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Guerre Israël/Hamas

Le Jihad islamique palestinien : l’autre milice gazaouie en guerre contre Israël

Le Dialogue

Synthèse de l’idéologie des Frères musulmans et du dogme révolutionnaire iranien, le Jihad islamique voit le jour à la fin des années 1970. Très rapidement le mouvement islamiste va rejoindre la lutte armée contre Israël. Moins influent que le Hamas à Gaza, le groupe dispose de plusieurs relais en Cisjordanie, au Liban, en Syrie et en Iran.  

 

Dans l’ombre du Hamas, l’autre groupe gazaoui n’en est pas moins influent. Le Jihad islamique palestinien coordonne ses actions avec les brigades Al-Qassem depuis l’attaque du 7 octobre dernier. Reconnaissables à leurs insignes jaunes sur fond noir, les miliciens islamistes ont su s’adapter aux différentes conjonctures. Un temps prônant le mode opératoire terroriste avec des voitures piégés, des attaques kamikazes, le second groupe de Gaza dispose également d’un appareil militaire pouvant cibler directement le territoire israélien. En mai dernier, alors que le Hamas était resté en retrait, le Jihad islamique avait affronté l’armée israélienne pendant cinq jours. En août 2022, un conflit avait opposé le Jihad islamique à l’armée israélienne pendant trois jours. Ce mouvement, méconnu en Occident, est un trait d’union entre les Frères musulmans et le chiisme révolutionnaire post 1979.  

 

Entre Frères musulmans et révolution iranienne 

C’est au lendemain de la Seconde Guerre mondiale que l’organisation frériste, qui a vu le jour en 1928 en Égypte, ouvre sa première antenne en Palestine. Lors de la première guerre israélo-arabe, la confrérie envoie des volontaires rejoindre les factions nationalistes pour lutter contre les organisations sionistes. Mais la défaite de 1948 va porter un coup fatal à l’organisation islamiste. Pour les habitants de Gaza sous contrôle égyptien, ils passent dans la clandestinité du fait de la farouche opposition du président Nasser contre la Confrérie, notamment après la tentative d’assassinat en 1954. Le leader égyptien va mener une réelle guerre contre le mouvement frériste. 

 

En raison de la défaite du nationalisme arabe en 1967 après l’humiliation de la guerre de six jours, l’organisation des Frères musulmans ne cessent de gagner des adeptes. Le mouvement islamiste se cantonne dans un premier temps aux actions sociales, éducatives par le biais des mosquées, des écoles ou des centres culturels. L’action armée, secondaire, viendra après une réislamisation de toute la société.  

 

Mais dans les années 1970, le mouvement frériste palestinien va se subdiviser. Une partie refuse la primauté de l’action sociale et la passivité face à Israël. Influencé par l’avènement de la République islamique iranienne, plusieurs seront partisans d’une lutte armée. Chez certains, l’idéologie révolutionnaire du guide suprême iranien Khomeini va donc supplanter le quiétisme originel des Frères musulmans. Étudiant la médecine en Égypte, le fondateur du futur Jihad islamique Fathi al-Shiqaqi va très vite être inspiré par le dogme de l’ayatollah et écrira d’ailleurs un livre dès 1979 intitulé « Khomeini. La solution islamique et l’alternative ».  

 

La création de cette nouvelle entité est donc la résultante d’une déception au sein du mouvement frériste et d’une fascination pour le changement de paradigme imposé depuis Téhéran.  Les deux penseurs et fondateurs, Fathi al-Shiqaqi et Abdelaziz Awda, vont finalement penser un mouvement hybride. D’obédience sunnite, le groupe va suivre le chiisme politique plus radical tout en gardant une fibre nationaliste. Dès les années 1980, ils créent donc un groupe clandestin intitulé dans un premier temps « avant-gardes islamistes » qui s’imposera dans le spectre milicien palestinien avec comme objectif principal la lutte armée contre Israël. Très rapidement, les cadres du jeune groupuscule vont se rapprocher du Hezbollah libanais, des Gardiens de la révolution et de la Syrie d’Assad ou ils ouvriront un bureau à Damas dès 1989.  

 

Un parti aligné sur Téhéran 

Le Jihad islamique revendique notamment plusieurs attentats à Beyrouth contre la présence américaine et française pendant la guerre civile libanaise. Le mouvement participe activement à la première intifada contre les soldats et civils israéliens, ce qui poussera notamment à la création du Hamas en 1987. Le groupe va également créer sa branche militaire avec la brigade Al-Qods en 1992 Le Jihad islamique refuse catégoriquement les Accords d’Oslo de 1993 et joue un rôle dans l’élaboration d’un front uni regroupant tous les partis palestiniens opposés à l’État hébreu. En escale à Malte, après un voyage en Libye pour obtenir un soutien étranger de Kadhafi, Fathi al-Shiqaqi est assassiné par les services secrets israéliens en 1995.  

Moins puissant que le Hamas, le Jihad islamique bénéficie pourtant de plusieurs relais. Outre Damas, le mouvement islamiste a des antennes en Cisjordanie notamment à Hébron et Jénine, et les cadres du parti multiplient les déplacements à Beyrouth et Téhéran. Avant les accords d’Abraham qui ont acté la normalisation des relations entre le Soudan et Israël, l’organisation gazaoui avait également ses entrées à Khartoum.  

Contrairement à l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas ou au Hamas, le Jihad islamique n’est pas un mouvement de masse, il ne jouit pas d’une assise politique importante et n’a pas vocation à prendre le pouvoir. La milice a uniquement participé aux élections législatives de 1996 Outre sa bipolarisation sur l’échiquier national palestinien, sa principale force réside dans son alliance avec son bailleur iranien. Alors que le parti au pouvoir dans la bande de Gaza avait pris fait et cause pour la rébellion syrienne anti-Assad, le Jihad islamique est lui resté fidèle à l’axe Damas- Téhéran ce qui lui a même permis de recevoir plus de fonds. A ce titre, l’actuel leader du groupe gazaoui Ziad Al-Nakhallah est surnommé « l’iranien ».  

 

Les affrontements de 2019, de 2022 et de mai 2023 ont prouvé que le Jihad islamique était en capacité d’agir seul indépendamment des stratégies du Hamas. Bien qu’alignés dans leur lutte contre l’État hébreu, les deux mouvements n’ont pas nécessairement le même agenda politique. Les deux groupes islamistes sont considérés comme des organisations terroristes en Israël, aux États-Unis et en Union européenne.  

 

Outre l’aide militaire non négligeable de la République islamique iranienne au Jihad islamique, une partie des armes provient de Syrie et de Corée du Nord, une autre partie est fabriquée sur place comme l’indiquait le chef du groupe en mai 2021. « C'est Qasem Soleimani (NDLR : l'ancien commandant de la Force Qods du Corps des Gardiens de la révolution islamique d'Iran) qui a apporté l'idée de produire des missiles à l'intérieur du pays. Tous les ingénieurs du Jihad islamique et du Hamas sont formés par l’Iran », avait déclaré Ziad Al-Nakhallah.