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Ukraine/Russie

DGSE, CIA & Ukraine : la guerre de l’ombre

Le Dialogue

Comment et pourquoi la DGSE a protégé le président Zelinsky, comment s’est infiltré la CIA dans le cerveau de Poutine et surtout quels sont ces agents militaires français invisibles qui ont fondu sur l'Ukraine… bienvenus à Kiev nid d’espions !

 

Une enquête exclusive de Jean-Paul Louis Ney 

 

L’information a d'abord fait le tour de quelques reporters spécialisés et autres chercheurs (aux bras longs) ainsi que nos très chères « correspondances particulières », de Kiev à Paris et de Madrid à Moscou : A peine quelques heures après le déclenchement des hostilités, le président Ukrainien annonçait au président Français qu’il déclinait son offre d’exfiltration. Zelinsky ne quitterait donc pas le pays en temps de guerre non sans réclamer des armes, de l'aide militaire et du mentoring (entraînement pour ses troupes).

 

Voilà pour la partie communication, dans les faits c’est un peu différent, Macron a opposé son soutien à une seule condition : que Zelinsky accepte d’intégrer des agents de la DGSE et des forces spéciales françaises dans son dispositif pour assurer sa protection physique : « dans notre jargon, on appelle ça un ‘asset’, un mot très politique qui nous autorise à tout » explique B. l’un des français qui a longtemps protégé les « chouchous » de la France. 

Les plongeurs du 2ème escadron du 13e RDP sont habitués à évoluer dans des milieux urbains pour s'infiltrer dans la profondeur afin de récolter du renseignement. Les armes sont une mesure d'auto-défense, le 13 n'a pas vocation à intervenir sauf sur demande expresse de l'autorité militaire et pour une action d'opportunité.  © JPLOUISNEY.

 

C’était à prendre ou à laisser, s’il refusait, alors la France ne pouvait plus faire pression sur le président Russe Vladimir Poutine. Et c'était bien calculé par l’Élysée : Macron tenait là une revanche personnelle sur Vladimir, en effet, une fois la bulle de sécurité activée autour des personnages clefs du régime de Kiev, le président français s’est fendu d’un coup de fil au tsar : « Si tu bombardes Zelinsky, alors tu bombardes aussi des agents français, je ne te le conseille pas cher Vladimir ». Poutine a été obligé de reculer tout en rappelant les tueurs du GRU envoyés aux trousses de la famille Zelinsky et de ses plus fidèles lieutenants, il n’avait pas alors pensé une seule seconde que le « petit roquet » de l’Elysée puisse être capable d’un coup pareil… et c’était un coup au foie, réglementaire ! Vladimir venait de se prendre un K.O debout, et le round gagné préfigurait déjà la guerre de l’ombre entre politiciens et puissants de ce monde, à travers les meilleurs outils dont ils disposent : leurs services de renseignement et d’action clandestine…

Le 3ème escadron est spécialisé dans les milieux montagnes, il détient l’expertise grand froid et haute altitude. Une évidence pour ces soldats de l'ombre dont le seul front a été l'URSS pendant des décennies. © JPLOUISNEY

 

Kiev nid d’espions

Les vieux de la vieille, diplomates, reporters, humanitaires, aventuriers et autres dingos des zones de guerre (vous seriez surpris des profils qui pullulent sur une zone de guerre, nda) vous le diront tous en chœur : Beyrouth ! la capitale libanaise, la perle du Moyen Orient, la Suisse arabe, a été pendant des années un véritable nid d’espions, comme ce fut le cas pour Téhéran au temps du Chah, Kaboul après novembre 2001 et Tripoli en Libye pendant la révolution. Et comme sur chaque zone de conflit ouvert, semi-couvert ou couvert, l’agence d’espionnage américaine, la CIA, est bien présente en toile de fond. 

Alors comment la France s'est impliquée dans cette guerre du renseignement ? Tout d'abord, il faut comprendre que bien avant le début de « l'opération spéciale Russe » les éléments du 13e RDP (régiment de dragons parachutistes) étaient déjà présents tout autour de la zone ukrainienne, cela ne date pas d’hier... Mais qui sont-ils ? Les dragons du 13e régiment de dragons parachutistes sont le fer de lance du renseignement militaire français, ils sont très connus de la Russie mais surtout de l'ex-URSS - à l'époque, leur casernement était basé à Dieuze, en Moselle - aujourd'hui ils ont fait leur trou depuis déjà quelques années non loin de Bordeaux et de l’ETAP, l’école des troupes aéroportées. 

Les Russes craignent le 13 depuis des lustres, ils les respectent aussi, fait rare et confirmé lors de plusieurs rencontres avec des anciens de la Guerre froide à qui leur ouvrage officiel (réalisé par votre serviteur) leur avait été offert. Ces derniers y ont découvert comment ces dragons sautaient d'un avion à 10.000 mètres sous oxygène pour immédiatement déployer leurs ailes et rejoindre un point de chute à plus de 40 kilomètres de là en DSV (dérive sous voile, ouverture du parachute à haute altitude, nda). La meilleure méthode pour traverser les frontières sans se faire pincer...

