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Editos

Les arbres de la haine

Le Dialogue

En suivant l'évolution tragique de la guerre à Gaza, et alors  que le champ  de bataille voyait resplendir les noms  de certains  dirigeants civils de Hamas ( à l’exemple d'Abou Obeida, Mohammed Deif et Yahya Sinouar), j’ai  été  sidéré d’apprendre  que la résistance palestinienne a été réduite à ce mouvement  tout en  excluant le rôle  joué par le peuple palestinien et sa résistance à travers ses  diverses factions. Certains pourraient  ignorer  que le peuple égyptien  ne peut pas se départir de sa vision imprégnée de doute et de méfiance  à l’égard  du mouvement Hamas  du fait qu’il est l’ennemi  de l’Etat  égyptien: les Egyptiens gardent  à l’esprit les actes commis par le  Hamas lors des incidents du  25 janvier, nommés à  tort « le printemps arabe » comme son infiltration, en 2011, à travers les frontières égyptiennes, l’incursion dans les prisons égyptiennes pour faire évader des éléments dangereux de l’organisation égyptienne des Frères musulmans ou  du  Hezbollah libanais. Les Egyptiens sont  conscients que Hamas est  la branche palestinienne des Frères musulmans qui a planifié ces opérations  en  vue de semer le chaos,  et –par conséquent- de renverser le pouvoir  et de serrer  l’étau autour  de certains pays de la région. 

Maintenant, ses actions sont accueillis par des  éloges et de remerciements. Avec l’agression israélienne barbare contre le  peuple de Gaza et  son massacre systématique  des femmes, des enfants et des vieillards  et  qui n'a pas épargné la Cisjordanie, la résistance à l’Etat  israélien bénéficie  d'une forte  sympathie l'érigeant ainsi au titre du sauveur, du héros. Donc, ce même Egyptien  ne  peut qu’être en admiration à la vue d'un jeune homme masqué  en tenue  sportive muni d’un obus Yassine 105 (de fabrication purement palestinienne) d’une puissance capable de  détruire un char « Merkava 4 »  ( le Joyau de la fabrication américano-israélienne), et ce en se positionnant  à  distance zéro et  en faire  une boule de feu  en  criant  Allah Akbar et en murmurant quelques versets du Coran. Nous applaudissons les soldats de la résistance  alors qu'en même temps  nous maintenons un front uni contre le projet doctrinal  du Hamas.  Ce paradoxe  me rappelle bien un  événement  qui date  depuis des décennies. Lors d'une rencontre familiale chez des amis proches, un ami de la famille m’avait raconté  comment pendant la projection,  dans un cinéma en Europe,  du  film « Le lion  du désert » portant sur la biographie  du  grand résistant libyen Omar al-Mukhṫār, le public réunissait presque toutes les nationalités d'origine arabe ou européenne . Le  réalisateur Mustapha Al- Akkad a réussi à susciter l'intérêt du spectateur  occidental  sur les  scènes successives qui  disaient l’essence même  de la barbarie coloniale,  par la spoliation  des territoires, les actes de  viol commis contre les femmes, l'humiliation et les massacres perpetrés  à la romaine:  un officier  se mettait derrière une file de villageois libyens,  debout face au  mur pour les décompter et tirer  sur la dernière personne  de chaque dizaine. Une  autre  scène plus cruelle  montrait  les officiers italiens trainant  une file de filles et de femmes pour les violer , une autre révélant comment les approvisionnements des villageois en nourriture étaient brûlés et les puits remblayés. Ce  génie  de la mise en scène cinématographique  a donné à voir la résistance arabe libyenne à travers un symbole : ce vieillard qui faisait  apprendre le Coran aux   garçons  du  kuttâb et  qui  dirigeait la résistance  avec  des armes rudimentaires. Il  a  réussi  à  susciter une opinion unanime   quant à la justesse de la cause  libyenne auprès du spectateur  occidental au point qu’un applaudissement assourdissant  retentissait  dans la salle  de  cinéma à chaque   fois que le film montrait  un  char mis à  feu ou des soldats italiens poussés au repli.  Ces spectateurs  ne partagent  pas  le  même credo  du lion  du  désert ni son mode de résistance, pourtant, ils  ont  exprimé leur admiration pour son combat.  Le film se termine  par cet  adage de Omar al-Mukhṫār,  devenu plus qu’une citation célèbre  et mémorable voire la charte  de  toute résistance : « Nous sommes un peuple qui ne se rend pas. Nous recherchons  ou la mort ou la victoire. »

