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Turquie

Moscou et Washington accusés d’ingérences dans l’élection présidentielle turque

Photo : YASSER AL-ZAYYAT
Photo : YASSER AL-ZAYYAT / AFP

Le leader de la coalition d’opposition à Erdoğan et président du Parti républicain du peuple (CHP) Kemal Kılıçdaroğlu a accusé le 11 mai Moscou d’ingérence dans l’élection présidentielle turque de ce week-end en ces termes : « chers amis russes, vous êtes derrière les fabrications, les complots, les fausses nouvelles et les enregistrements exposés hier dans ce pays. Si vous voulez que notre amitié se poursuive après le 15 mai, laissez l'État turc. Nous sommes toujours en faveur de la coopération et de l'amitié.»

En même temps, Pendant ce temps, Toprak, conseiller du CHP, a également déclaré qu'il avait reçu des informations selon lesquelles la Russie intervenait dans les élections turques : « nous pensons que certains manipulations secrètes visant la campagne sont en cours. Nous n'en voulons pas. Nous voulons que notre relation séculaire continue ainsi. »

Il est vrai que le Kremlin se méfie d’une nouvelle administration qui pourrait se mettre en place à Ankara. Elle pourrait lui être moins favorable.

 

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 Il est vraisemblablement question de l’« affaire Muharrem İnce », l'un des quatre candidats à la présidentielle. Ce dernier qui a annoncé sa décision de se retirer de la course à la présidentielle le 11 mai et a exprimé sa colère face aux « complots » dirigés contre lui, notamment une « fausse » vidéo à caractère sexuel diffusée sur les réseaux sociaux le 10 mai.

Ömer Çelik, le porte-parole du Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir a appelé le CHP à partager les informations qu’il pouvait détenir avec les services de l'État : « je ne peux pas parler d'un pays [la Russie] en disant que quelqu'un a dit quelque chose. Je sais que cela nuit à la vie de l'État et de la nation. Si vous entendez parler de quelque chose, partagez avec les services concernées.»

Commentant le retrait de Muharrem İnce de la course présidentielle, le ministre de l'Intérieur Süleyman Soylu a de son côté accusé les États-Unis d'interférer dans les élections turques en ces termes : « l'Amérique a interféré avec cette élection depuis le tout début ». Il a aussi affirmé que le président américain Joe Biden avait déclaré dans le passé que son pays n'était pas en mesure de s'immiscer dans la politique turque lors de la tentative de coup d'État de 2016 (une hypothèse que l’AKP avait alors soulevé mettant en avant les liens existants entre les militaires putschistes turcs et leurs homologues américains.)

Le ministre a suggéré que Biden aurait également déclaré: « cette fois, nous le ferons avec une élection et non un coup d'État […] .»

Pour lui, les États-Unis pensent que les voix qui devaient se porter sur le candidat İnce vont se reporter sur celui du CHP au premier tour permettant peut-être à Kemal Kılıçdaroğlu de battre Erdoğan.

Plus généralement, Washington soutient Kılıçdaroğlu car Erdoğan est considéré comme incontrôlable. Pour Moscou, c’est l’inverse. Ce qui est étrange, c’est que le « complot » supposé contre Muharrem İnce est attribué par le CHP à la Russie alors que le bénéficiaire devrait être le candidat des États-Unis…

Le troisième candidat encore en lice, Sinan Ogan, membre du Parti d’action nationaliste, classé à l’extrême droite, ne devrait pas trop jouer sur les résultats (il est crédité d’1% des voix) mais il est proche du parti du mouvement nationaliste (MHP) qui soutient le président Erdoğan.

 

Commentaires

En Turquie, les services de sécurité contrôlent étroitement toutes les activités des représentations étrangères mais n’en réfèrent qu’au pouvoir en place. Il est donc douteux que l’opposition ait eu accès à des dossiers sensibles à moins qu’elle n’ait bénéficié de l’aide d’un service extérieur (qui a pu refiler le tuyau - vrai ou faux -.)

Même si l’opposition arrive au pouvoir, il convient de se rappeler que les Turcs sont avant tout « nationalistes. » Sur le fond, ils ne penchent ni pour la Russie, ni pour les USA, ni pour l’Europe, seuls leurs intérêts directs comptent. Quelque-soit le vainqueur, la politique étrangère d’Ankara ne devrait pas changer fondamentalement. Les changements arriveront surtout à l’intérieur.

Le vrai problème serait que la Turquie se retrouve face à une « cohabitation », le président étant d’un bord et le parlement de l’autre. Cela risque de bloquer durablement les prises de décision. Or, la Turquie a horreur de ce type de situation. Dans ce cas – certes improbable mais pas impossible - le résultat risque d’être une « reprise en main musclée… » mais par qui ?