Ici un plongeur du 2ème escadron se déplace de nuit sur un port de plaisance afin de poser des capteurs de type micros ou caméras. Le 13e RDP a été déployé – selon nos sources – en mer d'Azov un point stratégique où le renseignement militaire y capte du renseignement de haute valeur.  © JPLOUISNEY.

 

Une fois au sol, les opérateurs de cette force spéciale du renseignement creusent plusieurs caches et s'enterrent... ils n'en sortent que la nuit, pour se déplacer, faire des photographies, poser des « capteurs » (caméras, micros, dispositifs électroniques) ...

 

C'est ainsi que plusieurs éléments du 13 étaient déjà sur place, bien avant l'offensive de Moscou sur Kiev : « le 13e RDP est présent sur une dizaine de fronts de par le monde, nous captons du renseignement de nature militaire et nous l'envoyons pour qu'il soit traité et diffusé auprès des décideurs militaires et politiques » explique un opérateur de cette force spéciale. Le 13 est-il entré dans Kiev ? Nous ne le savons pas, et dans ce cas, aucune utilité stratégique ne laisse croire à un tel déploiement, cependant, autour des pays frontaliers, sur quelques zones comme le Donbass, la mer d'Azov, la Crimée... Il est fort possible que l'un des escadrons du 13 spécialisé dans les infiltrations par la mer y ait fait un petit tour, histoire de collecter quelques informations sur les navires et autres vaisseaux procédant à des trafics ou même pour détecter des infiltrations de leurs collègues d'en face : GRU ou autres Spetsnaz... 

Mobiles, silencieux, autonomes et extrêmement discrets, les dragons du 13 sont l'un des outils humains les plus performants pour le renseignement militaire français, leur expertise héritée de la Guerre froide leur a été utile pour quantifier les forces en présence sur le front ukrainien.  © JPLOUISNEY.

 

« Nous ne sommes pas des James Bond, ni la DGSE d’ailleurs, on peut intervenir en civil comme nous l'avions fait jadis en ex-Yougoslavie, mais ce n'est pas notre mission première, le 13 est en charge de collecter du renseignement sur les capacités militaires des camps en présence, on arrive, on s'infiltre, on capte, on transmet et on s'exfiltre et tout ça sans qu'aucun des belligérants ne s'en rende compte » explique Rob, un ancien du régiment aujourd'hui passé dans le privé. Pourtant il pense (à titre personnel et sans livrer une quelconque information classée secret défense, nda) que ses camarades ont bien été jusqu'à Kiev. Pourquoi ? « Au vu de ce qui circule sur les réseaux, le renseignement capté par le 13 a servi les autorités de Kiev, c'est indéniable, sur la progression des unités, le matériel, l'armement... c'est comme ça que j'ai travaillé pendant des années, ensuite il y a le renseignement spatial et électronique, tout ça est exploité, un rapport est pondu par la DRM (la direction du renseignement militaire, nda) et celui-ci est partagé avec l'armée ukrainienne via sans doute l’OTAN, simple, logique, implacable. Sans nous, Kiev aurait été aveugle et sourde... »

Mobiles, silencieux, autonomes et extrêmement discrets, les dragons du 13 sont l'un des outils humains les plus performants pour le renseignement militaire français, leur expertise héritée de la Guerre froide leur a été utile pour quantifier les forces en présence sur le front ukrainien.  © JPLOUISNEY.

 

Côté officiel, les autorités militaires nous informent « en off » que la « zone concernée » fait partie des prérogatives du renseignement militaire français depuis de nombreuses années, ce qui est compréhensif car tout n'a pas commencé avec la récente guerre de Moscou contre Kiev. 

Quid de l'élimination des hauts gradés militaires ? Comment Kiev a réussi à cibler et décimer des généraux et autres commandants Russes ? Tant la CIA que le 13e RDP auraient pu monter des « fiches de renseignement » et les distribuer à Kiev sans passer par le protocole habituel, quid de l'OTAN ? Rien n'a été confirmé à ce jour, mais selon des anciens du 13e RDP c'est bien dans les cordes du renseignement militaire français : « nous l'avons fait pendant la Guerre froide et en ex-Yougoslavie, le 13 est passé maître dans l'art de cibler et profiler les hauts commandants et officiers militaires adverses, il est possible qu'après avoir identifié une cible à haute valeur militaire, les décideurs politiques et militaires français demandent au 13 d'agir : c'est alors une exécution militaire d’opportunité qui va être encadrée par le droit de la guerre. Le feu vert définitif sera donné par les juristes du régiment, on ne tue pas des gens pour le plaisir », précise notre dragon.   

S'il peut intervenir dans des prises d'otages, sur des éliminations de cibles ou sur des interventions d'opportunité, le 13e RDP reste avant tout une force spéciale, la seule, exclusivement dédiée au renseignement militaire dont le client unique est la DRM, la direction du renseignement militaire.  © JPLOUISNEY.

