Accueil recherche MENU

Monde

Les bombes aveugles La guerre contre le terrorisme… plus qu’une simple mission

Le Dialogue

La guerre  contre le terrorisme pourrait-elle  être réduite à une simple  mission militaire ?  et en  sonnerait-on le glas si  elle est  couronnée  par la victoire des forces de lutte  contre le terrorisme ?  Et  ce triomphe serait-il  synonyme de décapitation de ses chefs comme dans les cas de Oussama ben Laden  et Abou Bakr al-Baghdadi ? Et, suffirait-il de marquer une heureuse  issue de cette lutte  dans un seul pays ? ou la condition  sine qua  none d’un tel  exploit  serait de le déraciner sur un plan  transnational ? De  telles questions sont soulevées de nouveau  à  travers des discussions qui  se déroulent dans l’enceinte du  Congrès américain  qui  ne portent pas directement  sur la lutte contre le terrorisme  mais sur le partage de l’effort militaire  américain  de par le monde. Placés- depuis 2001-  en  tête de « l’alliance internationale  de lutte contre le terrorisme »,  les Etats Unis- à  travers tous les niveaux de son  administration- sont préoccupés  par  cette guerre  et ils dépensent des milliards  de dollars  sur cette guerre  et lui consacrent les moyens et les ressources suffisantes  pour se prémunir  contre le  danger de s’exposer  à  des attaques terroristes sur leurs propres territoires, contre leurs intérêts de par le monde  ou ceux de leurs alliés  et  partenaires. Nonobstant, il  s’avère que le phénomène du terrorisme  n’arrête pas de prendre de l’ampleur quantitativement et  qualitativement  voire du  point  de vue de son envergure,  de la nature  même des opérations exécutées. L’Afrique en  est devenue  l’exemple  probant sur le plan  de l’extension  de ce phénomène  à travers le  monde et  l’exportation des personnes et des opérations terroristes à l’étranger,  comme il  en était  le  cas au  cours des opérations terroristes  survenues sur les territoires européens au  cours des dernières années  et  dont- en  premier lieu-  l’attentat de la Manchester  Arena -concocté par  un groupe terroriste  libyen- britannique- qui  a eu  lieu au  Royaume Uni  en 2017  et  qui  a fait 22 morts et  des dizaines de blessés.

Les discussions qui se sont  déroulées  jusqu’alors au  Congrès ont révélé des vérités d’une grande gravité  dont il est  déduit  qu’il serait  faux de traiter  le phénomène du terrorisme  en partant  de la conception  qu’il est  une simple  mission militaire  même si  elle est de longue haleine. L’expérience de la guerre menée  contre le terrorisme  qui  a duré plus de 20 ans sur le  plan international  et  plus de cinq fois cette durée  en  Egypte dont environ  30 ans de guerre organisée   depuis les années 90  du siècle dernier  à  de multiples niveaux  et avec le recours à  différents moyens  prouvent  que la guerre contre le terrorisme dépasse de loin   le  fait de n’être qu’une simple mission  militaire.  C’est une mission  sécuritaire -  de longue haleine-   au  sens large du terme ; elle est  une mission de civilisation   qui dépasse  les intérêts d’un  régime donné ou  d’un groupe  nommé au  pouvoir  ou d’une personne à la tête  d’un pouvoir  absolu  qui s’en  sert  comme d’une justification pour  prolonger son pouvoir. La guerre  contre le terrorisme est à  vrai dire  une guerre  globale de sécurité  qui porte  sur  le renouvellement politique, le  changement et  l’investissement  en  la personne,  en l’entité même de la famille,  en  la force de la société  et son  renforcement et  enfin  en  la sauvegarde des fondements de la démocratie et  de la gouvernance de l’Etat,  sinon la guerre contre le terrorisme serait  mutée  en  une mission éternelle  d’usure et  de régression à l’infini.

