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Monde

Les Frères musulmans… entre hier et aujourd’hui

Le Dialogue

Il  est sûr et certain  que la  confrérie des Frères musulmans représente un  grave danger contre l’Etat national et sa capacité à  accomplir un  progrès sur les plan du développement et de la civilisation. Et,  jamais  elle n’a prouvé le contraire dans aucun pays du  monde. Toujours,  elle a démontré sa nature théocratique  et son impuissance intellectuelle et organisationnelle  à se mettre au  diapason de l’époque et de l’évolution scientifique. Contrôler son  expérience au  cours des dix dernières années en partant  de 2013- l’année de sa chute en  Egypte-  démontre qu’elle épouse une courbe descendante  au  niveau de son  prestige, en  Egypte comme  dans les autres Etats de la région. Le 4  septembre 2013,  un atelier intitulé « Les menaces de survie :les scénarios   probables  de l’avenir des Frères musulmans  dans la région» a été  tenu sous l’égide du « Centre Régional des Etudes Stratégiques »  au  Caire auquel  ont participé  une élite de politistes,  de sociologues et d’islamologues. 

 

Cet  atelier était le climax de trois vagues  successives de mutations  politiques dans la région qui ont un impact direct sur les Frères musulmans à savoir : la première,  celle du printemps arabe depuis décembre 2010, la deuxième marque l’ascension  au pouvoir des Frères musulmans en Egypte à la date du  30  juin 2012 et enfin  la dernière qui  a abouti  à la dérive des Frères musulmans  et à la déstabilisation  de leur crédit au  lendemain du mouvement protestataire de la place Taksim en  Turquie où des manifestations intenses scandaient leur refus de l’emprise exercée par l’idéologie frériste sur le pouvoir  politique et leurs répercussions en  Egypte - le 30  juin et le 3  juillet 2013- lorsque le peuple égyptien,  à l’aide de l’armée,  a réussi à  renverser leur  pouvoir. D’autre part,  le débat a eu  lieu  alors qu’on extrapolait le rôle des courants islamistes en général. C’est avec la deuxième vague de changement que   l’exagération a été  de mise ;  cependant, aucun des partis  islamistes  n’a réussi à remporter, à lui  seul,  la majorité aux élections au  point qu’ils étaient acculés à  forger  des alliances avec d’autres partis. La conséquence en était de minimiser le rôle de tels partis  que les discussions mettaient sur table ou l’exclusion absolue ou l’intégration globale  et chacune de ces deux alternatives  avait ses propres difficultés. 

C’est ainsi que la polémique a porté sur les déterminants de l’avenir du  groupe des Frères musulmans dans la région et qui  pourraient se résumer en  ce qui suit:

  1. primo, ceux concernant la structure organisationnelle  du  groupe, et dans ce cadre,  nous avons pu  recenser trois orientations à  effets contradictoires:
  2. La première confirme que le groupe sera capable de préserver son entité grâce à son aptitude à manœuvrer alors qu’il est sous la coupe de la poursuite sécuritaire et qu’il passe par  une dure épreuve.
  3. La deuxième perçoit que l’aptitude du groupe à assurer la cohésion dépend du  conflit  larvé entre les restes des réformistes et des Qutbistes,  à l’intérieur de l’organisation,  et qui influence le plus la confédération de nos  jours.
  4. La troisième trouve que le pouvoir du  groupe à maintenir sa cohésion dépend des résultats de la désintégration  des alliances créées  avec d’autres partis d’obédience islamiste. 

 

  1. Secundo,  les déterminants internes dans l’Etat national  et qui  sont au nombre  de cinq :1) le décalage  du  contexte social, politique et économique en  raison de l’existence du groupe des Frères musulmans dans plusieurs pays de la région,  ce qui  confirme qu’il  y a plusieurs groupes des Frères musulmans et non  un seul ; 2)  la diversification  du rôle accompli par le groupe des Frères musulmans à  travers les vagues du  printemps arabe  qui  ont varié entre l’intégration dans des alliances regroupant d’autres groupes ( l’Egypte et la Tunisie) et entre la confrontation  avec l’Etat (  La Libye, le   Yémen  et la Syrie); 3) la relation  entre le contexte révolutionnaire de la région et la nature conservatrice du groupe qui  a essayé  de tirer profit des réseaux d’intérêts en place en  vue de  contrôler les articulations de l’Etat  qui  a secrété  des contradictions entre le discours révolutionnaire et le projet d’autonomisation  autoritaire ; 4) la relation  compliquée entre l’Etat  et la société dans le monde arabe. Le pays n’est plus aussi  fort que le croyaient les uns ni  non  plus aussi faible que le concevaient les autres. C’est la raison  pour laquelle le débat  n’a pas été  tranché  au sujet de la position  du  groupe par rapport cette équation qui  prévaut dans la plupart  des pays arabes et qui  soulève la question  autour du statut du  groupe pour voir s’il  est un  composant social  fondamental, une force politique ou  un  groupe terroriste ; 5)  l’équilibre de la faiblesse entre les diverses forces politiques,  vu  que toute partie ne détient pas  suffisamment d’éléments de force  qui  la rende capable de trancher le conflit politique comme  elle n’est pas aussi  faible pour permettre aux autres de le vaincre. Le  conflit est  donc candidat à perdurer,  un fait confirmé  dans un certain  nombre  de pays arabes  et pas confirmé dans d’autres.

