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Monde

La diplomatie égyptienne de Gaza, à Benghazi, à Khartoum

Le Dialogue

Les pressions  multilatérales que subit actuellement  et concomitamment la diplomatie égyptienne  sont sans précédent. Et  c’est cette diplomatie,  conjuguée à  la force globale  qui jouent un  rôle capitale dans la sauvegarde de la sécurité nationale égyptienne. Et, pour en  donner une définition  pratique et assurer  une certaine synergie entre  la sauvegarde de l’intérêt  national égyptien  et  celui de  l’individu  ou  de la société,  nous la réduisons en  trois termes :  la survie, le développement et la promotion. Agir sur ces trois axes  par tous les moyens possibles  représentera les objectifs de  cet  intérêt national,  à  savoir : la défense,  la diplomatie, le droit, le développement et la justice. Cette multiplicité  des pressions s’explique par le fait que chacun  des axes de la sécurité nationale  affronte des défis majeurs sur tous les plans à compter de ceux qu’affronte la sécurité des frontières qui constitue l’un des éléments de la survie et jusqu’à ceux qui  entravent la voie de réalisation des objectifs de développement y compris ceux économiques et sociaux,  les ambitions  de développement,  les pouvoirs concurrentiel  et productif et la promotion  technologique.

Nul  observateur des évolutions qui  nous entourent  ne peut  omettre de vue les menaces frontalières qui nous guettent  du  nord-est, de  l’ouest  et du sud que la diplomatie égyptienne traite avec tous les moyens et  capacités à sa disposition  et que le pouvoir  politique et militaire  s’assure tous les éléments  défensifs suffisants pour les affronter ainsi  que tout autre  risque probable.

 

La polarisation  internationale

La diplomatie égyptienne s’exerce dans un  climat  difficile généré par  trois variantes essentielles : extérieure, internationale  et régionale  qui  sont intimement  liées à la période de bouleversement que traverse l’ordre international partagé  entre deux forces :  l’une   tente de  conserver le système unipolaire  en  train de s’éclipser  versus l’autre  qui cherche à  établir un nouvel ordre  international  multipolaire. Ce chaos international  s’est  reflété sur le plan  régional  au point que la polarisation s’est accentuée,  de jour en  jour, entre les deux forces:  les Etats Unis dirigent la première et la Chine la deuxième  dans une reproduction de la première guerre froide dans l’histoire du monde à  travers laquelle la région arabe  et le Moyen-Orient, en  général, se sont divisés entre les deux pôles de  cette guerre. L’Arabie Saoudite s’est  trouvée donc  d’un côté  et l’Egypte de l’autre  opposé. Cette variante extérieure  imposait à  la diplomatie  égyptienne de s’atteler  au plus haut  degré  d’intelligence, de dextérité,  de flexibilité  et de manipulation en  vue de sauvegarder les intérêts fondamentaux de la sécurité nationale-survie, développement et promotion-  et de ne jamais les gâcher. 

 