A ma lecture des procès-verbaux  des discussions en  cours au  Congrès au  sujet de la situation des forces américaines  à  travers le monde -  la séance de la  commission des forces armées du  Sénat  en date du 16  mars dernier  et la séance de la commission  des forces armées  du  conseil des députés  du  23 mars-  j’ai  étonné  d’apprendre que le commandant du Commandement des États-Unis pour l'Afrique  « Africom »,  le général  Michael Elliott Langley  conçoit  la guerre contre le terrorisme  comme  un ensemble d’opérations militaires et que le seul  critère de sa réussite   réside dans l’attaque  ou  le bombardement-  par des bombes et des missiles- des cibles précis qui  dépendent des groupes terroristes. Cette vision bornée de la guerre  contre le terrorisme  nous fournit  la raison pour laquelle il  ne cesse de gagner  de terrain  en dépit de toutes les ressources qui  y sont  allouées. En Afrique,  à  titre d’exemple-  et comme en  ressort  des discussions du  Congrès-  les Etats Unis ont  dépensé  plus  de 3 milliards   de dollars  pour combattre  le  terrorisme au  cours des deux dernières décennies. Un  déboursement  qui  a pris la forme  d’équipements, d’outils,  d’armes, de minutions  et  de renforts. Quel  en  a été le résultat  et quels sont les fruits d’un tel  investissement ?

La  lecture des évolutions et le recensement des événements à  travers les discussions du  Congrès  mettent en exergue le  fait que les activités  des groupes terroristes  ont triplé au  cours de la dernière  décennie  depuis 2013 et  jusqu’à nos jours. En  Afrique, les opérations terroristes ont enregistré  un bond  de 22% seulement  au cours de  l’année  dernière ;  bien plus, elles dépassent  de loin par  leur type et  leur  intensité les niveaux  relevés les années antérieures : la preuve  en  est que l’année  dernière le nombre  de  victimes a augmenté  de 50% par  rapport  à l’année  d’avant. La situation  est pire dans les pays de la région africaine du Sahel : les activités terroristes des groupes extrémistes armés ont augmenté  de 130%  depuis 2020 et  jusqu’à nos jours.

En outre,  les discussions actuelles  illustrent la nécessité d’une révision  de la stratégie   de la guerre contre le terrorisme dans le  monde entier  et  que l’alliance internationale de la guerre contre le terrorisme  dépasse de loin  l’alliance militaire  qui exécute ici  et là quelques opérations militaires. Et  bien  que l’alliance internationale dispose de son  propre bras armé, parrainé par  un  département  compétent du ministère américain du Trésor, qui pourchasse les sources de financement des groupes terroristes en  vue  de les investir et de liquider  leurs membres, la conception  de la guerre contre le terrorisme est confinée  dans un sens militaire qui  se traduit  par  des opérations militaires effectuées par les forces alliées dirigées par les Etats Unis dans des Etats comme le Yémen,  la Syrie,  l’Irak, la Somalie,  la Libye, le Mali,  etc… A  ce que nous pensons,  une telle  guerre contre le terrorisme  ne  mènera pas à une « éradication  du  terrorisme »   mais plutôt à  une gestion d’une confrontation  avec le  terrorisme qui  vise à  neutraliser  sa gravité  pour les Etats Unis  et leurs intérêts de par  le monde.

Les Etats Unis avaient  commencé la gestion  de cette confrontation  en 2001 par  l’envoi,  en coopération  avec d’autres pays de l’OTAN,  de forces armées  massives en Afghanistan. Elles y sont restées -  au  nom  de la guerre  contre le terrorisme- pour  20 ans  pour se retirer  en fin  de compte  abandonnant derrière  elles  l’un des pays les plus arriérés  et les plus rigoristes   qu’il  est considéré   comme l’un  des refuges les plus sécurisés du  terrorisme  malgré la destruction, les pertes matérielles et les sacrifices humains dont ont été  victimes le peuple afghan  et  les forces armées américaines et alliées.