 

La CIA en vadrouille

Les règles de la guerre sont ancestrales : pour prendre le pouvoir ou un pays, il faut, logiquement, prendre sa capitale et neutraliser son gouvernement, rien de neuf sous le soleil ukrainien. C'est dans cette logique que Bagdad, Tripoli, ou Kaboul, ont été - préalablement à un conflit naissant – visitées par des membres des services de renseignement afin de, soit protéger le pouvoir en place, soit le neutraliser. Depuis des années, Kiev est une priorité pour l'agence de Langley, poussant régimes et révolutions face à l'éternel adversaire Russe. On voit donc se rejouer le « sequel » de CIA versus KGB sous les ponts de Kiev et dans les campagnes environnantes. Si les acteurs ont évolué, les mentalités et les réflexes de la Guerre froide persistent : guerre de l'information, intoxication et manipulation des sources, mouvements de fonds en cash, financement des partis et des opposants, ou tout simplement comme c'est le cas depuis une décennie : le mentoring (entraînement) des services secrets ukrainiens pour être plus efficaces face aux redoutables agents de Moscou. Un travail de sape et de fond qui a fini par payer : les agents du SBU (en charge de la protection de l'état et du contre-espionnage) ont fait échouer des centaines d'opérations de sabotage du SVR et du GRU, découvrant les taupes de Moscou à Kiev, entre arrestations musclées, interrogatoires et exécutions extra-judiciaires (neutralisations, nda) des agents Russes ou des recrues locales. Même chose en face : le SVR et le FSB russes ont traqué les fidèles et agents de Ukrainiens à Moscou et Saint Petersburg pour les opérations rendues publiques par le Kremlin. 

Pourtant, Kiev peut sembler le genre de petit parcours de santé pour la CIA, habituée à ce genre d'opérations qui n'ont pas besoin de publicité tant leur efficacité sème le doute dans les rangs du camp d'en face, le nerf de cette guerre étant l'argent, les fonds (presque) illimités de la CIA rendent (presque) invincibles les services ukrainiens. « Le jour où la CIA arrête de financer et entraîner les services ukrainiens, le château de carte s'effondrera rapidement, cette perfusion ne peut pas durer éternellement » explique un français de la DGSE qui a récemment quitté Kiev pour les sables d'Orient. 

La DGSE opère de manière clandestine, alors qu'une force spéciale comme le 13e RDP ici quelque part en Europe centrale, opère sous drapeau français, et donc, officiellement mais discrètement.  © JPLOUISNEY.

 

Pourtant le plus joli coup de la CIA s'est joué dans la tête du président   Russe. Il y a quelques mois, les analystes américains ont réussi une opération « splinter brain » (une écharde dans le cerveau, nda) : faire entrer le doute dans le cerveau de Vladimir Poutine, mais comment ? « La CIA a fait croire qu'une taupe se trouvait dans le premier cercle de Poutine, car des informations confidentielles avaient fuité dans la presse occidentale, une fuite invisible pour le commun des mortels, mais du solide pour qui sait interpréter les signaux... Le président Russe se doit d'être surtout protégé de ce genre d'intoxication, il paraît qu'il n'en dormait plus et a commencé à limoger des gens très efficaces et loyaux autour de lui. Pourtant il n'y a jamais eu de taupe de la CIA autour de Poutine, tout n'était que du vent, mais le mal était fait ! » explique notre source de la DGSE. 

Photographie de l'une de nos sources de la DGSE, les services secrets français, ici déployés au Moyen-Orient lors d'un stage avec leurs collègues d'un service secret arabe. © JPLOUISNEY.

 

Un coup de maître réalisé grâce à des interceptions de la NSA, l'agence nationale de sécurité américaine, spécialiste du cyber et des écoutes. Les agents de la NSA auraient donc intercepté plusieurs informations provenant de l'entourage proche de Vladimir Poutine et les auraient fait passer à la CIA pour qu'elle prépare une « tailored operation » une opération « sur mesure » afin de planter le doute dans l'esprit du chef du Kremlin... La réalité dépasse allègrement la fiction, comme disent les Russes : Le vin est innocent, l'ivrogne seul est coupable. Sans oublier un autre proverbe qui devrait servir de leçon à Kiev : Dans la mare aux mensonges, les poissons finissent toujours par mourir...

 

 

 

 

Biographie :

Jean-Paul Louis Ney est grand reporter et réalisateur de documentaires. Ancien de Canal Plus, I>Télé, BFMTV, i24NEWS et CNN, spécialiste des questions cyber, de renseignement et de défense, il a été formé par Yves Bonnet, l'ancien patron de la DST, ensemble ils ont créé le Centre de Recherche sur le Terrorisme après le 11 septembre 2001. Jean-Paul est connu pour avoir identifié et publié les noms des frères Kouachi quelques heures après les attaques à Charlie Hebdo. Il a aussi diffusé pendant des années les identités des djihadistes français ayant rejoint Daesh. Auteur de d'une dizaine de livres, il est professeur de journalisme et a dirigé des Master investigation, renseignement et infoguerre dans des écoles prestigieuses (ESJ, IEJ, CFPJ...)