Les groupes armés  non  gouvernementaux

La deuxième  variante, relativement  nouvelle,  et qui aggrave  davantage les conditions d’exercice  de  la diplomatie égyptienne consiste dans l’apparition  de nouvelles organisations non gouvernementales  qui  contribuent désormais  à l’élaboration du  changement politique dans les pays  voisins  tels  la Palestine, le  Soudan, la Libye, le  Yémen. La Syrie, le  Liban et l’Irak.  Et,  bien que  la diplomatie  égyptienne ait  acquis une grande expertise en  traitant  avec les mouvements de libération nationale  dans le monde  arabe, l’Afrique et  le Tiers-Monde, au  cours des années soixante du siècle dernier, lorsque de tels mouvements étaient dirigés par  des organisations non- gouvernementales armées  ou  non-armées tout le long d’une période  historique plus  longue avec l’Organisation  de  Libération de  la Palestine,  elle n’a pas tardé à connaître des périodes  de discontinuité de telles expériences et de changement d’arrière-plan. Avec l’avènement de notre  siècle, plusieurs organisations armées non gouvernementales ont quitté leur place de rébellion et d’opposition pour  rejoindre celle du pouvoir,  de la prise de décision  ou d’y participer. L’Irak.  Le Yémen,  Gaza et le Liban en  sont des exemples. De  plus, cette même période  a vu  naître des dizaines de groupes non  gouvernementaux  armés ou  nom-armés  qui cherchent  à  étendre leur emprise sur   le  gouvernement, à participer-  officiellement- au  processus de prise de décision  comme il  en  est le cas au Soudan,  en  Libye, en Tunisie et  en  bon nombre d’autres pays. Le   mode de gestion des relations diplomatiques avec les ONG  diffère- substantiellement-  de  celui adopté  vis à  vis des unités politiques officielles et   des gouvernements qui  les représentent. A  titre d’exemple, les premiers équivalent, officiellement,  selon certains  pays, à  des organisations  classées terroristes  telles Hamas à  Gaza et Hezbollah  identifiées à  Al-Qaïda et Daesh.  Plutôt que de traiter avec eux, ils les sanctionnent ou  déclarent la guerre contre eux.  Alors que d’autres pays les considèrent  comme des ONG   légitimes avec lesquelles  il est  possible de coopérer. A   titre d’exemple, on  sait que les deux diplomaties saoudienne et américaine  ont divergé  au  sujet du classement  des Houthis au  Yémen. Si la première a appelé  à  les considérer  comme mouvement  terroriste la seconde s’en  est écartée pour des considérations probablement pratiques et réalistes,  lorsque les Houthis  ont cessé de se   retrancher derrière  la rébellion militaire pour accéder au pouvoir  à  Sanaa, d’autant plus que des canaux  sont toujours ouverts   en  vue de coopérer  sur le plan de la lutte contre l’organisation  Al-Qaïda  dans la péninsule arabique.

Les organisations armées non  gouvernementales  jouent actuellement un rôle primordial  au niveau  du  développement politique au  Moyen-Orient,  plus qu’en aucun  autre lieu  sur terre y  inclus l’Amérique latine,  qui était, dans les années soixante-dix du siècle dernier le  centre d’activité  des organisations armées non  gouvernementales  dans le monde ; même si,  en  cette même période,   les organisations militaires palestiniennes telles le front populaire, le front démocratique ou  le groupe d’Abou Nidal  sont restés longtemps au  point de mire du  monde entier. Ce rôle  que se sont  assignés les groupes armés  non gouvernementaux  dans la région  du  Moyen-Orient ne peut pas être  considéré,  à longueur de chemin,  pro ou  anti promotion politique ;  c’est pourquoi,  la diplomatie gouvernementale de tout pays  doit  être prête  à  traiter avec ces groupes-  en  partant de l’idée  que ces entités  existent effectivement  et pratiquent  un  rôle positif ou  négatif -  en usant d’un  éventail  d’outils et de procédés  visant à contrecarrer leur  rôle négatif  et à stimuler  l’autre positif  qu’ils sont  susceptibles d’exercer  dans le but du  changement.

 Il serait  erronée de croire  que le mode de gestion  de la diplomatie officielle avec les gouvernements serait parfaitement compatible  avec l’administration  de ses relations avec les groupes et les organisations armées non gouvernementales. Il  en  est de même au  niveau des outils  et procédés mis en  œuvre avec les organisations armées  mon gouvernementales  qui doivent s’adapter  aux   conditions politiques  et militaires des pays où  s’activent de telles organisations. Et,  dans tout état  de cause, le traitement diplomatique exige, dans un premier temps, de définir  l’objectif  visé par le fait   de rentrer en  relations  avec elles et  s’il  s’inscrit, par exemple,  dans le sillon  d’un cessez le feu ou s’il est relié  à une sauvegarde  de la paix ou à une reconstruction de l’Etat. Ces facteurs et tant d’autres  sont susceptibles de contribuer à  tracer une stratégie de gestion  des relations entre le gouvernement et les groupes armés  non  gouvernementaux pour réaliser  les objectifs de la sécurité  nationale de l’Etat. 

