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Ukraine/Russie

Ukraine : l'effondrement qui vient

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Depuis plus d'un mois, la situation politique, économique et militaire devient de plus en plus difficile et pas un jour ne se passe sans que de nouvelles révélations publiées dans les médias occidentaux viennent noircir le tableau au point de s'interroger sur la survie du régime ukrainien et de son emblématique président, Volodomyr Zelensky. 

 

Un parfum de fin de régime

Alors qu'il y a quelques semaines, Zelensky annonçait le report sine die des élections présidentielles prévues en 2024, provoquant l'ire du patron de l'armée ukrainienne, le général Zaloujny qui se voyait déjà candidat, c'est autour du maire de Kiev, le très médiatique Vitali Klitshco, de mener la charge contre le président ukrainien dans les colonnes du magazine Der Spiegel en déclarant le 2 décembre dernier qu'il n'y aurait bientôt plus de différence entre la Russie et l'Ukraine puisque que tout le pouvoir y était désormais concentré entre les mains d'un seul homme[1]. Klitschko enfonce le clou en accusant Zelensky de mentir à la population quant à l'échec de la contre-offensive ukrainienne débutée en juin dernier. Pourtant, de manière quasi simultanée le 30 novembre, Zelensky reconnaissait publiquement qu'il serait désormais difficile de reconquérir ou de récupérer les oblasts sécessionnistes du Donbass que de reprendre la Crimée en raison de "l'hostilité des populations en raison des combats." Il ordonnait dans le même temps la suspension de toute offensive d'envergure et demandait à l'armée ukrainienne de se retrancher solidement sur ses positions pour ne plus céder un pouce de terrain face au retour offensive des forces russes depuis plusieurs semaines. Devant cette situation politique chaotique où l'on s'interroge sur qui commande encore entre le pouvoir politique et le général Zaloujny, les annonces russes quant aux pertes ukrainiennes viennent encore assombrir le tableau. La chaîne Telegram russe Rybar a en effet publié le 1er décembre ses estimations qui parlent de plus de 1,4 millions de pertes dont 536 854 irrécupérables (214 883 morts et 62 148 disparus)[2]. Même s'il est difficile de donner un crédit absolu à ces chiffres comparés aux 60-65 000 morts enregistrés côté russe, cela donne une idée du ratio de pertes entre les deux camps et de la gravité de la situation de l'Ukraine dont le réservoir humain est bien moindre que celui de la Fédération de Russie. 

 

Les coups de boutoir russes

 

Sur le front, la situation continue de tourner lentement mais sûrement à l'avantage des Russes qui sont à l'offensive dans le secteur d'Avdiivka, de Bakhmout et de Kreminna-Kupyansk de manière continu depuis le début de l'automne. La semaine dernière, le 1er décembre, a notamment été marquée par le prise de Mariinka, qui n'est plus qu'un champ de ruines, après de terribles combats en milieu urbain depuis la fin du mois de mars 2022. Dans le même temps, l'étau se resserre autour d'Avdiivka sur laquelle les Russes déversent des tonnes de bombes planantes pour déloger les défenseurs notamment dans la zone industrielle au nord. Le moral des combattants ukrainiens semblent durement touché à en croire les nombreuses vidéos publiées par ces hommes sur Telegram pour dénoncer leur situation désespérée, notamment l'absence d'appui feu pour stopper les assauts russes. Dans le secteur de Bakhmout, les combats au nord et au sud de la ville se poursuivent. Là encore les Russes sont à la manoeuvre. Toujours le 1er décembre, les Russes ont revendiqué la prise Khromove au nord tandis qu'ils se rapprochaient de Klishchiivka au sud. Dans le secteur de Kreminna, c'est le village de Timkovka qui était également conquis le 1er décembre. A noter enfin que cette semaine, il apparaît clairement que la centaine de fusiliers-marins ukrainiens installés dans la tête pont de Krinky sur la rive sud du Dniepr sont soumis à des bombardement constants de l'artillerie et de l'aviation russe qui leur interdit à la fois de recevoir des renforts et de la logistique mais aussi d'évacuer la zone. Cette nouvelle opération de communication pour tenter de persuader les Occidentaux que l'armée ukrainienne pouvait durablement ouvrir un nouveau front actif dans ce secteur a échoué. Bref, la situation sur le front est de plus en plus critique et les attaques/offensives spectaculaires, même menées initialement avec succès finissent par ne plus suffire pour regonfler le moral des combattants et remobiliser la population qui commence à réclamer de plus en plus des nouvelles des disparus. 

 

Le coup de poignard dans le dos ?

 

Au-delà des revers militaires et des problèmes de politique intérieur majeurs, le danger le plus important pour l'avenir de l'Ukraine vient de ses arrières et notamment de Washington. Après la publication d'un article dans le Washington Post visant à faire porter la responsabilité des attentats contre Nord Stream 1 et 2 sur Kiev, voilà que le grand quotidien américain revient à la charge dans un article publié le 4 décembre[3]. Cette fois, il s'agit de dédouaner les Etats-Unis et leurs alliés de l'OTAN dans l'échec de la contre-offensive ukrainienne. En fait, selon le quotidien, les Ukrainiens n'ont pas écouté les conseils avisés de leurs sponsors dans la planification et l'exécution de la contre-offensive ce qui explique son échec. Pire, les Ukrainiens, et notamment Zaloujny, sont accusés d'être restés trop attachés à l'héritage militaire soviétique, ce qui ne leur a pas permis de triompher. Quant on sait que tactiquement, l'armée ukrainienne, au moins jusqu'au niveau de la brigade est formée et instruite sur le modèle de l'OTAN depuis 2015, de telles accusations interrogent sur leur bien-fondé et surtout leurs arrières-pensées. De plus, ils n'auraient employer les matériels livrés par l'OTAN de manière optimale. On s'interroge toutefois sur cette vision unilatérale très limitée qui oublie volontairement de souligner que, depuis 1916, aucune offensive terrestre majeure n'a réussi à percer des lignes défensives puissantes sans supériorité aérienne. Alors que Zelensky s'adressait aux sénateurs américains en visio-conférence le 5 décembre, à la veille du vote d'une nouvelle enveloppe d'aide américaine, on comprend que ces articles arrivent à point nommé pour convaincre les hésitants que le temps du soutien inconditionnel à l'Ukraine est désormais terminé. Si Washington affirme qu'il ne laissera pas tomber son allié, il n'aura probablement les moyens de le soutenir, y compris militairement de façon efficace puisque désormais c'est vers Israël que se dirigent les avions cargos américains chargés de munitions. Face à cette dégradation des moyens de l'armée ukrainienne et du pouvoir politique pour se maintenir en place et tenir le front, on s'interroge sur un effondrement interne du pays, soit sur le modèle allemand de 1918, soit sur le modèle sud-vietnamien de 1975.


 


[1]   https://kyivindependent.com/klitschko-says-ukraine-is-turning-authoritarian-as-conflict-with-president-persists/

[2]   https://t.me/rybar_in_english/8914

[3]   https://www.washingtonpost.com/world/2023/12/04/ukraine-counteroffensive-us-planning-russia-war/