Ainsi, l’histoire se répète. Le traitement subi par le  peuple  palestinien sous le gouvernement extrémiste de Netanyahou qui affiche une stupidité politique et un  dévergondage israélien, ressemble à une implantation pérpétuelle des arbres de la haine. Il n’est guère  étonnant de voir comment le colonisateur  israélien a fait d'Abou  Obeida - cet homme mince, obscure et  au  ton ferme- un héros  populaire et une idole de la résistance contre tout occupant. Il  est étonnant d’apprendre  que lors fêtes de mariages  en  Egypte, on célèbre  les exploits et la bravoure d’Abou  Obeida, figure du Hamas, comme l'avait fait le réalisateur  syrien, dans son oeuvre cinématographique - en ralliant des spectateurs  du monde entier-  et celle de la cause  du  peuple palestinien, faisant de lui un autre symbole de la résistance à l'image de Omar al-Mukhṫār .

Une question importante est ainsi  soulevée: la poursuite  de la guerre, le massacre des civils et les attentats perpétrés contre les hôpitaux  ou toutes les autres  atrocités commises au  cours de cette guerre barbare sont-ils dans l’intérêt des deux parties : Israël ou les factions de la résistance palestinienne? Une autre interrogation majeure s’impose : cette guerre servira-t-elle  le processus de paix  dans la région  et  la possibilité  de la cohabitation  entre les deux peuples palestinien  et israélien ?

Depuis le début  de son agression  contre la bande de Gaza  et la délimitation  de ses objectifs stratégiques  qui ont en fait une équation nulle, Israël  a pourtant   réalisé deux  objectifs clés : primo, en mettant le secteur sanitaire  KO : le bilan des morts et des blessés  ne pouvait que fragiliser la version israélienne des faits et l’embarrasser face a une opinion -publique et internationale- qui ne décolère pas ;  secundo, il a fait en  sorte que la résistance palestinienne gagne une grande sympathie dans le monde arabe et musulman dont  certains  vouaient  une hostilité contre le mouvement Hamas. Ce dernier, passe du statut d'une   simple entité limitée à l’intérieur des territoires palestiniens occupés en une idée qui dépasse toutes les frontières  géographiques pour ne plus avoir d’enceinte fixe. Un certain  parallélisme s’impose ici  avec l’organisation Daech  qui s’est mue  en une  idée après avoir perdu de terrain  et que certains  ont  cru qu’elle a  complètement disparu  avant qu'on ne   découvre que ses éléments surnommés « les loups solitaires » ont refait surface pour  combattre les Etats européens sur  leurs propres territoires  en  y commettant des opérations spécifiques et individuelles qui ont  causé des   pertes humaines et  matérielles considérables. Cette transmutation  de l’organisation en un  concept  devint un  fait  évident.

Est-ce qu’une telle transmutation  à l'image des « loups solitaires »,  serait-elle envisageable  dans un  avenir proche, par les partisans du  mouvement Hamas -comme une  réponse à l’agression commise contre les civils palestiniens- dans les pays qui  apportent leur soutien indéfectible  à l'Etat  d'Israël dans ses actions?

Il  n’ y  a nul doute que,  du point de vue du  droit humain et du  droit international  humanitaire, qu’Israël  a commis des crimes contre l’humanité  équivalant au  génocide du peuple palestinien et qui exigent d’être jugés, comme ce fut le cas  lors du procès  de Nuremberg  contre les Nazis  et le procès des dirigeants serbes  à l’époque de l’ancienne Yougoslavie.

A ce que je pense,  une telle démarche doit être exécutée  en vertu  de la loi pour qu’on  ne voie plus renaitre  de leurs cendres de nouveaux loups solitaires, surtout que le terrain a été préparé pour cultiver les arbres de la  haine dont les semences qui  y  ont été enfouies ont germé, durant ces jours, arrosées par le sang des dizaines de milliers de victimes dont un grand nombre d'enfants.  Cette  donne attisera la vengeance de maintes  organisations  et éléments qui n'hésiterons pas a mettre le feu aux poudres, à  travers la région  jusqu’à ce sa fumée atteigne  toutes les capitales et les villes du monde. Ne faudrait-il pas y voir ici un sérieux avertissement?