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La question de l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN : réflexions sur un sommet qui nous éloigne de la paix, et sur les propos de l’ex-secrétaire de l’OTAN, Camille Grand

Camille Grand. Photo
Camille Grand. Photo : Michal Cizek / AFP.

Avec le sommet de l’OTAN à Vilnius des 11 et 12 juillet, la question de l’entrée de l’Ukraine dans l’organisation du Traité de l’Atlantique Nord, est revenue sur le devant des médias.  Camille Grand, a pris la plume pour donner le cap dans un article publié le 11 juillet dans le journal du soir et de référence de la société bourgeoise et de la bien-pensance.  Il connait bien la machine otanienne, pour avoir été pendant six ans Secrétaire Général Adjoint de l’OTAN en charge de l’investissement de défense, après avoir dirigé la Fondation pour la Recherche Stratégique. Autant dire qu’il est une des voix écoutées du Système. 

Aujourd’hui, il œuvre à rendre les entreprises françaises d’armement, biberonnées à l’autonomie stratégique depuis De Gaulle, à rendre, donc, ces entreprises OTAN-compatibles par son travail au sein du Conseil Européen pour les Relations Internationales, le Think Tank européen calqué sur le Think Tank américain quasi éponyme : « Council on Foreign Relations », et qui est là-bas un véritable Ministère des Affaires Étrangères bis.  C’est cette association qui publie la très respectée revue aussi triste que grise : « Foreign Affairs ». 

Comme Camille Grand est très sympathique, en plus d’être reconnu professionnellement, et que boire une bière avec lui à PLUX[1] ou ailleurs est toujours un bon moment, ses positions sont d’autant plus dangereuses qu’elles sont écoutées. 

Que dit-il dans cet article : 

 

  • Que le manque de clarté sur l’entrée (ou non) de l’Ukraine dans l’OTAN est à l’origine de la guerre actuelle,
  • Que les garanties russes sur la neutralité d’un pays ne sont plus crédibles,
  • Que l’armée ukrainienne ayant acquis en expérience, son entrée dans l’OTAN renforcerait cette dernière, (là c’est grave Docteur : on armerait l’Ukraine pour avoir de bons soldats au sein de l’OTAN ; c’est vrai que quand on voit les réclames de recrutement de l’Armée américaine, on peut s’inquiéter)
  • Que seule une entrée dans l’OTAN après la fin de la guerre est crédible, et qu’en attendant, il faut renforcer le soutien militaire à l’Ukraine, ET l’associer aux travaux de l’OTAN pour la rassurer sur son futur (en clair pour que Zelenski continue à faire tuer la jeunesse ukrainienne).

 

Bon, on pourrait pinailler sur un ou deux points de forme, mais ce qui est frappant, et que Camille Grand commet la même erreur de raisonnement que Bruno Tertrais dans une note de la FRS 14/23 du 19/06/2023. [2] Il analyse la situation en prenant uniquement en compte le point de vue otanien, et aucunement, quitte à le réfuter, le point de vue russe. Ce faisant, il rate complètement le point, que c’est justement la certitude d’un rapprochement de l’Ukraine dans l’OTAN qui a poussé les Russes à envahir l’Ukraine, et partant, que plus cette adhésion deviendra proche et crédible, plus les chances d’un accord de paix deviendront faibles, car la Russie a, dans ce cas, intérêt à :

- faire durer la guerre pour punir l’Ukraine,

- faire durer la guerre pour empêcher une entrée formelle de l’Ukraine dans l’OTAN,

-  faire durer la guerre pour faire comprendre à ses autres voisins que la Russie ne « rigole pas ». Ce que j’appelais dans un autre de mes articles, la dissuasion par l’exemple[3].

- faire durer la guerre pour amener l’Ukraine à demander la paix, ce qui pour la Russie voudra dire : reconnaissance des gains territoriaux (à définir) et neutralisation de l’Ukraine (à définir). Et pour l’OTAN et les États-Unis, une gigantesque perte de crédibilité internationale. C’est en partie cela qui est en train de se jouer.

Comme le temps long, joue en faveur de la Russie, il est de notre intérêt européen à favoriser la recherche de la Paix.

Comme je l’ai écrit dans un article précédent[4], je crois à une Europe puissance et civilisationnelle. Et pour cela, je suis intimement convaincu qu’il faut sortir de l’OTAN, qui n’est qu’un instrument américain d’assujettissement de l’Europe, pour, faisant face aux dangers, retrouver les voies de la puissance, plutôt que de continuer à vendre la protection de notre confort, à un ami américain qui ne nous veut pas du bien. Juste de la soumission. 

Et ce, même si au fond de moi, une petite voix me dit, que 27 dindons, même piqués à la testostérone, ne font jamais un aigle. Allez, cette fois, c’est fini, je range mon ordinateur car dès ce week-end je serai au pied de l’Isola di Tavolara, qui selon Bérard, était le pays des géants Lestrygons. 

 

 

 


[1] Place du Luxembourg en verbiage bruxellois

[2] Mon commentaire dans Le Dialogue (www.ledialogue.fr) à venir.

[3] Le Dialogue (www.ledialogue.fr) du 11 juin 2023.

[4] Polemia, le 9 juillet 2023.