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Monde

Burkina Faso : la Tentation de Wagner

Le Dialogue

Une banderole du président russe Vladimir Poutine est vue lors d'une manifestation pour soutenir le président du Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré et exiger le départ de l'ambassadeur et des forces militaires de France, à Ouagadougou, le 20 janvier 2023. Photo de : OLYMPIA DE MAISMONT / AFP .

 

Le Burkina Faso a annoncé le 13 octobre 2023 avoir signé un accord avec la Russie pour la construction d'une centrale nucléaire qui « satisfera les besoins énergétiques de la population », dont moins d'un quart a accès à l'électricité.

Ce pays d'Afrique de l'Ouest est dirigé par une junte militaire depuis 2022 et cherche à renforcer ses relations avec la Russie dans le cadre de sa diversification de partenariats internationaux.

L'accord a été signé lors de la Semaine de l'énergie russe à Moscou, à laquelle a assisté le ministre de l'énergie du Burkina Faso, Simon-Pierre Boussim.

Le document « réalise le souhait du président du Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traore, exprimé en juillet 2023, lors du sommet Russie-Afrique lors d'une réunion avec son homologue russe Vladimir Poutine », indique le communiqué.

L'agence d'État russe d'énergie atomique Rosatom a déclaré dans son propre communiqué que « le mémorandum est le premier document dans le domaine de l'utilisation pacifique de l'énergie atomique entre la Russie et le Burkina Faso ».

Elle a souligné que l'accord posait les bases d'une coopération dans des domaines tels que l'utilisation de l'énergie nucléaire dans l'industrie, l'agriculture et la médecine…

Le document « vient concrétiser le souhait du président du Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, exprimé en juillet 2023, lors du sommet Russie-Afrique, au cours d'un entretien avec son homologue russe, Vladimir Poutine », détaille le communiqué du gouvernement burkinabè. 

 

Fin 2020, seuls 22,5% des Burkinabè (67,4% en zone urbaine, 5,3% en milieu rural) avaient accès à l'électricité, selon des chiffres de la Banque africaine de développement.

Le Burkina Faso est gouverné par le capitaine Ibrahim Traoré, arrivé au pouvoir par un coup d'État en septembre 2022, le deuxième en huit mois, souligne Tanguy Berthemet.

Depuis son arrivée au pouvoir, Ouagadougou s'est éloigné de Paris, partenaire historique et ancienne puissance coloniale, en obtenant notamment le départ des soldats français de son sol en février 2023. Dans sa recherche de nouveaux alliés, Ouagadougou s'est notamment rapproché de Moscou

Pour Tanguy Berthemet du Figaro, le rapprochement entre Ouagadougou et Moscou n’a rien d’étonnant. Le Capitaine Traoré ne s’est-il pas rendu au sommet Afrique-Russie à Saint-Pétersbourg fin juillet 2023 ? 

Et il y a plus, le ministre de la Défense burkinabè, le colonel Kassoum Coulibaly et son homologue, Sergueï Choïgou se sont bel et bien rencontrés à Moscou à deux reprises au cours de l’automne 2023.

 

Par ailleurs, le vice-ministre russe de la Défense Iounous-bek Evkourov ne s’était-il pas rendu à Tripoli, Khartoum, Bamako et Bangui flanqué du général Averianov, le redouté chef du GRU (renseignement militaire), qui passe pour le patron de Wagner depuis la mort « accidentelle » d’Evgueni Prigojine, confie Tanguy Berthemet dans les colonnes du Figaro.

Bien que le Capitaine Traoré ait toujours nié toute intention de s'associer à Wagner, le rôle, les prérogatives et le mandat de Wagner eux-mêmes changent. La mort du chef du groupe, Evgueni Prigojine, en août 2023, a incité le ministère de la Défense de la Russie à tenter de placer les opérations africaines de la société militaire privée russe sous son contrôle.

Or chacun sait que le capitaine Traoré, tout en suivant son « frère malien » dans la dénonciation de Paris, et en congédiant les troupes françaises, s’était pour l’instant gardé de faire appel aux mercenaires russes. « Les Burkinabè sont bien plus hostiles aux armées étrangères que les Maliens, d’où que vienne cette armée », fait remarquer Tanguy Berthemet.  

 

S'associer à une entité contrôlée par le gouvernement russe impliquerait une relation inter-étatique, ce qui est important pour le mouvement pro-souveraineté du Sahel. Les autorités de Bamako, par exemple, désignent toujours le personnel de Wagner au Mali comme des « soldats russes ». 

Pour mémoire, le 31 août 2023, une délégation dirigée par le vice-ministre de la Défense de la Russie, Yunus-bek Yevkurov, avait visité Ouagadougou pour discuter de la coopération militaire et de la formation entre États.

Certains cercles à Ouagadougou pensent également que l'armée russe ne partage pas l'intérêt de Wagner pour les accords financiers. Des sources de la société russe affirment que, en cas de déploiement au Burkina Faso, les opérations de sécurité et commerciales seraient séparées.

L'accord de sécurité AES entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger offre une opportunité à Ouagadougou de s'associer à Moscou sous l'égide d'un accord régional.

Dans ce contexte, le chef de la junte a milité jusqu’au bout pour éviter une intervention extérieure, mais la détérioration sécuritaire Burkinabè pourrait lui faire rapidement changer d’avis.

De fait, plus de deux millions de personnes sont aujourd’hui déplacées par ce conflit qui, depuis 2015, a fait au moins 16 000 morts selon l’ONG Armed Conflict Location & Event Data Project (Acled), souligne Tanguy Berthemet 

Et il y a plus, fin septembre 2023, l’arrestation de plusieurs officiers, accusés de tentative de coup d’État, a puissamment inquiété le jeune officier… 

Dès lors, on l’aura compris, le chef de la junte pourrait-être tenté par l’expérience Wagner