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Editos

John Fitzgerald Kennedy, un grand president… Vraiment ?

JFK-  illustration/Montage
JFK- illustration/Montage Adobe Firefly

Il y a un peu plus d’un mois, le 22 novembre dernier, le monde médiatique occidental « commémorait », durant plus d’une semaine et avec un déluge d’articles et de documentaires dithyrambiques, John Fitzgerald Kennedy et le triste anniversaire des soixante ans de son assassinat, survenu à Dallas le 22 novembre 1963.

Encore six décennies plus tard, « JFK » demeure toujours une véritable idole du « camp du Bien » et pour beaucoup, le plus grand président américain (2e derrière Lincoln dans tous les derniers sondages aux USA, devant même Roosevelt !). Cela vaut également pour nombre d’Occidentaux mais les plus incultes et ceux qui sont obnubilés par la beauté et le glamour, le superficiel en somme et tellement à la mode de nos jours… Or pour les observateurs les plus sérieux, universitaires comme journalistes, surtout américains (dont il faut saluer ici l’objectivité et l’honnêteté intellectuelle), à l’instar du très respecté journaliste Seymour Hersh, auteur en 1997 d’un livre-enquête à charge sur le mythique 35e président américain, la Face cachée du clan Kennedy, « Jack », l’autre surnom du président assassiné, fut plutôt un chef d’État plus que médiocre.

 

Le début du règne de l’image

Le jeune sénateur démocrate du Massachusetts est élu président le 8 novembre 1960 à l’âge de 43 ans. Il devient ainsi le plus jeune président élu des Etats-Unis. Le couple présidentiel qu’il forme avec son épouse Jackie est le plus photogénique, sexy et glamour de l’histoire jusqu’ici.

Et en effet, JFK, héros et blessé de la Seconde guerre mondiale, est terriblement séduisant et possède un charisme indéniable. On ne peut qu’être séduit et l’aimer ! Même De Gaulle, qui en avait vu d’autres, fut conquis (alors que Kennedy fut le plus virulent envers la politique algérienne de la France !). Et c’est logiquement qu’il va devenir le chouchou des intelligentsias occidentales et des médias. D’ailleurs, lors du premier débat présidentiel télévisé, le 26 septembre 1960, il affronte et « écrase » littéralement son adversaire, le candidat républicain, vice-président d’Eisenhower, Richard Nixon, politicien retors, pourtant plus expérimenté et maîtrisant mieux tous les dossiers. La jeunesse (et pourtant Nixon a le même âge !), la beauté, le charme, l’élégance et la prestance quasi magnétique et bien réels de Kennedy font la différence face à un Nixon au physique ingrat, pâle (il sort d’une grippe), mal maquillé, mal rasé, nerveux et qui n’a pas encore compris les nouvelles règles de la communication politique moderne. Or lors d’un sondage effectué à l’issue de ce premier duel cathodique, les téléspectateurs donnent Kennedy largement gagnant alors que les sondés ayant suivi le débat à la radio estiment quant à eux que c’est au contraire Nixon le vainqueur ! Tout est dit ! Le règne de l’image venait de commencer !

De fait, au début des années 1960, la télévision commence à s’imposer comme LE média d’information majeur et quasi instantané. Le 22 novembre 1963, des centaines de journalistes – télé, papier, radio – sont présents à Dallas pour couvrir le déplacement de la légende Kennedy. Et donc les images de l’assassinat tragique du jeune président des Etats-Unis, chef de la première puissance mondiale, leader du monde libre en pleine Guerre froide, vont faire presque immédiatement le tour du monde et marquer fortement toutes les opinions publiques pendant des décennies. Quelques heures après la mort de Kennedy, un homme est arrêté : Lee Harvey Oswald. Mais ce dernier se fait tuer à son tour, deux jours plus tard… Depuis, si le scénario du tireur isolé demeure toujours la version officielle, malgré de nombreuses zones d’ombre et des faits troublants (notamment le fameux film amateur de Zapruder qui sera occulté au public pendant de nombreuses années…), il fait encore débat. Soixante ans après, l’affaire passionne encore et nourrit les théories conspirationnistes les plus folles. De facto, cette fin, digne d’une tragédie grecque ou arthurienne, dans des circonstances jamais vraiment élucidées, va finir de mythifier un peu plus la saga Kennedy, JFK devenant ainsi un véritable martyr du progressisme et du camp du Bien. Et cette mort, véritable choc émotionnel considérable, va largement contribuer aussi à masquer les points les plus sombres de sa personnalité.

