dé-dollarisation » de l’économie est en marche

 L’Inde et la Russie s’apprêtent à abandonner le dollar et l’Euro dans leur commerce bilatéral.

Pour mémoire, la stratégie de « dé-dollarisation » de l’économie orchestrée notamment par Moscou a été décidée en marge du Forum économique oriental de Vladivostok qui s’est tenu du 11 au 13 septembre 2018. Dans ce contexte, Vladimir Poutine avait déclaré́ que les parties russes et chinoises avaient « confirmé leur intérêt pour une utilisation plus active des monnaies nationales dans les échanges commerciaux ». 

Au cours des sept premiers mois de 2022, le commerce entre la Chine et la Russie a augmenté de 29% pour atteindre 75,489 milliards de dollars (74,138 milliards d'euros) 

« Washington a pu orchestrer la scène internationale pendant de nombreuses années… On peut comprendre un pays qui a dicté la musique dans les affaires internationales pendant plusieurs siècles sans rencontrer de résistance considérable. Désormais il est évident que ce monopole disparaît, car il n’est plus possible de négliger de nombreux grands États », avait martèlé le Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, M. Sergueï Lavrov.

 Du reste en 2018, l’argument avancé par Moscou, relevait de la lutte contre les conséquences de l’extraterritorialité du dollar américain et de s’affranchir par là-même de la justice américaine si elle ne respecte pas les lois des Etats-Unis, notamment en matière de sanctions. 

Dans le même temps, Ankara a annoncé, vouloir aussi négocier avec Moscou pour s’affranchir du Dollar américain…

 Selon Yahya Ale-Es’haq, ancien ministre iranien du Commerce, dont les propos ont été rapportés le 1er septembre 2018 par l’agence de presse iranienne Mehr News, Téhéran et Bagdad ont décidé́ d’abandonner la devise américaine pour leurs transactions financières bilatérales. 

« Le dollar américain a été retiré de la liste des monnaies utilisées par l’Iran et l’Irak dans leurs transactions commerciales », a-t-il annoncé avant de préciser que les deux pays utiliseraient dorénavant à sa place « le rial iranien, l’euro et le dinar irakien ». Et dire que Moscou avait même envisagé de choisir l’euro pour son commerce extérieur en cas de soutien européen dans le cadre des sanctions américaines qui la visent…

 Quant à la Chine, elle a instauré en mai 2018 le Yuan pour ses échanges.

La Chine a de plus lancé un contrat à terme sur le pétrole brut libellé en yuan chinois et convertible en or les cinq pays des BRICS, à savoir le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, pèsent 45 % de la population de la planète, près du quart de sa richesse et les deux tiers de sa croissance et les estimations, les BRICS seraient à l'origine de plus de 50 % de la croissance économique mondiale au cours des dix dernières années.

C’est ainsi que, chef du Kremlin ne manque pas de faire remarquer l’envol des BRICS en termes géopolitiques et géoéconomiques. Il plaide pour un monde multipolaire équitable et milite aussi contre le protectionnisme. Comme il invite à lever les nouvelles barrières tarifaires dans le commerce international. 

Du reste, les approches des États membres des BRICS sont assurément complémentaires. Des interactions coexistent entre les régions dans des domaines aussi divers que la sécurité́ Internationale de l’information, le tourisme et l’énergie. Mais on soulignera volontiers le rôle des BRICS en termes d’interaction dans les Organisations internationales telles que les Nations Unies ou l’Organisation Mondiale du Commerce ou encore du G20. 

La coopération au sein des BRICS est telle, comme le souligne Sergueï Ryabbkov, Sherpa de la Russie au sein des BRICS, que cela crée un effet multiplicateur. De fait elle permet aux pays de renforcer leurs capacités dans la sécurité́ aux frontières, tout en permettant de doper l’investissement, notamment en ce qui concerne les projets liés aux infrastructures. 

 

La Chine et la Russie regardent dans la même direction 

De fait, la Chine n’a telle pas silencieusement et efficacement apporté tout son soutien à la Russie dans le dossier syrien et Ukrainien ? 

Mais il y a plus, et c’est pratiquement passé inaperçu dans le landerneau médiatique, Vladimir Poutine milite ardemment pour un monde multipolaire équitable ou les contrats pétroliers pourront se passer du dollar, pour être libellés en Yuan chinois et convertibles en or. 

Du reste, le principal importateur de pétrole du monde, la Chine a lancé un contrat à terme sur le pétrole brut libellé en yuan chinois et convertible en or, créant potentiellement le prix de référence du pétrole le plus important d’Asie et permettant aux exportateurs de contourner les prix libellés en dollars américains via des transactions en yuans.

Le contrat à terme sur le pétrole brut est le premier contrat de marchandises en Chine ouvert aux fonds d’investissement étrangers, aux sociétés de négoce et aux compagnies pétrolières. Le contournement du dollar pour le règlement des échanges permet aux exportateurs de pétrole comme la Russie et l’Iran, par exemple, d’éviter les sanctions américaines en réalisant des transactions en yuans. 

Chacun sait que les contrats sur le pétrole sont majoritairement libellés en dollars, cette décision est amenée à bouleverser les règles sur le marché et à affecter ainsi à terme le rôle et l’importance de la monnaie américaine dans l’économie mondiale.

Il va de soi que le yuan permet de contourner le soft power du dollar et des sanctions imposées par les États-Unis à certains pays producteurs d’hydrocarbures qui utilisent par défaut cette devise sur les marchés. De plus, par sa possible conversion en or, le yuan pourrait conjurer son manque d’attractivité́ en tant que monnaie de réserve et renforcer ainsi son poids sur la scène internationale.

Et dans sa relation avec le Golfe, Pékin cherche à «dédollariser» son économie, en poursuivant l’internationalisation de la monnaie chinoise, en vue d’utiliser la Bourse de Shangaï pour importer son pétrole. Le président Xi Jinping n’avait-il pas manqué de le souligner lors de sa venue à Riyad en décembre 2022 ? 

 

Et si l’Eurasie représentait la nouvelle frontière ?

« Puissance eurasiatique par excellence la Fédération de Russie est plus que jamais l’acteur pivot de cet immense espace Eurasiatique. Elle y poursuit méthodiquement l’intégration économique culturelle et sécuritaire autour de l’Union économique eurasiatique (l’UEE) et de l’Organisation de Coopération de Shangaï (OCS) notamment. L’UE ignore superbement (comme elle le fit pour les nouvelles routes de la Soie chinoises) cette dynamique florissante à ses portes. Pourtant, l’UEE est la matrice d’un pendant à l’UE » souligne Caroline Galateros.

On l’aura compris l’Europe se doit d’accepter ce monde multipolaire sinon elle risque de mourir.