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Ukraine/Russie

Guerre en Ukraine. Pour Sylvain Ferreira : « La contre-offensive ukrainienne fut un mauvais coup marketing » !

Illustration vidnoz
Illustration vidnoz & Adobe Firefly 2, montage Le Dialogue

Sylvain Ferreira est historien militaire spécialiste de l'art de la guerre à l'époque contemporaine. Il anime le blog Veille Stratégique ainsi que la chaîne YouTube Veille Stratégique TV. Sylvain Ferreira est également un contributeur régulier du Dialogue. Il revient, dans un entretien  pour notre chaîne YouTube, sur les raisons de l’échec patent de la contre-offensive ukrainienne…

 

« Un mauvais coup marketing » 

L’historien militaire avait déjà annoncé sur d’autres canaux (depuis le mois d’avril 2023) l’échec de l’opération ukrainienne, contrairement à une contre-offensive victorieuse « vendue » par tous les médias occidentaux comme « un mauvais coup marketing ». Or, les Ukrainiens se sont heurtés à la réalité « des moyens de défense colossaux » déployés par les russes (tranchées, réseaux de barbelés, mines, bunkers, appui aérien, couverture massive d’artillerie…), soit une ligne de défense de 30 kilomètres de profondeur qui couvre tout le front (du Donbass à la région de Kherson). Toute offensive sur ce secteur, avec le déploiement des forces russes en présence, conjuguée à la faiblesse aérienne ukrainienne, ne pouvait inéluctablement pas aboutir à un succès. 

« L’Histoire militaire et cette conjonction de facteurs attestent qu’il n’y avait quasiment aucune chance de victoire pour les Ukrainiens ».  Dès le début de cette contre-offensive, l’armée ukrainienne a perdu l’intégralité de ses véhicules et de son équipement du génie, c’est-à-dire des véhicules hybrides capables de gérer des obstacles, d’ouvrir des brèches dans les systèmes défensifs, ainsi que d’assurer la fourniture de soutien logistique sur le champ de bataille. « Les Ukrainiens n’avaient plus aucun moyen de percer les lignes défensives russes (…) au prix d’un coût élevé en pertes humaines, sans parler des coûts politique et matériel au bout d’un mois de combat ».

 

« Papy fait de la résistance »

Malgré un soutien réaffirmé de l’OTAN et du bloc atlantiste, l’armée ukrainienne doit gérer l’héritage de son système d’armes, dont beaucoup datent de l’époque soviétique. « Si le transport de troupes est assuré par du matériel des Pays-Bas, le matériel américain (les Bradley), les chars Leopard viennent de partout en Europe. Le matériel est donc peu standardisé. Vous avez encore du matériel qui date de l’ex-pacte de Varsovie, sorti des tiroirs des anciens pays du bloc de l’Est, avec des problèmes inhérents à la multiplicité des chaînes d’apport logistique pour fournir les pièces détachées, sans parler de l’entretien. C’est un problème majeur que la Wehrmacht avait déjà rencontré en son temps en 1941-1942 » rappelle Sylvain Ferreira. 

L’armée ukrainienne est confrontée à de multiples handicaps selon l’analyste : 

« L’entretien des moteurs nécessite de faire appel à des mécaniciens issus des pays concernés, parce que les mécaniciens ukrainiens ne sont ni formés, ni disponibles ; on préfère envoyer les forces vives se battre sur le front ». A cela, s’ajoute des difficultés plurifactorielles, à savoir « la formation exigée pour utiliser ces équipements au combat, la barrière à la fois linguistique et technologique. On a en parlé avec les F-16…Les technologies des pays de l’OTAN, des États-Unis sont des hyper-technologies » qui se heurtent à l’obsolescence des technologies héritées des armées du pacte de Varsovie, éminemment plus rudimentaires. A l’instar des canons Caesar, qui sont selon l’historien, de « véritables bijoux sur roues, fonctionnant à merveille en termes de précision et de cadence de tir, mais qui ne sont pas opérants pour les Ukrainiens sur le théâtre des opérations, ni adaptés aux conditions de combat dantesques dans lesquels ils opèrent en Ukraine, à savoir, la poussière tout au long de la période estivale ». 

 

« Relire les grands penseurs soviétiques de l’art opératif pour comprendre la stratégie russe »

Les Russes ont parfaitement su se poster en défense et y rester pour continuer cette stratégie défensive pro-active et d’attrition de l’armée ukrainienne, parce qu’ils avaient bien compris que les Ukrainiens ne pourraient pas se désolidariser de leurs « sponsors occidentaux » et lanceraient durant l’été 2023 cette contre-offensive qui « s’écraserait sur les lignes de défenses russes », reprend l’expert. 

L’Occident a de plus sous-estimé selon lui l’armée russe, « tout comme il l’a fait avec l’armée soviétique avant elle, précisément au moment où l’on a hérité de la vision des anciens généraux de la Wehrmacht en 1945 ». Si les occidentaux ont perçu à tort les « Russes comme de simples barbares », le spécialiste conclut : « On ne peut pas écraser l’armée Russe, héritière de l’armée soviétique avec du simple Wishful Thinking ; c’est pareil au niveau économique ».