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Monde

Les trois principes d’une géopolitique souverainiste [ 1 - 3 ]

Le Dialogue

Marc Rameaux est ingénieur de formation, directeur de projet dans une grande entreprise industrielle française et un acteur engagé du milieu souverainiste. Dans son dernier ouvrage, Le Souverainisme est un Humanisme (VA Éditions, 2023), il offre une perspective originale, défiant les perceptions habituelles de la nation, de la culture et du politique, tout en redéfinissant l’identité et en jetant un regard neuf sur le monde.

Pour Le Dialogue et avec une série de trois tribunes, Marc Rameaux livre ici une définition sans précédent de ce que devrait être une géopolitique souverainiste. 

 

Que devrait-être une géopolitique souverainiste ? Comment le souverainisme peut-il inspirer une doctrine des relations internationales ? L’objectif est de contrer l’actuel paradigme fondé sur d’intolérables hégémonismes, d’autant plus insupportables qu’ils prétendent agir au nom de la morale, ajoutant l’hypocrisie à l’appétit de domination.

Nous n’aurons pas la prétention de répondre à un sujet aussi vaste par un court article. Nous allons seulement esquisser trois principes qui pourraient être le point de départ d’une géopolitique souverainiste. 

Si nous mettions ces principes en application, de nombreuses guerres récentes auraient pu être évitées. Au-delà des conflits eux-mêmes, ces principes permettraient de faire respecter une écoute et une véritable éthique entre nations, non l’actuelle morale de commande.

 

Premier principe : la Souveraineté est réciproque

Cela devrait être une évidence mais un souverainiste véritable ne fait pas que défendre la souveraineté de sa nation. Il respecte également celle des autres. S’il n’applique pas à lui-même le respect légitime qu’il réclame pour son pays en l’observant vis-à-vis des autres, il n’est qu’un vulgaire impérialiste.

Le principe de réciprocité n’est pas seulement un code éthique. Il est l’armature du fonctionnement organique du monde et des relations géopolitiques.

J’emploie une analogie biologique pour faire comprendre le souverainisme. Les nations ne sont pas apparues par hasard et ne sont pas un phénomène temporaire de l’histoire. Les nations sont semblables aux cellules vivantes de la biologie. Elles sont un équilibre entre l’ouverture et la fermeture, entre les échanges avec l’extérieur et la préservation d’un noyau interne.

La cellule vivante n’est ni un bunker ni une zone ouverte à tous vents. Elle est dotée d’une membrane, c’est-à-dire d’une frontière, délimitant son extérieur et son intérieur. Membrane filtrante qui permet les échanges mais les rend sélectifs. La cellule sait ce qu’elle accueille et ce qu’elle repousse. Le maintien de cette distinction est indispensable au maintien de sa vie. Le souverainisme renvoie dos-à-dos les communautarismes – la fermeture du bunker – et le mondialisme – l’éventrement à tous vents - qui sont les deux formes de la mort.

En second lieu, les cellules sont organisées en réseau, chacune occupant une spécialisation au sein du corps. L’organisation du vivant est réticulaire, tout comme l’est l’organisation du monde. Il y a un tissu géopolitique semblable au tissu cellulaire : toute entaille locale a des conséquences globales, les cellules sont interdépendantes. Les frontières définissant l’architecture du réseau obéissent à un équilibre complexe, que l’on ne peut modifier sans des conséquences en cascade.

Claude Lévi-Strauss avait souligné que l’éclosion de la vie était affaire d’un équilibre de distances. Trop de proximité entre civilisations tue, trop d’éloignement tue également.

Le respect réciproque des souverainetés n’est pas la simple observance éthique du principe de réciprocité. C’est la conscience de l’équilibre des nations et la folie que représente une intervention unilatérale, sans analyse des conséquences en cascade sur l’ensemble du tissu. 

Les interventions des Etats-Unis au Proche et Moyen Orient dans les dernières décennies ont toutes relevé de ce brutal simplisme, par bêtise ou par calcul, ou par un savant mélange des deux. Comme dans le domaine du vivant, aucune action ne peut être univoque. Nous sommes dans le domaine de la biologie et non des sciences physiques : toute action engendre un courant contraire. Que ce soit sur le théâtre Irakien, Afghan, Libyen ou Syrien, cet effet boomerang leur est revenu en pleine figure, aboutissant à une situation pire que la précédente.

Cela ne signifie pas qu’il ne faille jamais intervenir sur le théâtre géopolitique. Mais il faut dans ce cas avoir conscience qu’une violation de souveraineté ne s’applique que dans des cas très exceptionnels. Et que la première préoccupation légitime du pays qui intervient, doit être de restaurer la souveraineté pleine et entière du pays qu’il occupe le plus rapidement possible. 

Le respect de cette restitution rapide de souveraineté est le seul véritable critère qui permette de justifier du bien-fondé et de la sincérité d’une intervention. Si la géopolitique des Etats-Unis mérite d’être fortement critiquée dans les dernières décennies, c’est parce que le moins que l’on puisse dire est qu’ils n’ont nullement respecté ce principe. 

L’excellent film « Green Zone » sur l’occupation de l’Irak dit l’essentiel sur ce sujet, les USA ayant refusé et même saboté des propositions de reconstruction raisonnable des institutions du pays par des forces internes Irakiennes…