Le président  Barak Obama  a  considéré que  les Etats Unis étaient  sortis victorieux de  leur guerre contre le terrorisme  par leur liquidation  de Oussama  Ben Laden,  le premier chef de l’organisation Al-Qaëda. Néanmoins, l’organisation existe  toujours  pour devenir la pépinière d’autres organisations-  relativement  indépendantes- se trouvant  dans les quatre  coins du monde  surtout en  Asie et en  Afrique. L’organisation  a connu  une  première division  avec l’apparition  de « l’Etat  Islamique en Irak  et  au Levant »,  « l’Etat  Islamique au Khorasan » et d’autres organisations affiliées à « l’Etat Islamique ». De plus,  l’organisation Al-Qaëda a  poursuivi son  existence en  tant qu’organisation  unique placé sous  une seule direction  et engagé par un  très  haut  degré de décentralisation  au  niveau régional  comme à titre  d’exemple « l’Organisation de libération du Levant » en  Syrie, l’organisation « Al-Qaïda dans la péninsule arabique », l’organisation « Al-Qaëda au Maghreb islamique (AQMI) », l’organisation  « Al-Qaïda dans les pays africains du  Sahel », l’organisation « Boko Haram » au  Nigéria, l’organisation « Harakat al-Chabab al-Moudjahidin ». Elles ont  comme dénominateur  commun un  credo  commun :l’islam  salafiste extrémiste armé  même si elles diffèrent  par leurs  références intellectuelles  directes  ainsi que par  leurs liens politiques. De  plus,   ce phénomène qui  porte sur le développement et l’éclatement de ces organisations  reflète  l’existence de deux écoles de pensée :  la première considère  la création d’un  Etat  islamique comme une idée  internationale et  une mission transnationale  qui  transgresse la  notion des frontières nationales. C’est une  école  qui  se rapproche de la pensée  de Oussama Ben  Laden, le  fondateur de l’organisation Al-Qaëda ; quant  à la seconde, elle  pense que même si la création -  en  usant de la violence-  d’un  Etat islamique  reflète une vision internationale, la difficulté  de sa réalisation  sur  le plan  mondial  impose de commencer  à l’édifier  à l’intérieur d’une entité ayant des frontières bien déterminées  et  portant toutes les qualifications  d’un Etat telles la direction, l’administration, les finances, l’armée. La pensée  de cette  école se rapproche  de celle de Abou Bakr El Baghdadi,  le fondateur de l’organisation  de l’Etat  islamique au  Levant et en  Mésopotamie.

Néanmoins,  avec la présence de l’organisation  « les talibans »   à la tête du  pouvoir  en Afghanistan  et  l’expérience de l’Etat  islamique dans une  partie  étendue des territoires de  la Syrie  et  de l’Irak (2014-2016)  et la propagation  de mouvements terroristes  de nature  nationale  ou transnationale  en  Afrique, on  constate que les deux pensées se recoupent à  travers  un seul  phénomène politique  celui de « l’ancrage du terrorisme ».  Il  se base-  du  point de vue  pensée  et action- sur la  méthode  à long terme  des Frères musulmans  qui  s’étend sur  5  périodes bien distinctes à partir  de «   la construction  de la personne  musulmane » d’un point  de vue étroit  et  extrémiste en  passant  par « la construction de la famille musulmane »,  «   la construction  de la société musulmane », «  la fondation de l’Etat  musulman »  pour enfin  aboutir  à celle qu’on dénomme « la mondialisation islamique »  basée  sur « la chaire  du  monde ». Ceci  est concrétisée par  l’idée d’ériger  un Etat  islamique  mondiale selon  la conception  religieuse étroite  extrémiste ;  cette phase qui  précède la fin  du  monde et l’extermination  du  genre humain et qui  se conforme du  point de vue forme  avec l’idée biblique  de l’histoire au  sujet de la fin  du monde même  si  elle  en  diffère  par les éléments et les composants. 

En  somme, la déduction  à en  tirer  sera que la guerre  contre le terrorisme  ne  se limite pas à  une mission militaire  ni  non plus à une mission  de sécurité au  sens professionnel  étroit ; elle  est  plutôt une mission  essentiellement de civilisation, internationale, de long terme, transnationale et multidimensionnelle.  Elle ne rejette pas la dimension  sécuritaire  dans son sens global  et large. Nonobstant,  elle ne doit  pas être victime d’un concept défectueux qui la considère comme une simple mission militaire,  comme l’a pensé  Barak Obama  lorsqu’il  a déclaré sa  victoire sur le terrorisme après le meurtre d’Oussama Ben  Laden par les forces spéciales américaines  ou le commandant du Commandement des États-Unis pour l'Afrique  « Africom »,  le général  Michael Elliott Langley  lorsqu’il  considère que la réussite contre le terrorisme se limite  à  attaquer et détruire les cibles et  les terroristes visés. Bref,  croire que la guerre  contre le terrorisme n’est  qu’une mission militaire  à  accomplir est susceptible d’accorder  aux groupes terroristes un  permis à long  terme et rendra  la société une victime  éternelle du terrorisme  et  son otage pérenne. Cette conclusion confirme l’importance majeure  de l’initiative du  dialogue avec l’Occident,  orchestré  avec grande dextérité par  le grand  ami Abdelrahim  Ali qui a fait  de « la guerre  contre le  terrorisme »- dans son  sens global, précis et profond- le pivot  de sa propre  vie et  non  seulement un sujet de recherche  ou  d’action.