 

La nature des groupes armés  non  gouvernementaux 

L’expérience  diplomatique égyptienne avec le Mouvement  de résistance islamique « Hamas » à  Gaza, nous enseigne  que  la diplomatie officielle doit être infiniment circonspecte en  élaborant sa stratégie envers les groupes armés non  gouvernementaux qui  sont actifs dans des zones situées en  dehors de ses propres frontières. L’examen minutieux des variantes de l’intérêt national  est  une condition sine qua none d’une telle stratégie :  son adoption  ne doit en  aucune manière  l’exposer au  danger  et enfreindre ainsi  le rôle de la diplomatie. Sans entrer  dans les détails de la relation diplomatique égyptienne  avec le mouvement Hamas  avant et  après son  accession au pouvoir  à  Gaza et sa quasi  indépendance  de l’autorité nationale palestinienne en 2006, la nature des relations  entre ces deux parties laisse la voie  libre  devant la diplomatie égyptienne afin qu’elle réagisse aux évolutions de la situation politique à  Gaza, la sécurité  des frontières  et le rôle de l’Egypte  dans le conflit palestino-israélien.

 

Un  excès de puissance défaillant

La puissance effective de la diplomatie  égyptienne, son  champ d’action,  l’enchevêtrement  des causes et  les niveaux de performance  multiples constituent  la troisième variante  qui aggrave les enjeux auxquels  elle se trouve confrontée. La conjugaison de ce nombre de  facteurs  exige une intelligence aguerrie, des aptitudes pratiques et une connaissance précise afin  de  pouvoir naviguer  en  sécurité dans les eaux  troubles  et sauvegarder et défendre  les intérêts nationaux.  Les capacités  efficaces de la diplomatie sont liées à la qualité et au volume  de l’excès de puissance  nationale disponible au  niveau extérieur. En  fait, le pouvoir  de la diplomatie à  manœuvrer ou à user des moyens de pression  pour le réaliser  s’est réduit à  cause des répercussions des crises économiques internationales sur l’économie nationale et l’incapacité  de  la politique économique nationale à mobiliser davantage  de ressources  ou  à  réduire les dettes consenties par le gouvernement  sur le plan  externe et financier.  Et  comme l’Etat accorde  une grande importance à la vente des propriétés nationales aux  investisseurs étrangers, semant  ainsi d’embûches  la voie empruntée  par la diplomatie  lors de son exercice  d’un  rôle plus  influent  dans sa confrontation  des défis à la sécurité  nationale égyptienne : nous citons à  titre d’exemples la crise du  barrage de la renaissance en  Ethiopie et les risques dus à  l’échec  de  l’établissement  d’un Etat  en  Libye et au Soudan. La difficulté  émane du  fait que les investisseurs étrangers- surtout ceux qui  arrivent des pays du  Golfe-  ont des intérêts disparates  ainsi que des visées divergentes en  Ethiopie, au  Soudan,  en Libye  et au  Yémen qui  laissent leurs impacts  sur la diplomatie  égyptienne qui  essaye d’établir un certain  équilibre entre l’intérêt national  à long terme et  l’intérêt  temporaire lié  à la promotion et  à l’attirance de  l’investissement  étranger. 

 

Des portes grandes ouvertes  au dialogue

Dans ce contexte, la diplomatie égyptienne professionnelle cherche à mobiliser  les expertises et les ressources  en  vue de maintenir  les portes du  dialogue grandes ouvertes  avec les différentes parties  en relation  avec les risques actuels surtout en  ce qui  concerne la sécurité  des frontières. En  dépit de toutes les difficultés,  elle est toujours capable de  jouer le rôle  de médiateur  fiable afin  d’instaurer la paix à  Gaza à  titre d’exemple ou de tenter d’apaiser  les relations entre Hamas  et l’autorité nationale palestinienne.  Elle  joue toujours un  rôle  dynamique dans la résolution  du  conflit entre les forces belligérantes à l’intérieur de la Libye en  dépit de  l’immixtion sur  la scène libyenne d’autres parties –arabes ou  non-arabes. En  ce qui concerne le  Soudan, la diplomatie égyptienne y pèse de tout son  poids  alors que sévissent dans ce dossier  des initiatives qui  souffrent  d’un manque de coordination  suffisante: l’initiative saoudienne-  américaine visant le cessez le feu, l’initiative des pays de la convention « IGAD » qui vise à procéder aux préparatifs de désengagement  entre les forces et l’établissement  d’une zone humanitaire exempte de combat  qui favorise l’acheminement des aides humanitaires telles la nourriture  et les médicaments aux civils innocents.

