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Monde

L’Arménie et les 100 jours du blocus en Artsakh : Grand silence sur le blocus et l’épuration ethnique en cours au Haut-Karabagh…

Le Dialogue

Les gens agitent le drapeau de la République d'Artsakh alors qu'ils manifestent devant le consulat de Turquie à l'occasion de l'anniversaire du génocide arménien lors d'une manifestation organisée par la Fédération de la jeunesse arménienne de l'ouest des États-Unis le 24 avril 2022 à Beverly Hills, en Californie. (Photo par RINGO CHIU / AFP)

A cent jours de blocus total de l'Azerbaïdjan sur Haut-Karabagh (Artsakh), comment justifier encore l’absence intolérable de relais médiatiques dans le traitement de ce conflit ? Ce 21 mars 2023, la route de Latchine, cordon vital qui relie l’Artsakh à l’Arménie est toujours sous le contrôle des forces spéciales azerbaïdjanaises, avec l’accord tacite de la Russie. Le gouvernement français et les instances sont attendues sur ce sujet pour entamer enfin une action humanitaire à la hauteur des promesses énoncées et stopper l’épuration ethnique en cours.

 

La vie de 120.000 civils Arméniens, dont 30 000 enfants, du Haut-Karabakh (Artsakh) est en effet à nouveau menacée depuis plus de trois mois. Sous blocus depuis le 12 décembre 2022, l’enclave du Haut-Karabagh est littéralement asphyxiée dans un silence inconcevable et une indifférence gênante. Une action significative de la part de la France est attendue qui tarde pourtant à venir malgré les promesses faites par le Président de la République Emmanuel Macron lors de la rencontre du 23 janvier 2023 avec les représentants du CCAF (Conseil de Coordination des Organisations Arméniennes de France) en présence d’intellectuels de renom, Sylvain Tesson et Jean-Christophe Buisson en tête. Le Sénat, puis l’Assemblée nationale, ont certes voté à l’unanimité des résolutions condamnant l’Azerbaïdjan et réclamant des sanctions contre ses dirigeants, cependant ces votes n’ont, pour l’instant, été suivis d’aucun effet. Parce qu’elle est engagée moralement, historiquement et culturellement aux côtés de l’Arménie, la France se doit d’agir pour stopper l’épuration ethnique en cours et sanctionner fermement l’Azerbaïdjan. Et cela passe en priorité, en réponse à la gravité de la situation, par une action humanitaire d’ampleur telle que promise par le Président Emmanuel Macron. 

Silence, depuis 100 jours, le corridor de Latchine, seule voie d’accès reliant le Haut-Karabagh à l’Arménie, est complètement fermé sous le prétexte fallacieux que des prétendus militants écologistes azéris mènent une action sur les lieux alors que des enquêtes ont prouvé que les forces spéciales azéries sont sur le terrain.

Silence, depuis 100 jours, l’Arménie et le Haut-Karabagh subissent une guerre à bas-bruit menée par des états révisionnistes qui au-delà de cette région contestent les frontières même de l’Arménie désignée à présent comme « l’Azerbaïdjan occidental », ce qui constitue un non-sens historique en plus d’être une violation de la souveraineté de la république d’Arménie et du droit international.   

Silence, depuis 100 jours, le Haut-Karabagh est devenu une prison à ciel ouvert où au quotidien les habitants manquent de tout, nourriture, vivres et produits d’hygiène les plus élémentaires. L’Azerbaïdjan coupe aléatoirement le gaz, l’électricité, les réseaux internet plongeant dans l’isolement de l’hiver glacial, les habitants de cette région montagneuse où il peut faire jusqu’à -10 degrés. Les enfants ne sont plus scolarisés, les écoles ayant dû fermer par manque de chauffage et de moyens de fonctionnement. 

