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Editos

Crise au Niger : le nouveau revers pour Emmanuel Macron et le jeu dangereux de l’administration Biden [ 1 - 2 ]

Le Dialogue

Pour la France, sa diplomatie et surtout son président, la crise actuelle au Niger est un nouveau revers international après de trop nombreux précédents. Bien évidemment, le récent coup d’État à Niamey profiterait, une nouvelle fois, à la Russie. Or lorsque nous élargissons le focus géopolitique, l’entrée en scène des Américains dans cette affaire démontre clairement que ces derniers cherchent également à jouer un rôle qui serait assurément plus négatif que celui des Russes pour leurs « alliés » français et européens, ainsi qu’africains…

Dans cette première partie, le rédacteur en chef du Dialogue évoque les responsabilités françaises.

Nul besoin de revenir sur les causes profondes et multiples de la crise actuelle au Niger. D’éminents spécialistes des Afriques (mais peu écoutés à l’Élysée et au Quai d’Orsay) les ont très bien expliquées comme notamment, et entre autres, la directrice d’IVERIS, Leslie Varenne, dans une récente et brillante analyse ou l’analyste du Dialogue pour les questions africaines, Olivier d’Auzon.

Certains l’avaient même annoncée dès mars dernier, à l’instar de Bernard Lugan, l’un des meilleurs africanistes français, mais lui aussi ostracisé pour des raisons bassement idéologiques.

Quoi qu’il en soit, aujourd’hui au Niger, hier au Mali, au Centrafrique, au Burkina Faso, la France, les forces françaises et les entreprises françaises sont rejetées !

Or, comme je l’écrivais en mars 2023 dans une analyse intitulée « Vers la fin du pré-carré français en Afrique » et après les énièmes humiliations du président français lors de ses dernières tournées africaines et comme le rappelle aussi justement dans sa chronique hebdomadaire sur Le Dialogue l’ancien député Julien Aubert, « la responsabilité (de ce constat) est d’abord celle du Président Macron, explicitement visé et Paris ne peut s’en prendre qu’à elle-même si elle promène sur le continent africain le même regard naïf que Tintin, le journaliste du Petit-Vingtième, il y a soixante ans ».

En effet, ce nouveau revers du locataire de l’Élysée et de ses équipes peut s’expliquer en deux mots : incompétence crasse et idéologie !

Incompétence notoire d’un président et de son entourage, totalement déconnectés des réalités de l’Afrique et du monde en général.

D’abord, alors qu’il est l’image de la France, Emmanuel Macron, véritablement hors sol, ne connaissant absolument pas les codes des relations humaines, s’est piteusement discrédité auprès des Africains, des dirigeants mais également des peuples. De par son arrogance, ses attitudes et ses manières souvent déplacées, limites indécentes, il a même suscité un véritable rejet voire un mépris haineux dans cette partie du monde où l’on respecte encore la force et la virilité.

De même que, les réseaux sociaux aidant et les jeunesses africaines étant parfaitement au fait de l’actualité française, comment les Africains pourraient-ils encore respecter un président et son gouvernement, toujours forts avec les faibles et faibles avec les forts, et qui, dépassés, ont démontré encore une fois leur absence de fermeté face aux dernières émeutes ethniques qui ont touché la France en juin dernier et qui n’ont cessé qu’après le holà des caïds de la drogue des banlieues et des associations communautaires ?  

Comment pourraient-ils accepter les sempiternelles leçons de morale sur la démocratie, la bonne gouvernance et la corruption de la part d’une « Macronie » qui détient depuis six ans de mandats le record historique de la Ve République dans le domaine des « affaires » avec 18 condamnations, 8 mises en examen et 13 enquêtes en cours ?

Certains aujourd’hui saluent la fin de la Françafrique d’hier mais à présent elle est remplacée par la Russafrique et la Chinafrique !

Certes, les réseaux Foccart et Pasqua sentaient le souffre mais en ce temps-là, la France était au moins respectée. Respect qui est la base de toute politique étrangère efficace…

Et Julien Aubert d’ajouter que « là où Foccart travaillait avec 60 assistants à la cellule Afrique - sans compter les correspondants officieux - et dialoguait en direct avec les chefs d’État, Paris aujourd’hui aligne deux personnes : comment espérer avoir la même qualité stratégique ? S’il fallait chercher un vrai responsable, c’est l’incapacité à traiter l’information et à agir par prévention, plutôt qu’en réaction aux évènements ».

Effectivement, l’ancien député note avec raison que « Le président de la République est réputé peu à l’écoute et aime s’entourer de civils qui ne connaissent du continent que les ambassades et les centres culturels. En témoigne la réforme interne de la DGSE en juillet 2022 voulue (et imposée) par Macron : elle s’est traduite par la suppression de la direction du renseignement et de ses bureaux sectoriels (notamment le bureau pour l'Afrique de l'Ouest) gérés par les militaires, et la création de "centres de mission" (dont un pour le Sahel) piloté par des diplomates, plus préoccupés par les sujets de démocratie, minorités ou féminisme que par la géopolitique ».

Pour exemple, rappelons que le Cameroun avait récemment protesté en juin dernier contre la venue d’un « Ambassadeur français pour les droits des personnes LGBT+ » qui devait participer à une « conférence-débat » sur les définitions du genre, de l’orientation et de l’identité sexuelles à l’Institut français du Cameroun (IFC) de Yaoundé, suivie d’un spectacle animé par des artistes engagés !

Après le coup d’État au Niger, et selon le Canard enchaîné, lors du dernier conseil de Défense, le président français se serait montré furieux envers le patron de la DGSE dont les équipes n’auraient rien vu venir. Or c’est faux, puisque grâce à certaines fuites, on sait aujourd’hui que les militaires et les services spéciaux français avaient bel et bien alerté les politiques et les diplomates de ce risque de coup de force au Niger par des notes qui ont été finalement « snobées » voire ignorées par le Quai d’Orsay et l’Élysée.  

Avec sa colère contre ses services, le locataire de l’Élysée n’a fait que se défausser de ses responsabilités, comme le font les très mauvais manager…

Et oui, en haut lieu, il semblerait qu’on préfère plus se soucier des droits de l’Homme, des droits LGBT ou de la théorie du genre dans le monde que des intérêts stratégiques et sécuritaires français !

Je ne le répèterai jamais assez : les relations internationales ne se résument pas à des questions de com’ (mauvaise de surcroit !), de signatures de contrats commerciaux et encore moins d’idéologie ! C’est aussi et surtout une question de psychologie !

Bref, pour reprendre les mots de Bernard Lugan, si nos hauts fonctionnaires actuels, nos « spécialistes » faisaient plus d’ethnologie que d’idéologie et s’ils lisaient les auteurs anciens cela nous éviterait de persévérer dans les erreurs d’analyse, prévoir et surtout éviter que la France soit aujourd’hui, comme jamais dans l’histoire, totalement hors-jeu en Afrique ou au Moyen-Orient.