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Afrique

L’initiative américaine à propos du nouveau corridor Inde-Moyen-Orient-Europe n’est-il pas qu’un effet d’annonce ?

Le Dialogue

(De gauche à droite) La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le prince héritier et premier ministre d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane, le premier ministre indien Narendra Modi et le président américain Joe Biden assistent à une session dans le cadre du sommet des dirigeants du G20 au Bharat Mandapam à New Delhi. le 9 septembre 2023. Photo : Ludovic MARIN/POOL/AFP.

 

En marge du sommet du G20 à New Delhi, les États-Unis ont encouragé la création d'un nouveau corridor logistique d'ampleur. 

 

C’est ainsi qu’un accord de principe a été signé le 9 septembre 2023 entre les États-Unis, l’Inde, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, la France, l’Allemagne, l’Italie, et les représentants de l'Union européenne autour d'un vaste projet de transport maritime et ferroviaire pour relier l'Inde à l'Europe, en traversant le Moyen-Orient. 

 

Voilà somme toute, un nouveau corridor Inde-Moyen-Orient-Europe (IMEC) : une nouvelle connexion ferroviaire et maritime qui aboutirait même à Marseille et passerait par le Moyen-Orient, notamment par l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, et Israël. 

Poussée par les États-Unis, cette vaste initiative vise à stimuler les relations commerciales entre l’Inde, le Moyen-Orient et l’Europe. 

Objectif affiché : contrer l’influence chinoise et ses nouvelles « routes de la soie » mais aussi rapprocher les pays du Moyen-Orient, notamment Israël et l’Arabie saoudite.

Chemin faisant, on soulignera volontiers que l’eau a coulé sous les ponts, et que Washington redouble désormais d’efforts pour resserrer les liens avec la monarchie pétrolière, au nom de ses intérêts stratégiques. Surtout à l’aune d’un déplacement humiliant en Arabie saoudite en juillet 2022 et qui avait vu Joe Biden salué d’un « check » par un Mohammed ben Salmane, très froid et distant ; Étant entendu que les Etats-Unis tiennent ce dernier pour le commanditaire de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi…

Dans ce contexte, le conseiller américain à la Sécurité nationale, Jake Sullivan, a déclaré le 9 septembre 2023, que le projet de transport n’était pas considéré comme un « précurseur » d’un éventuel accord de normalisation, mais il a qualifié l’inclusion d’Israël « d’importante ».

 « Notre pays sera un point central de ce corridor économique, se réjouit pour sa part Benjamin Netanyahou, Premier ministre d'Israël. Nos chemins de fer et nos ports ouvriront une nouvelle voie d’accès de l’Inde à l’Europe en passant par le Moyen-Orient, et vice versa. » Netanyahou a qualifié cette initiative de « projet de coopération le plus important de notre histoire » et qui « nous fait entrer dans une nouvelle ère d’intégration et de coopération régionales et mondiales, sans précédent et unique par son ampleur ».

Dans la même veine, le ministre israélien des Affaires étrangères, Eli Cohen, avait également déclaré que son ministère « poursuivait ses efforts pour relier les pays signataires des Accords d’Abraham et Israël, ce qui permettra de raccourcir de manière inédite le temps nécessaire au transfert de marchandises à travers les États du Golfe vers Israël et, de là, vers l’Europe, et de réduire de manière significative les coûts d’expédition ».

Quoiqu’il en soit, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis considèrent l’initiative non pas comme un projet anti-chinois, mais plutôt comme une « diversification de partenaires » et comme une étape qui leur permettra d’être mieux positionnés sur le plan économique et infrastructurel dans la connectivité mondiale en mutation, un processus qui s’est exacerbé suite au conflit en Ukraine.

 

La décision de rejoindre le corridor fait justement écho au récent mouvement de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis invités à rejoindre le club des BRICS en janvier 2024. 

Ainsi, les pays du Golfe ont à cœur, une nouvelle fois, de suivre leur propre agenda et de ne pas s’inscrire dans une nouvelle logique de « blocs » (Chine versus Etats-Unis)

 

De fait s’agissant de Riyad, le corridor envisagé s’inscrit assurément dans le cadre de son agenda Vision 2030. 

Pour les Émirats arabes unis, la participation à l’initiative consiste également à ouvrir le pays et ses ressources à un public mondial plus large pour attirer les investissements et accroître le poids géopolitique du pays.

 

Quant à New Delhi, il s’intéresse depuis longtemps à la promotion de nouveaux corridors commerciaux afin de contrer coûte que coûte, les projets ambitieux de la Chine au Pakistan et dans la région indo-pacifique.

En effet, ce couloir offrira une connectivité sécurisée tant convoitée avec le Moyen-Orient. De fait, des liens s’avèrent de plus en plus importants pour l’Inde à l’aune de sa dépendance vis à vis du pétrole du Golfe mais également auprès de la diaspora indienne. 

De même, l’adhésion à ce projet américain ne signifie pas que l’Inde et les pays du Golfe militent pour la priorisation de cette initiative. Loin de là ! Car ne travaillent-ils pas aussi activement avec la Russie pour faire avancer l’Initiative de Corridor de Transport International Nord-Sud ( INSTC) ? 

Par ailleurs, on ne saurait omettre que pour les monarchies du Golfe, des liens commerciaux et économiques encore plus étroits avec la Chine sont également recherchés et en plein développement.

Enfin pour l’Union européenne, il s’agira de raffermir les liens commerciaux plus étroits avec l’Inde et les États du Golfe.

 

Bref, on serait en droit de se demander si cette initiative logistique américaine visant à contrer la nouvelle route de la soie chinoise, ne constitue pas, tout simplement, un effet d’annonce, faute de plan budgétaire annoncé, et surtout à l’aune de l’opposition du bloc composé par la Chine, l’Iran et la Russie qui se profile à l’horizon. Étant entendu que Pékin, Moscou et Téhéran mettront tout en œuvre pour contrecarrer les projets d’infrastructures qui compromettraient leur position. 

Dans cette perspective, l'Iran et la Chine ont signé en mars 2021, un accord de "coopération stratégique et commerciale sur vingt-cinq ans" impliquant notamment des investissements réciproques dans les différents domaines, notamment les transports, les ports, l'énergie, l'industrie et les services…