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Monde

Entretien avec Elias Lemrani, président fondateur de l'Institut MappaMundi

Le Dialogue

Elias Lemrani est né à Versailles et habite dans les Yvelines. Il est passionné d'histoire et de géopolitique et a à cœur de mener ses projets au service du commun. Il est rédacteur en chef de la revue MappaMundi et le jeune Président fondateur de l'Institut du même nom, regroupant plusieurs grands experts en géopolitique, en histoire, en économie et en philosophie. Il est engagé et actif au sein de nombreux organismes de représentation et au sein d'associations diverses, notamment pour la défense des droits des enfants (UNICEF) ou pour la préservation du devoir de mémoire (UNC). Il écrit des poèmes, des nouvelles et travaille actuellement sur un essai géopolitique.

L’Institut MappaMundi est un centre de recherche indépendant qui se consacre à l'étude des relations internationales sous le prisme de la géopolitique, de la géohistoire et de la géoéconomie dans l’optique d’éclairer d’un regard nouveau les citoyens et les décideurs des secteurs public et privé.

La revue en ligne MappaMundi (https://www.mappamundi.fr) et l’Institut MappaMundi, partenaires du Dialogue, ont vocation à faire rayonner la pensée géopolitique et historique francophone en France comme à l’international. L’équipe de recherche est composée de spécialistes reconnus et de chercheurs impliqués dans le suivi et l'analyse des principaux développements et des principaux défis géopolitiques. Elle se veut ouverte sur le monde en accueillant experts de sensibilités et d’horizons différents.

Rencontre avec son jeune Président fondateur et rédacteur en chef, Elias Lemrani.

Propos recueillis par Angélique Bouchard

 

Elias Lemrani, vous avez fondé MappaMundi, une revue en ligne dédiée à l'analyse géopolitique, stratégique, philosophique, économique et historique de notre monde. Pouvez- vous revenir sur la genèse du projet ? Quelle est sa vocation ?

Elias Lemrani : La revue MappaMundi est née il y a un peu plus d’un an, le 11 mai 2022. Son nom, vieux latinisme oublié, nous provient du latin Mappa, ae, la carte et Mundus, i, le monde. Il fait référence aux anciennes cartes des élites médiévales qui représentaient l’entièreté des terres et des mers connues des gens d’alors. À ses débuts, les activités de MappaMundi se limitaient à la publication d’articles et de notes commentant et analysant l’actualité internationale. Nous nous sommes par la suite étendus à de nouveaux formats tandis que notre équipe s’élargissait et que nos projets s’affinaient. En février 2023, nous avons ainsi lancé un magazine papier trimestriel, centré sur un dossier thématique, qu’enrichissent et étoffent par leurs analyses plusieurs de nos experts, venus de France et de l’étranger. La revue s’est également dotée en décembre de l’année dernière d’un institut de recherche, l’Institut MappaMundi, qui organisera prochainement des journées de conférences et de colloques. Elle s’est de plus liée dans le cadre de partenariats avec d’autres revues et instituts, dont Le Dialogue. Enfin, nous avons étendu notre panel académique, nous ouvrant à de nouvelles disciplines que sont l’histoire, la politique nationale, l’économie ou encore la cartographie, qui bénéficie d’une section à part entière, gérée par Raphaël Zwein.

J'avais en créant MappaMundi, la volonté d'offrir aux experts, mais également aux citoyens, un lieu de convergence des idées, un lieu de réflexion ouvert et honnête quant à l'actualité internationale et aux bouleversements profonds que connaissent notre monde et nos sociétés modernes. Ce monde nouveau qui se profile, marqué par la pandémie de la Covid, la guerre d’Ukraine, le dérèglement climatique ou encore la révolution numérique, inquiète de plus en plus les Françaises et les Français et notamment les jeunes générations qui se politisent de plus en plus tôt. MappaMundi se veut une réponse à ces inquiétudes, à ces questionnements légitimes et à cette soif de comprendre le monde dans lequel on vit. 

Elle essaie d’éclairer et d’initier le plus grand nombre à ces thématiques et d’offrir à chacun la possibilité d'accéder à une analyse géopolitique de qualité dans un espace informationnel submergé par l’immédiateté des réseaux sociaux et des chaînes d’information en continu, qui ne laissent pas ou peu de place à une analyse approfondie. Car je le crois profondément, l’expertise géopolitique doit être une discipline ouverte au monde, et non pas réservée à je ne sais quelle caste. Nous souhaitons ainsi combiner la démocratisation de nos analyses à nos valeurs d’excellence et d’exigence académiques qui nous meuvent chaque jour. En accueillant de nombreux étudiants, sélectionnés selon leurs mérites, nous souhaitons également mettre en avant notre si belle et talentueuse jeunesse et faire rayonner aux yeux du monde, à travers leurs travaux et ceux de l’ensemble des contributeurs et experts de MappaMundi, une analyse géopolitique francophone de qualité.