 

Il  était évident pour les participants  que les deux cadres régional  et international étaient deux éléments influents sur la réalité politique et sur le débat  qui s’était engagé à l’époque au sujet du  traitement à  adopter avec les Frères musulmans.  Sur le plan régional,  on  a pu observer trois variables importantes: 

  • Premièrement, les hypothèses croissantes de diriger une frappe militaire américaine contre la Syrie afin  de maintenir l’équilibre de la faiblesse entre les adversaires et d’affaiblir les parties de l’alliance régionale qui soutiennent le régime d’Al-Assad; 
  • Deuxièmement, la recrudescence du  conflit politique en  Egypte de manière à former deux axes contradictoires: le premier soutient avec force l’Etat égyptien, sa cohésion et sa survie  avec, à  sa tête, l’Arabie Saoudite,  les Emirats arabes Unis, la Jordanie et le Koweït; le second défend avec acharnement  le maintien  du  groupe des Frères musulmans  au  pouvoir, avec à  sa tête le Qatar et la Turquie.
  •  Troisièmement et dernièrement l’influence négative subie par Hamas du fait  de la chute des Frères musulmans en  Egypte concrétisée par leur fusion  et la substitution de l’axe Iran-Hezbollah par le triangle Qatar-Turquie-Egypte à l’époque de Mohamed Morsi de même que la tentative  de Hamas d’instaurer l’Etat  du  fait acquis dans la bande de Gaza  sous le parrainage de l’Egypte.

Sur le plan  international, une distinction  a été faite entre deux déterminants clés : le premier confirme que l’ascension  des Frères musulmans au  lendemain des révolutions arabes  est indissociable  du  projet américain  dans la région en  vue de trouver  une formule « modérée »  de l’Islam avec laquelle les Etats Unis  pourraient traiter  alors que le second  ancre l’idée que l’importance de garder les Frères musulmans comme partie prenante du  processus politique  et ne pas considérer  comme groupe terroriste  les forces internationales de la confrérie  émane de la tentative  de vouloir conserver le côté « modéré » que représente la confrérie de peur  de l’escalade du  courant extrémiste et terroriste  jusqu’à menacer  les intérêts de ces parties internationales. 

 

Le rapport publié  à la fin  de l’atelier met en  exergue deux défis qui  n’ont pas fait l’objet des discussions : le premier  est la sclérose  d’Al-Gama'a al-Islamiyya  considérée comme  une organisation  fermée alors que toutes les organisations politiques tendent à être des organisations  ouvertes  et adaptées aux exigences de  l’ère de l’information. Et,  c’est cette paralysie  organisationnelle qui  a entravé  son ouverture sur la société  et le monde en  vue de s’adapter aux développements à l’instar d’autres organisations de nature idéologiques  telles les partis communistes qui  se trouvent précisément à l’ouest de l’Europe. Le second défi  est intellectuel  et porte sur l’adoption  du  principe de la gouvernance,  alors que le Coran  et la Sunna n’ont pas précisé  de forme au gouvernement ;  bien  plus, le pacte de Médine qui  représente la Constitution  du  premier régime en  Islam était un document civil qui  reconnaissait les factions des gens de la Médine.  Il était posé par  l’honorable prophète.  Dans le Coran  et chez la première génération  des Frères musulmans,  le terme gouvernement  désignait la gestion  de la justice c’est-à-dire la magistrature  alors que le terme d’ordre  désignait les deux pouvoirs politique et exécutif. Pour les musulmans contemporains, gouverner fait référence au  gouvernement  dans un sens terminologique acquis  par le mot à travers l’évolution historique. C’est pourquoi, appeler à l’instauration  d’un  gouvernement musulman en  se basant sur le verset  coranique : « Et ceux qui  ne jugent pas d’après ce qu’Allah a fait descendre,  les voilà les mécréants »(Sourate Al- Maidah (La table), verset 44)  c’est l’utiliser d’une manière mal placée;  juger ici signifie que ceux ( des gens du  Livre) qui ne tranchent pas les différends d’une manière différente que celle révélée (dans le Torah) ne fait que dénier ce jugement. 

 

L’atelier a établi  trois scénarios probables de l’avenir des Frères musulmans. Le premier prévoyait leur exclusion totale et le bannissement de leur présence ;  le deuxième  pronostiquait leur inclusion  absolue dans le régime politique  alors que le troisième et dernier scénario conjecturait  une  option intermédiaire qui  signifiait la persistance de la relation ambiguë entre les organisations des Frères musulmans et les pays arabes.  Néanmoins, la réalité  des faits qui  se sont produits au  cours de la décennie qui  a succédé à cet  atelier était diamétralement opposée à  ces trois scénarios : Le rejet populaire écrasant de la présence des Frères dans le gouvernement par une gigantesque marche  populaire, le soutien  des forces armées,  les élections ou  par  un engagement  total dans les guerres civiles  qui  ont éclaté en  Syrie et au  Yémen ou  par le recours à l’asile occidental  sous la houlette de la « modération » prétendue et nécessaire aux moments de faiblesse  et après l’autonomisation. Le succès équivalent à l’échec s’est produit en Palestine lorsque Hamas  a fait défection  des rangs palestiniens afin  de se créer son propre  gouvernement, suffisant pour avorter le projet palestinien  de création d’un  Etat palestinien indépendant.