L’initiative diplomatique égyptienne, portant sur la tenue d’un conférence réunissant les pays voisins du  Soudan, tire son  importance du fait qu’elle servirait de  tribune pour fusionner les nombreuses initiatives, antagonistes et hétérogènes, qui  portent sur l’instauration  de la paix au Soudan  comparées, par le vice-président du Conseil  de la Souveraineté  du  Soudan, Malik Agar à  de simples « bazars politiques »  d’aucune valeur.On  compte, jusqu’à  ce jour,  cinq initiatives  extérieures qui  concrétisent les efforts déclarés pour résoudre la crise soudanaise: la première  saoudienne américaine. La deuxième  par la médiation  des pays de l’IGAD, la troisième  éthiopienne, la quatrième érythréenne  et la cinquième et  dernière est l’initiative  égyptienne sans compter une initiative  locale dirigée  par les organisations militaro-politiques  qui  aspire à  tenir des réunions à  Darfour qui réuniraient les deux parties qui  se disputent le pouvoir Burhan et Hamidti.  Et il  importe de dire que toutes les parties qui prônent la réinstauration  de la paix  caressent l’espoir  de réussir à  résoudre la crise. 

 

Une initiative  coordonnée 

Pour évaluer positivement  la conférence des pays  voisins du  Soudan, il  faut justifier de son  degré de  réussite à  établir un consensus préliminaire  entre les pays voisins  au sujet de leur engagement à respecter des principes de nature à apaiser la situation et d’avancer d’un  seul pas  sur  la voie de  l’instauration  de la paix. Cette mission  est loin d’être facile  surtout que l’expérience acquise à  travers l’histoire  des guerres au  Soudan- surtout  au  sud  du Soudan (avant  la séparation)  et à Darfour  jusqu’à  nos jours  montre  que les hostilités durent  pour de longues années  au  cours desquelles des actes barbares sont commis contre  les civils sans compter que toutes les parties font  montre  d’obstination  et refusent l’ingérence étrangère. D’autant plus que les groupes armées non  gouvernementales ont subi  la transformation  en groupes d’intérêts privés qui  remplissent des qualifications  économiques et  administratives pour  survivre et continuer à  exercer  des activités hostiles  contre l’Etat  ainsi que sources   suffisantes d’armement   à  travers les trafiquants d’armes  dans le marché noir  et les organisations armées non  gouvernementales transnationales et le pillage des armes des dépôts gouvernementaux et parfois elles s’en approvisionnent via des alliés  régionaux qui  trouvent leur  intérêt dans   la continuité  du combat. 

Néanmoins, l’aggravation de la situation  au  Soudan est causée  par la chute de l’Etat  même s’il  poursuit l’exercice des pouvoirs de la souveraineté  du point de vue de forme législative à  travers son adhésion  aux Nations Unies. Actuellement,  le Soudan  est - de tous les points de vue- un pays en  déliquescence  avec un gouvernement inapte à imposer l’ordre, le  pouvoir de la loi et  l’exercice du pouvoir  administratif et économique  à l’intérieur des frontières  officielles. Les résultats  de la conférence  des pays voisins du  Soudan au  Caire  constitueront une réussite éclatante pour la diplomatie égyptienne  si  jamais elle réussit à n’être plus une simple initiative  qui  vient s’ajouter  à  ses précédentes  annoncées depuis  mai dernier.  Vu  l’importance de l’instauration  de la paix au Soudan, il  est  indispensable,  en tout  état  de cause, que la diplomatie égyptienne poursuive  son  activité et qu’elle se  fixe son objectif  avec une grande  précision, son  apport  et le gain qu’elle obtiendra surtout  que nous avons  ici en  Egypte la plus grande communauté soudanaise au  monde en  dehors du Soudan ;  bien plus, sans compter les intérêts vitaux noués entre les deux pays. En  somme.  La réussite de  la diplomatie compte généralement  sur les outils dont  elle dispose pour dialoguer,  exercer  des pressions sur les diverses parties  et jamais elle ne pourra réaliser  ses objectifs escomptés  sans avoir ces aptitudes.