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Économie - Énergie

Epargne comment ne pas tout perdre en 2023 ?

PHILIPPE HUGUEN /
PHILIPPE HUGUEN / AFP

Face à l’inflation actuelle, les solutions pour l’épargnant sont différentes de celles des années 70. Dans les années 70, l’épargne, limitée aux livrets A et B, au CCP, aux produits « pierre » et pour les plus actifs, à leur propre entreprise, était indexée sur l’inflation. Il y avait aussi l’or et les devises étrangères (à l’époque beaucoup plus nombreuses), ainsi que les bons du Trésor (qui ne peuvent plus être acquis par des particuliers). Aujourd’hui les possibilités d’investissement sont plus diversifiées. Cependant l’indexation des taux sur l’inflation est le plus souvent interdite ou au mieux découragée ce qui nous prive d’un filet de sécurité. L’inflation d’aujourd’hui sera donc beaucoup plus douloureuse que dans les années 70 et – espère t’on - durera d’autant moins longtemps. 

La stratégie d’investissement pour 2023 sera différente selon que l’épargnant a beaucoup d’argent ou peu.

Si l’épargnant a beaucoup d’argent, il peut profiter de la multiplicité des produits financiers, multiplier les lignes, équilibrer ses pertes, voire réaliser des profits.

Notre réponse s’adresse à ceux qui n’ont que quelques centaines voire dizaines de milliers d’euros, et ne peuvent investir que dans un seul ou deux produits ou en passant par un seul intermédiaire. 

En premier lieu, renoncez à vendre cette année votre bien immobilier. Le prix que vous en tirerez sera diminué de l’inflation. En période d’inflation, « Cash is NOT king anymore »!

En ce qui concerne les actions cotées, vous avez pour la plupart déjà massivement quitté la bourse en 2022, suite à l’effondrement de la plupart des bourses. Celui-ci résulte mathématiquement de la remontée des taux des banques centrales en réponse aux tensions inflationnistes causées par la pénurie de produits chinois, de blé ukrainien et d’hydrocarbures. Aussi longtemps que cette remontée des taux se poursuivra, la bourse dégringolera, avec des accalmies rythmées par les stratégies d’achat au son du violon des gestionnaires d’actifs.

En ce qui concerne les produits de taux, vous, français, avez largement investi en comptes rémunérés, assurance vie et Sicav. Estimez-vous heureux de ne pas être des épargnants allemands ou néerlandais qui ont tout placé dans des fonds de pension investis en obligations de la zone euro. Ces fonds de pension dont les réserves fondent sont de plus en plus obligés d’investir dans des obligations de pays en développement et leurs pensions sont donc désormais dépendantes des faillites de ces Etats et des crises de change. 

Les taux des comptes rémunérés, des OPCVM et assurances-vie collectées par les banques ont légèrement augmenté mais n’augmentent pas aussi vite que l’inflation: Si les emprunteurs  de ces sommes  - principalement des fonds de gestion gérés par des assureurs – demandaient à leurs propres emprunteurs un spread équivalent au taux d’inflation actuel - soit 7-10% en sus de l’Euribor et des primes de risque, le bas du compte de résultat des emprunteurs les plus vertueux serait laminé par le service de la dette. Heureusement pour les entreprises emprunteuses, des gardes fous empêchent les taux de monter au-delà du supportable. L’un de ces gardes fous est que les fonds de gestion ne regardent pas le taux d’inflation mais uniquement le taux d’intérêt qui leur est servi par les emprunteurs. Or ce taux est d’ores et déjà suffisant pour appâter de nouveaux épargnants, à condition de n’en privilégier qu’un petit nombre: Soit un fonds de gestion qui prête en 2022 à Euribor+4 au lieu d’Euribor+2 en 2021. C’est un gain de 2 dont tous ses clients investisseurs pourraient profiter. Cependant, il n’offrira à ses nombreux anciens clients que 0,5 et réservera les 1,5 restants à ses nouveaux clients, avec des produits d’appel tels que « 4% garantis » qui devraient fleurir en 2023. Cette répartition d’inspiration biblique est une sorte de « « Ponzi inversé » où les nouveaux  clients sont mieux traités que les premiers. Cependant, ces produits d’appel réservés aux nouveaux clients resteront toujours bien en dessous de l’inflation , car les fonds de gestion ne regardent que le taux d’intérêt de refinancement auprès de la banque centrale. 