Silence, depuis 100 jours, les enfants de l’hôpital de Stépanakert sont à court de médicaments et ne peuvent plus être soignés. Quelques-uns seulement ont pu être évacués en urgence vers Erevan par la Croix-Rouge. 200 nouveau-nés ont vu le jour mais quel sera leur avenir dans une région dévastée par la guerre de 2020, et, sans doute, par un nouveau conflit qui se prépare sournoisement ? 

Silence, depuis 100 jours, la population arménienne du Haut-Karabagh se meurt ainsi insensiblement dans l’indifférence de la communauté internationale. 

Alors que la France, l’Arménie et de nombreux pays amis s’apprêtent à commémorer, comme chaque année, le 24 avril 2023, le génocide des Arméniens de 1915, insistons pour que le devoir de mémoire ne dispense pas d’agir pour venir en aide aux Arméniens qui sont la cible d’une nouvelle épuration ethnique au Haut-Karabagh. 

Au cours du génocide perpétré par les Jeunes Turcs en 1915, un million et demi d’Arméniens furent déportés, torturés, massacrés. Dans l’indifférence totale et le silence général. Célèbre écrivain et dramaturge arménien, ancien Ministre de la Culture en Arménie, Pertj Zeytountsian relatait dans sa pièce Le Grand Silence (Medz Lerutjun en arménien) la décapitation de l’élite arménienne, lors du 24 avril 1915, à travers la figure de deux éminents poètes Rupen Sevag et Daniel Varoujan et soulignait le silence qui a entouré leur extermination et avec eux, celle d’une population entière condamnée à la déportation vers les premiers camps de concentration et d’extermination du XXème siècle dans les déserts de Syrie. Le génocide des Arméniens a été reconnu par la France en 2001, et par de nombreux autres pays également. La commémoration de ce premier génocide du XXème siècle ne peut aujourd’hui conserver son sens que dans une optique de prévention pour que de tels crimes ne se reproduisent pas. Or, lorsque le Président Ilham Aliyev déclare impunément que pour les habitants du Haut-Karabagh, c’est « la valise ou le cercueil », à quoi assiste-t-on si ce n’est à la continuation explicitement annoncée du génocide de 1915 ? Agissons afin que de tels propos, renforcés par ceux de Recep Tayyip Erdogan qui désigne explicitement les Arméniens comme « les restes de l’épée », ne conduisent pas au dernier acte d’une tragédie qui n’en finit pas de se rejouer et dont la communauté internationale se rendrait complice, une fois encore, par son indifférence. L’absence de condamnation de l’Azerbaïdjan et de sanctions applicables de la part de la communauté internationale ne peut qu’inciter le dictateur Ilham Aliyev à poursuivre sa politique expansionniste, révisionniste et génocidaire.  Le 22 février dernier, la Cour Internationale de Justice (CIJ) de La Haye, principal organe judiciaire des Nations Unies, a ordonné à l'Azerbaïdjan de mettre fin au blocus du corridor de Latchine, ce qui représente tout de même une petite victoire diplomatique pour l’Arménie. Cependant, Non seulement l’Azerbaïdjan se refuse à exécuter l’ordonnance de CIJ exigeant le déblocage du corridor mais commet régulièrement de nouveaux crimes contre les Arméniens : des tirs journaliers sont rapportés et plusieurs civils ont été tués ou enlevés lors d’embuscades. Silence à nouveau de la part de la France, de l’UE et de la communauté internationale. 

Les intérêts économiques et géostratégiques, les autres conflits qui éclatent aux portes de l’Europe ne doivent pas condamner une nouvelle fois les Arméniens à mourir dans le silence. 108 ans après le génocide de 1915, les Arméniens du Haut-Karabagh ont acquis le droit de vivre en paix sur leurs terres ancestrales. La population arménienne du Haut-Karabagh est aujourd’hui menacée d’épuration ethnique sur son propre territoire. La France, historiquement et moralement, se doit d’intervenir pour la levée immédiate du blocus sur le corridor de Latchine qui dure depuis plus de 3 mois à ce jour et de procéder à l’envoi d’un convoi humanitaire qui démontrera une véritable solidarité en actes envers l’Arménie, sœur de la France.