 

Votre équipe de recherche est composée de spécialistes reconnus et de chercheurs impliqués dans le suivi et l'analyse des principaux développements et des principaux défis géopolitiques. Pouvez-vous nous les présenter ? Comment s’organise votre travail ?

L’Institut de recherche que j’ai l’honneur et le plaisir de présider est composé de plusieurs experts, chacun spécialisé dans son domaine, que ce soit en géopolitique, en histoire ou en philosophie. Je suis très heureux de compter parmi eux Ana Pouvreau, spécialiste des mondes russe et turc, Roland Lombardi, historien et spécialiste du Moyen-Orient, ou encore Yves Montenay, démographe et géopolitologue. Nous comptons nous ouvrir à de nouveaux spécialistes dans les jours qui viennent, leurs noms figureront sur notre site.

L’Institut MappaMundi est fier d’avoir aussi à ses côtés Raphaël Zwein, notre cartographe officiel, que j’ai déjà évoqué. Nous travaillons également de manière très étroite avec les auteurs et éditorialistes de notre revue ainsi qu’avec de nombreux experts « Amis de MappaMundi », tels que ceux de l’Observatoire Français des Nouvelles Routes de la Soie dirigé par Adrien Mugnier. Nous sommes également amenés à travailler de pair avec d’autres associations de la société civile dans le cadre des engagements citoyens de MappaMundi, je pense notamment avec les comités d’Anciens combattants que nous nous efforçons à mettre à l’honneur dans nos colonnes et sur notre site. Nous avons ainsi pu partager les témoignages de Jean-Pierre Claude, membre de l’U.N.C, de vétérans d’Indochine et d’Algérie, tels que le président Jean-Claude Bouvier, M. Jean-Paul Fournier ou encore M. Guy Espèche, qui nous a hélas quittés en février dernier.

Quant à nos travaux, ils consistent en la publication d’études approfondies, d’articles et de notes que l’on peut retrouver sur notre site et dans nos rapports annuels ainsi que l'organisation de conférences et de colloques dans le cadre de nos forums. Nous travaillons actuellement sur l'organisation du premier forum qui se déroulera dans les Yvelines. Nous voulons ces forums comme des moments de rencontre et d’échange sur nos grands thèmes entre experts, politiques, acteurs de la société, et citoyens.

 

L’Institut MappaMundi supervise la revue du même nom. Quelle est sa vocation ? Quels sont les principaux promoteurs de MappaMundi, notamment dans les médias ?

Nous avons la chance de compter de nombreux soutiens, que je tiens à remercier chaleureusement ici. Ceux-ci nous accompagnent et mettent gracieusement en avant nos travaux et notre détermination dans les projets que nous portons. Parmi eux, des instituts, des revues, des personnalités des mondes universitaire et politique, des associations et des collectivités locales, qui soutiennent pour certains depuis longtemps MappaMundi à travers des partenariats, de potentielles subventions ou une mise à disposition de canaux de communication. Je pense également à nos contributeurs et experts, à ceux de l’Institut et à tous ceux de l’extérieur qui ont participé à un de nos dossiers. Mais avant quiconque, je pense à nos très aimables lecteurs, qui par leurs commentaires et leurs messages nous encouragent à poursuivre nos efforts pour la défense d’une pensée géopolitique francophone de qualité. 

 

Le terme de géopolitique s'est diffusé largement dans la société depuis qu'il a été défini par Yves Lacoste dans les années 1970. C'est une méditation sur la tension d'être au monde, sur la projection de l'avenir. En raison d’une complexification du monde et des conflits mondiaux, on a l’impression que l’intérêt pour la géopolitique est partout. Comment donc se saisir de ces enjeux ? Les revues de géopolitique en ligne permettent-elles selon vous de mieux s'informer sur ces sujets ? De quelle manière peut-on relier les enjeux géopolitiques avec d’autres champs de la pensée en sciences sociales ?

Depuis quelques années, l’étude des relations internationales connaît un véritable engouement dans la société et fait à présent partie intégrante de notre quotidien, dans les journaux, dans les livres, à la télévision, sur les ondes et sur internet ainsi que dans les programmes scolaires. Jamais le mot de « géopolitique » n’aura été à ce point présent dans nos vies, jamais il n’aura été tant invoqué, parfois il faut bien le dire à tort et à travers. 