Certaines alternatives à la bourse et aux produits de taux ressemblent plus au Casino qu’à des produits d’Epargne:

Les dérivés sont devenus abordables pour les petits portefeuilles, sous forme de warrants et de CFD (contracts for difference). Ces produits proposés légalement sur des plateformes en ligne sont utilisés de façon purement spéculative et mènent généralement à la perte intégrale du capital investi. 

Les cryptos doivent leur succès à une utopie anarcho-capitaliste davantage qu’aux technologies blockchain ou DLT. Il faudrait une conversion massive des populations et un effondrement massif des États pour voir les cryptos se stabiliser. Un petit investisseur ny risquera pas sa mise.

Le « private equity » est, lui, un marché beaucoup plus mûr, reposant sur du concret: les bilans des grosses PME, françaises, allemandes et … surtout américaines. Ce segment plus résistant que la Bourse existe depuis les années 80, mais était resté discret jusque dans les années 2000. A l’origine, il s’agissait simplement de LBO ou de LBI financés par la banque du coin . Puis le processus s’est industrialisé : Des fonds dits de private equity (P-E) prennent des participations majoritaires dans les PME cibles. Certains de ces fonds ont plusieurs centaines de participations majoritaires. C’est dans l’un de ces fonds qu’il s’agit pour notre petit  investisseur d’entrer. Il passe généralement par la filiale « banque privée » de sa banque. Les tickets d’entrée jadis de plus d’1 million d’euros ont été abaissés en 2022, parfois à quelques dizaines de milliers d’euros. Cependant cet abaissement du ticket intervient précisément au moment où le rendement des opérations de private equity baisse et où se profile le risque avec la remontée des taux une crise de surendettement des grosses PME, à laquelle vient de s’ajouter une crise de l’énergie. En effet, les fonds de P-E, si ils prennent le contrôle des PME, ont l’habitude de leur faire souscrire des emprunts très importants parfois aux seules fins de payer les dividendes au fonds. Ici le ponzzi profite classiquement aux premiers arrivés du fond (les tickets à 1 millions qui resteront parqués dans les meilleurs sous-fonds) et non aux derniers arrivés (les tickets à 10000 qui seront dirigés vers des sous-fonds moins rentables).

L’or reste une valeur sûre, mais qui ne rapporte ni dividende, ni intérêt, ni loyer et peut se déprécier lorsque l’optimisme revient. De même, les devises étrangères, livre, dollar, franc suisse, que vous conserverez en cash plutôt que d’ouvrir des comptes en dollar aux Etats-Unis. 

En guise de conclusion

Moralité: si vous êtes en cette année 2023, à l’affût d’offres intéressantes détournez-vous des marchés où vous serez les derniers arrivés (dérivés, cryptos, P-E). tournez-vous vers les produits de taux, et attendez l’arrivée des nouveaux contrats sur livret réhabilités à la faveur de la remontée des taux. Ils ne seront certes pas autant indexés que dans les années 70. 

Si vous êtes taraudés par l’envie de prendre des risques, qui au fond relève de la pulsion de jeu, faites le très progressivement en risquant de toutes petites sommes. Vous aurez un avantage psychologique, car vous ne paniquerez et donc ne vendrez pas tout de suite à perte au premier revers. Par ailleurs, même avec une petite somme investie vous aurez le privilège de figurer parmi les premiers investisseurs et donc parmi les mieux informés.