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Monde

La réforme et le confrontation des Frères musulmans

Le Dialogue

Le  groupe des Frères musulmans est une toile d’araignée extrêmement compliquée  où interfère des champs multiples variant entre l’organisation, la politique, l’économie,  la société et l’abus des situations  et les concurrences internationales. Néanmoins son arme la plus tranchante est  celle de la pensée :  elle  abuse de la faiblesse  humaine vis à  vis de la vie  de l’au-delà ;  elle domine l’esprit humain  afin que son  parcours dans la vie d’ici-bas et son  ultime destinée  dans la vie d’après la mort soient le résultat  de sa soumission  aux conseils et à l’orientation  du groupe. Sa présentation  du  « Jihad »  comme l’ultime mode de sacrifice  et la source du  bonheur et  du  repos éternel jouait un  rôle clé  dans les opérations de recrutement des éléments terroristes  et d’actes de violence et  de destruction. Si  dans le préambule de son  Acte constitutif,  l’Unesco proclame que : « les guerres prenant naissance dans l'esprit des hommes, c'est dans l'esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix. », le problème est beaucoup  plus grave lorsqu’il  s’agit d’un  combat contre la mouvance des Frères musulmans: lorsque c’est une organisation, ou  qu’elle devient un groupement terroriste  qui exécute lui-même les actes terroristes ou  à travers ses antennes  lorsqu’il couve d’autres groupes terroristes  ou  forme l’environnement intellectuel  qui secrète des groupes terroristes ou favorise les conditions  favorable à la formation d’éléments isolés. Historiquement  parlant, les activités du  groupe prospèrent  lorsque la société  s’inquiète à propos de son  avenir et manque de réformes économique.  sociale,  politique et  culturelle  qui présentent l’alternative objective et intellectuelle  de confrontation  avec le modèle des Frères musulmans. 

 

L’idée  réformiste  

“Révolution”  et “réforme” sont deux termes qui pourraient paraître  contradictoires ; le premier étant synonyme de « populisme », de « radicalisme »  et de violence  qui fait couler abondamment de  sang ;  le second étant « éclectique » et « graduel »,  il  ne reconnaît ni  le fait de brûler les étapes ni  d’effectuer des bonds spectaculaires. Pourtant le déterminisme historique nous renseigne  que la relation  entre les deux  concepts revient  au  fait   que l’une comme l’autre  portent sur le changement,  le refus de l’état actuel  basé sur  l’immobilisme  ou qui  est  dépassé par la sagesse du  temps.

A  ce propos, il  faut  signaler que nous avons tiré plusieurs leçons de l’expérience occidentale  de la fin  du dix-huitième siècle  qui  nous sont d’un  grand  secours pour  notre vingt et unième siècle.  A  la fin  de celui-là,  la révolution américaine  avait  éclaté pour  se solder par  le renversement  du colonisateur  britannique à l’issue  d’une guerre  sanglante et la naissance  des Etats Unis ;  La révolution  française qui  était  plus radicale  a grondé pour écraser la royauté et être suivie par les guerres napoléoniennes  qui  avaient disséminé  la révolution, la guerre et la violence dans le vieux continent. En dépit de ce désir frénétique de changement  radical, qui a envahi le nord de l’Amérique et  l’Europe, une vive inquiétude envahissait le monde au  sujet des conséquences  qui  en  ont découlé dont le bouleversement des sociétés et la tension  des relations politiques entre les divers Etats. Jouissant  d’un très grand prestige  et  ayant éprouvé le  revers cruel de ne pas pouvoir  rayer le terme « esclavage » de la Constitution américaine,  le deuxième président  des Nations Unies John Adams  a ratifié les « Lois sur les étrangers et la sédition »  qui  interdisent aux révolutionnaires français d’entrer  aux Etats Unis et arrêtent leurs alliés par  l’acte  ou la pensée. Au  lendemain de la défaite de Napoléon  en 1815,  se sont réunies  quatre forces conservatrices en  Europe-  la grande Bretagne, l’Autriche,  la Prusse et la Russie-  suivies plus tard par la France  afin d’instaurer un  système européen -  et effectivement  international-  qui a duré jusqu’à l’éclatement de la Grande Guerre. (Henry  Kissinger a éternisé ce groupement  dans son  célèbre ouvrage « A world restored » ( « Le  monde restauré »).  L’idée pivot sur laquelle les cinq parties étaient tombées d’accord n’était pas seulement contraire ou  hostile à la révolution  mais avait pour nerf  névralgique la nécessité  de la réforme. 