Si la géopolitique occupe cette place de choix, c’est avant tout du fait des bouleversements profonds que connaît notre monde depuis 1989. Ces trois décennies ont été jalonnées d’années de crises et de tensions qui ont d’une part rebattu les cartes sur le plan international et d’autre part fait émerger de nombreuses peurs au sein des populations. 

Entre la mondialisation et la barbarie terroriste, l’émergence des géants du numérique et le dérèglement climatique, les crises migratoires et la peur du déclin, nos sociétés contemporaines sont confrontées à un monde qui évolue à grande vitesse, au gré des crises. Et cet inventaire à la Prévert, loin d’être exhaustif, se poursuit depuis 2020, avec le retour cinglant à des peurs que l’on croyait à tort archaïques. Des peurs qui nous rattrapent et nous étreignent. Des peurs qu’incarnent la pandémie de la Covid et la guerre d’Ukraine.

Dans ce grand désordre mondial, Un Nouveau Monde pointe le bout de son nez, c’est d’ailleurs le titre que j’ai choisi de donner à un manuscrit sur lequel je travaille actuellement. Les enjeux de ce monde nouveau sont multiples et peuvent paraître bien difficiles à saisir pour nombre de citoyens. Il ne faut pas nous replier sur nos peurs, ou pire encore, délaisser ces questions, mais à l’inverse nous ouvrir sur ce monde et l’appréhender avec un œil sec, sans préjugé, ni a priori. Il nous faut être à la hauteur des enjeux, car la France ne peut être la grande absente de l’Avenir, que d’Autres dans le monde rêvent de façonner à leur image. Ces Autres, qui contrairement au siècle dernier, ne désignent plus seulement des États et leurs sempiternelles querelles, mais aussi de nouveaux acteurs, non moins coriaces, que sont les grandes multinationales, les groupes terroristes ou les ONG. 

Les revues de géopolitique, et d’autant plus sur internet, doivent prendre part et contribuer à cette démarche. Leur rôle est d’expliquer, de décrypter et d’analyser de la manière la plus qualitative et la plus claire qui soit les défis contemporains face à toutes les sottises qui fleurissent sur la toile. Internet est le lieu des contrastes par excellence, il nous incombe à nous, revues numériques, de faire front, pour ne pas laisser ce merveilleux espace aux mains de la désinformation.

Pour répondre à votre dernière question, si MappaMundi a fait le choix d’aborder la question internationale par plusieurs prismes que sont la géopolitique, la géohistoire, la géoéconomie et la philosophie politique, c’est que je suis convaincu que les frontières que l’on peut ériger, à raison, entre ces disciplines, doivent tomber si nous souhaitons porter une vision globale d’un monde aux crises multisectorielles. Nous voulons offrir toutes les clefs de compréhension de ce monde à nos lecteurs. À cette fin, nous combinons des efforts, des talents et des expertises, aux sensibilités multiples et venus d’horizons très différents. C’est là, à mon sens, notre principale richesse.

 

Pensez-vous qu’il y ait une spécificité française pour les questions de géopolitique ? Si l’on considère la géopolitique comme un « poste d’observation sur le monde », comment ressentez-vous, en votre qualité de Président fondateur et de rédacteur en chef d’une revue de géopolitique, cet intérêt grandissant du public pour les questions de géopolitique ?

EL : Tout d’abord, il tient à préciser que la géopolitique n’est qu’un poste d’observation du monde parmi tant d’autres. Mais sans doute celui qui à mon sens est le plus pertinent pour n’importe quel citoyen s’intéressant peu ou prou aux dynamiques contemporaines. Et ce pour deux raisons principales. La première est que la géopolitique est une discipline fluide qui nous permet tout autant de comprendre les mondes d’hier, d’aujourd’hui et de demain car s’adaptant à chacun d’entre eux et non l’inverse. La géopolitique permet de créer des ponts entre les époques. Et cela s’avère très utile ! Car bien mauvaise entreprise que de vouloir comprendre le monde d’aujourd’hui ou de demain sans avoir longuement étudié celui d’hier. C’est la phrase de Churchill qui nous disait : « Plus vous saurez regarder loin dans le passé, plus vous verrez loin dans le futur ». La seconde raison est qu’elle est une discipline que je qualifierais d’œcuménique, car propice à l’établissement de ponts entre les savoirs. En effet, le géopolitologue n’est rien sans les petits historien, géographe, économiste, politiste, démographe ou encore sociologue qui sommeillent en lui. Pour ces deux raisons, la géopolitique a tout d’un belvédère idoine à l’observation d’un monde qui se complexifie de jours en jours. 

