Le Dialogue

Le Caire tente de remettre Gaza sur la voie d’un cessez-le-feu durable, tout en alertant sur l’embrasement silencieux de la Cisjordanie

Le Dialogue

Badr Abdelatty, ministre des affaires étrangères égyptien.

 

En multipliant les contacts diplomatiques de haut niveau, Le Caire cherche à reprendre l’initiative dans un conflit qui, malgré les annonces successives de trêves, ne cesse de se raviver. 

L’appel téléphonique entre le ministre des affaires étrangères égyptien, Badr Abdelatty, et le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, s’inscrit dans cette tentative de reconstruire un cadre politique à un moment où Gaza comme la Cisjordanie demeurent plongées dans une spirale de violences.

Une trêve introuvable à Gaza

Plus de deux mois après l’entrée en vigueur théorique d’un cessez-le-feu, le 10 octobre, les combats se poursuivent dans l’enclave palestinienne. Les autorités de Gaza et les organisations humanitaires affirment que les frappes israéliennes continuent de viser des quartiers entiers, tandis que le ministère de la santé du territoire fait état de centaines de morts et de blessés supplémentaires.

Dans ce contexte, l’Égypte tente de convaincre les acteurs internationaux de s’appuyer réellement sur la résolution 2803 du Conseil de sécurité, adoptée en novembre, censée fixer les contours d’une stabilisation du territoire et d’un schéma de gouvernance post-conflictuel. Le Caire y voit un instrument pour restaurer un minimum d’ordre, notamment à travers la mise en place d’un gouvernement technocratique palestinien et la possible création d’une « force internationale de stabilisation ».

Mais les discussions achoppent sur un fait évident : tant que les violations du cessez-le-feu se poursuivent, aucun mécanisme politique ne peut prospérer. D’où l’insistance de Badr Abdelatty sur la « nécessité absolue » d’un accès humanitaire sans entrave, aujourd’hui entravé de manière récurrente par Israël selon l’ONU. Le gouvernement égyptien souligne que le maintien du territoire au « bord de la famine » constitue non seulement une crise humanitaire majeure, mais aussi un obstacle direct à toute recomposition politique.

La Cisjordanie, théâtre d’un basculement silencieux

Si Gaza capte l’attention internationale, la Cisjordanie — y compris Jérusalem-Est — connaît une escalade tout aussi préoccupante, mais plus diffuse. Le ministre égyptien n’a pas manqué d’alerter Guterres sur l’« explosion potentielle » que représente l’augmentation des violences des colons, la multiplication des confiscations de terres et les opérations militaires israéliennes quotidiennes.

En un an, plus d’un millier de Palestiniens y ont été tués, selon les chiffres locaux, et plus de 21 000 autres arrêtés. Pour les diplomates égyptiens, cette situation alimente un terrain qui pourrait rendre toute solution politique encore plus lointaine. Le risque, affirment-ils, est celui d’un conflit à deux vitesses : visible à Gaza, rampant en Cisjordanie, mais convergeant vers un même point d’embrasement régional.

L’affaire de l’UNRWA, symptôme d’un rapport de force plus large

Le récent raid de la police israélienne contre le siège fermé de l’UNRWA à Jérusalem-Est constitue un autre front de crispation. Le Caire, comme d’autres capitales arabes, voit dans cet épisode un signal préoccupant sur l’avenir de l’agence onusienne, pilier historique de la gestion des réfugiés palestiniens. Alors qu’Israël accuse certains employés d’avoir participé à l’attaque du 7 octobre 2023 — des accusations que l’agence et l’ONU contestent —, la question devient un marqueur de la bataille politique autour de la légitimité des institutions internationales dans le conflit.

Le pari délicat de l’Égypte

L’analyse de ce nouvel échange entre Le Caire et l’ONU montre un triple objectif :

Éviter un effondrement complet de la situation humanitaire à Gaza, qui aurait des conséquences directes sur la sécurité égyptienne et régionale.
Contrer l’érosion continue de la situation en Cisjordanie, qui menace d’alimenter un conflit interminable.
Préserver le rôle des institutions internationales, notamment l’UNRWA, dont l’affaiblissement compliquerait encore davantage la gestion du dossier palestinien.

Reste que l’Égypte, malgré sa position stratégique et ses canaux de communication ouverts avec toutes les parties, se heurte à un problème structurel : l’absence de volonté politique des acteurs clés pour s’engager dans un processus durable. Sans un engagement plus ferme des alliés d’Israël et sans un cadre international réellement contraignant, les appels au calme risquent de demeurer, comme souvent ces dernières années, une diplomatie de façade.