 

La réforme arabe

A  moins que des mutations fondamentales  se produisent dans la pensée, les changements profonds ne peuvent guère avoir lieu dans les sociétés. A  vrai  dire, ce changement  intellectuel a dévasté le monde  arabe  au cours de la dernière décennie  à l’issue du  « printemps arabe »  de la diffusion  des mouvements terroristes dans plus d’un de ses pays et leur  envahissement  de plusieurs capitales internationales aux Etats Unis,  en  grande Bretagne,  en France et  en  Allemagne. Ces pays n’ont pas tardé à  relier entre le terrorisme d’une part et les Arabes et les Musulmans  d’autre part  surtout  après que les vagues des émigrés fuyant l’enfer de la Syrie,  de  l’Irak, de la Libye et  du  Yémen ont envahi  le monde entier. On parlait  de  ce qu’on  a nommé  « l’exception  arabe ». Les pays du  monde arabe qui  avaient  entamé des réformes profondes  se sont rendus compte  que leur  combat contre le terrorisme et les mouvements fondamentalistes- sous leurs différentes déclinaisons et dénominations- serait  impossible sans la réforme de la pensée  religieuse.  Et, pour réaliser  cet objectif,  les pays arabes ayant été  sauvés de ce tsunami ont été  acculés à  suivre des modes réformistes  en imposant aux   institutions religieuses  de passer par une phase de « réforme religieuse » qui  remet en  cause les interprétations rétrogradées des textes  religieux qui  se montrent excessivement rigoristes au  sujet de la femme et des minorités. La  tâche  ne fut  nullement  facile; pourtant, elle  a remporté des fruits  quelques années plus tard  en Egypte,  en  Arabie Saoudite  et  aux Emirats Arabes Unies. Y  furent impliqués des ministères et des institutions religieuses tel  Al-Azhar. Vint  en second  lieu  la réforme de l’environnement économique et social de  manière  à engendrer  un  monde différent. Et,  pour se faire,  les mouvements réformistes  ont profité  de la technologie  sophistiquée pour  accélérer la réalisation  de projets gigantesques dont  des villes ultra-modernes plus réceptives  aux  idées  nouvelles. Ce développement a atteint son  apogée  en Egypte et en  Arabie  Saoudite au cours des dernières années  avec la survenue de mutations fondamentales réussies sur  le plan économique et  au  niveau de la participation  de la femme   et des minorités  dans la vie publique. Du  reste,  on  a procédé  à une redécouverte de  l’identité nationale  à travers  l’exploration  de l’Histoire et  les découvertes historiques  ou  ce  qui  revient en  d’autres termes à ressusciter la dimension  temporelle   de l’Etat dans les temps anciens. 

 

La réforme de la pensée  religieuse

Il  est  courant de rechercher  le mode  de  réforme de la pensée  religieuse  surtout au lendemain  des évolutions effectuées au  cours de ces dernières décennies  où  nous sommes passés du  « fondamentalisme religieux »  extrémiste à  différents niveaux  de violence qui  ont  atteint le soi-disant « ennemi  proche » dans les pays du  monde  musulman et également le surnommé « ennemi  lointain »  dans le reste   des pays  du  monde. Il n’  y a plus ce qu’on  nommait autrefois Dar-al-Islam et Dar-al  Harb et le monde est  devenu  le théâtre d’une guerre  sanglante. La question  est sans  nulle doute épineuse  et complexe.  Néanmoins,  elle est liée en  partie à la nature  même de la pensée  religieuse qui pousse l’homme à  tuer son  frère ,  à l’immoler, à le mutiler  et  à exécuter des opérations kamikazes. Nous ne nous soucions pas  du côté sécuritaire mais plutôt religieux : les institutions religieuses ont-elles accompli  leur devoir par l’explication de la signification profonde  de la religion  modérée. De ma part, j’apprécie le rôle accompli-  déjà  et toujours- par les institutions d’Al-Azhar  et les waqfs  dans le cadre d’une structure  institutionnelle  crée depuis mille ans. Ce qui importe  à vrai  dire c’est que le renouveau-  civil est-il ou  religieux- doive  se produire non  seulement  pour lutter contre le terrorisme. l’extrémisme,  le racisme  ou l’immoralité mais pour élever les capacités de l’Egyptien à penser à  toutes les choses  changeantes de la vie  pour réaliser le progrès  qui représente une grande valeur digne de réflexion  et  d’action. La « réforme de la pensée religieuse »  ne s’effectue pas  par le traitement des fondements religieux mais également par la présentation  d’une pensée civile  qui  ne se contente pas de critiquer la pensée religieuse, de dénigrer la sorcellerie populaire ou salifie ou  mépriser des rites civils arriérés ou  de procéder  à  des comparaisons  avec un monde civilisé pour  nous placer  au  bas de l’échelle  du  point de vue  valeur et  mœurs. C’est  courageux de le  faire sans nul  doute. Mais, de telles démarches n’aboutissent pas au changement  de la société  mais uniquement  à  sa stratification et à  la répartition de sa population  en  différents groupes sociaux différenciés et  hiérarchisés : des riches,  des laissés pour  compte, des avancées et des arriérées, des classes  et  des strates à ne pas en  finir.