Bien que la géopolitique soit née en tant que discipline à part entière Outre-Rhin et dans les pays anglo-saxons, je pense que nous entretenons en France un rapport singulier à celle-ci. Cela s’expliquant par notre nature propre. Nous sommes en effet, par notre Histoire et notre culture, un peuple ardemment politique, un grand peuple qui a vocation à sculpter et à amender son environnement. Malgré tout ce que l’on pourra dire. Malgré l’abstention croissante de scrutin en scrutin. Malgré les lâches violences envers nos élus. La chose politique nous anime et nous fait vibrer. Notre pays, la France, est lui-même né d’une construction politique, autour de l’image royale, qui unissait les quatre coins du pays. Mais bien plus que politique, nous sommes un peuple, dont l’Histoire, les traditions et les valeurs ont un écho universel. Un peuple qui aime par-dessus tout comprendre le monde dans lequel il évolue. Ces caractéristiques vernaculaires nous ont construits et expliquent en partie l’attrait toujours plus fort de la société française pour les questions géopolitiques. Chez MappaMundi, nous essayons d’accompagner cette tendance, qui est saine et qui va dans le bon sens.

 

Privilégiez-vous le terrain, l’immersif ? Quelles sont les principales difficultés pour pénétrer des milieux difficiles d’accès ?

Chez MappaMundi, nous avons à cœur de donner la parole à celles et ceux qui vivent l’actualité, qui en sont les acteurs directs. Leurs témoignages, leurs vécus et leurs engagements viennent compléter les connaissances et les analyses de nos experts. Cette combinaison nous assure d’une part de ne pas nous enfermer dans quelque carcan intellectuel, de garder les pieds sur terre si je puis dire, et d’autre part d’ouvrir le débat à de nouveaux interlocuteurs dans le cadre de notre volonté de démocratisation de ces sujets de société.

Nous avons ainsi récemment ouvert nos colonnes à Hamid Assadollahi, réfugié politique iranien en France et membre du Comité de soutien aux droits de l'homme en Iran (CSDHI) ou encore à Bernadette Pilloy, femme malvoyante, engagée dans de nombreuses instances pour la défense des droits des personnes en situation de handicap. 

Quant à votre deuxième question, il est vrai qu’il n’est pas toujours facile de pénétrer certains milieux ou d’aborder certains sujets. Nous ne sommes ainsi pas à l’abri des tentatives d’ingérence de puissances étrangères. Face à ces menaces pour notre liberté d’analyse, MappaMundi, et j’y veille chaque jour, œuvre pour sa pleine et entière indépendance et refusera quelque aliénation ou bafouement de celle-ci. C’est un combat quotidien pour une information de qualité que MappaMundi mène pour et avec ses lecteurs.

 

Il est difficile de rester indifférent à certaines questions de géopolitique comme les migrations, qui demeurent de plus en plus visibles dans l’espace médiatique et social français. Existe-t-il selon vous « un affect » particulier de certaines revues de géopolitique dans le traitement de ces sujets ? Les revues de géopolitique sont-elles selon vous forcément « mues » par l’engagement ?

EL : Il est vrai que certains sujets géopolitiques sont particulièrement médiatisés et affectent plus que d’autres la vie et le quotidien de notre Nation. La question migratoire en est une. Il est évident que chaque média traite de manière plus ou moins partiale ces sujets. MappaMundi a pertinemment conscience que l’impartialité parfaite reste et restera vœu pieux, nous ne nous enfermons dans aucun plan chimérique, mais nous nous efforçons à nous y rapprocher en donnant la parole à toutes les tendances politiques ou idéologiques. 

Cependant, l’engagement, qu’il soit de nature politique ou non, est à mon sens un impératif à toute revue, quelle que soit son format ou son sujet de prédilection. Un média sérieux est un outil de retransmission d’informations au service de la société. Par définition un média est engagé. 

Ce qui meut chaque jour une revue comme la nôtre c’est cette volonté, qui au fil des jours devient devoir, d’analyser, de partager et de transmettre à nos lecteurs nos travaux. MappaMundi est né de cet engagement, de cette volonté d’être au service de son lectorat, de cette volonté de défendre une information pertinente, responsable et sérieuse. Le reste de sa route saura, j’y veillerai, lui rester fidèle.