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Renseignement - Défense - Terrorisme

« Vol au-dessus d’un nid de « coucou ! » … »

ROMAIN LAFABREGUE
ROMAIN LAFABREGUE /AFP

Ce matin-là, nous sommes une petite dizaine à suivre le cours sur les armes de DCA. Pour se faire, nous disposons d’un canon double ZU-23-2 de 23 mm de facture soviétique. La veille, notre imam-armurier, Abou Al Harith as Somali, aura passé une bonne heure pour procéder à son assemblage et quelques tirs de réglage dans une cible en papier à environ deux cents mètres, et une seconde à environ le double de distance, avec deux autres. Ce modèle n’a pas de roues, pour être posé sur une sorte de bèche en acier. 

Fidèle à lui-même, notre formateur, Abou ‘Omar al Djezaïri, nous fais un cours exhaustif sur le sujet. Il nous apprend que ce canon peut très bien être utilisé en dehors du manuel. Pour se faire, il nous donne l’exemple du général Guderian qui avait des canons de DCA (flak) de 89mm. Lors du franchissement des Ardennes, ce dernier constatera qu’aucun avion allié ne menaçaient ses unités au sol. Il aura donc l’idée de faire tirer aux canons de DCA sur les casemates de la ligne Maginot, et les quelques chars croisés en chemin. Plus tard, les ingénieurs de la Wehrmacht développeront le terribles canons anti-char de 89mm. Selon Abou ‘Oamr, une bonne partie de la débâcle des armées française et anglaise tenait au fait que peu d’officiers savaient sortir du manuel. Il insistera sur le fait que bien souvent le sort d’une bataille tient à la capacité d’initiative de ceux qui la mènent, et de la capacité de surprise de l’adversaire. Pour parfaire sa démonstration, il nous dit que ce canon bien placé peut parfaitement ralentir, voire stopper des véhicules blindés dans une vallée encaissée. C’est d’ailleurs ce qu’il aura fait à quelques « kleb chouyou’ioune », « chiens de communistes », lors de la guerre contre l’armée rouge. Il nous était impossible de dire « communiste », sans ajouter « chien » dans la foulée. (1)

Notre cadre avait pour habitude de donner une perspective historique à chacun de ses cours. C’est lui qui nous apprendra que le AK47 était une adaptation du STG44 allemand.

Toujours est-il que nous sommes studieux, assis en tailleur, en prenant des notes. Cela aurait presque un air bucolique avec un prof disposant de graphiques sur un petit tableau à trépied, et des élèves assis dans l’herbe. La formation de Al Qaïda dispensée à Khalden n’était pas du niveau de décérébrés que l’on se laisse imaginer facilement. Par bien des aspects, cette formation était beaucoup plus complète que celle que j’avais suivie lors de mon service militaire, encore obligatoire, dans l’infanterie alpine de la 27ème brigade de montagne. Pourtant, le 159 de Briançon faisait parti de la FAR, Force d’Action Rapide.

Cependant, le mode est très libéral, et chacun peut prendre des notes ou non. Il n’est d’ailleurs pas obligatoire d’écrire. En revanche, lors des essais pratiques des après-midis, mieux valait se rappeler du cours du matin, pour ne pas avoir de ‘ouqouba, de punitions…

Bref, nous sommes presque à la fin du cours quand l’un de nous pose une question loufoque. Il s’agit de Abou ‘Omar al Yemeni. Il faut que je précise le concernant, que je me demandais ce qu’il faisait là, car il était d’une douceur et d’un calme ne souffrant d’aucune exception. Il lève la main et demande :

« Comment fait-on pour distinguer un avion, ou un hélicoptère, allié d’un avion ennemi ? ... »

Un silence s’installe immédiatement à l’énoncé de la question. Dubitatif, Abou ‘Omar al Djezaïri nous demande si ce qu’il vient d’entendre est bien ce que son élève vient de dire… Nous lui répondons que oui en opinant de la tête, avec un sourire que nous avons tous du mal à réprimer, puisque nous avons une petite idée de la réponse…

Celle-ci sera lapidaire, pour être la suivante :

« Dès que cela vole à plus d’un mètre, tu tires ! »

Bien que cela très mal perçu, nous éclatons tous de rire pour cette boutade teintée d’humour « noir fluo ». Nous savons tous que nous ne disposons pas d’avions, et nous constatons que le frangin yéménite « plane un peu » …

 

  1. Je suis toujours étonné de voir en Europe, des militants de gauche, prendre fait et cause pour les islamistes, notamment avec la mouvance des « frères » musulmans. Il semble que pas un seul n’ait lu le « programme » qu’il leur est réservé en cas de prise de pouvoir.