Toutefois, au fil des années, des révélations, des études et des enquêtes sérieuses entreprises par des chercheurs et des journalistes, vont peu à peu démythifier la belle icône.

Car en effet, derrière le glamour, l’envers du décor est loin d’être aussi féérique comme nous le « vendaient » et le « vendent » encore certains. De même, certains historiens et spécialistes objectifs et intellectuellement honnêtes en reviennent de la prétendue haute qualité de la présidence de Kennedy… 

 

 

Les vérités historiques derrière le mythe

Nul besoin de revenir dans les détails sur des faits historiques, sulfureux et scabreux, actuellement avérés, autour du clan Kennedy et particulièrement de son chef, le père de John, Joseph Kennedy, riche homme d’affaires catholique d’origine irlandaise et diplomate américain, avec ses accointances nazis, ses liens et ses intrigues avec la mafia qui aurait aidé son fils à être élu en 1960 (JFK remporte seulement 23 États contre 26 pour Nixon et dans les États clés, des fraudes en faveur du candidat démocrate sont aujourd’hui historiquement prouvées).

Nul besoin également d’évoquer la dépendance aux narcotiques de JFK (notamment pour soulager ses douleurs chroniques du dos dues à sa blessure de guerre) et surtout, son infidélité frénétique et sa sexualité compulsive voire maladive, partageant des filles avec son frère Bobby ou d’autres hommes. Tout ceci est à présent de notoriété publique et briserait net aujourd’hui n’importe quelle carrière politique aux Etats-Unis !

Pour autant, ces failles personnelles et ces mensonges ont pesé énormément sur la présidence de JFK, un président plus que médiocres pour certains universitaires et journalistes américains paradoxalement moins fascinés que les Européens.

Lorsque nous faisons le bilan de sa présidence, il y a certes des aspects positifs, mais il y a beaucoup plus de notes négatives qui sont généralement et encore passées sous silence.

Sur le plan intérieur d’abord, avec la déségrégation et la politique sociale. Des analystes affirment que Kennedy a assisté par exemple au mouvement des droits civiques avec une certaine distance. L’historien, spécialiste des Etats-Unis, André Kaspi, le confirme : « Il restait en dehors du mouvement parce que le parti démocrate de l’époque avait une jambe dans les États du Nord, là il y avait plutôt des libéraux, et une autre jambe dans ceux du Sud, où il y avait plutôt des ségrégationnistes. Kennedy, pour être élu, avait dû tenir compte des deux jambes. En revanche, son frère Robert, qui était ministre de la Justice, a patronné les "voyageurs de la liberté", des jeunes gens qui allaient dans le Sud pour s’opposer aux ségrégationnistes. Et, finalement, en juin 1963, quand il a vu comment les choses avançaient, le président a prononcé en juin 1963 un discours qui était particulièrement violent contre la ségrégation raciale. Il faut le lui laisser même si c’est son successeur qui a ensuite fait voter la législation ».

A l’international, il y a d’abord l’affaire de la baie des Cochons. Le 17 avril 1961, la tentative d’invasion militaire de Cuba pour renverser Fidel Castro par des exilés cubains formés et soutenus par la CIA tourne au fiasco et Kennedy s’oppose à une intervention militaire américaine et un appui aérien pour venir en aide à ses alliés cubains. Le Pentagone et les services secrets américains ne le lui pardonneront jamais…

Puis en juin 1961, c’est la première rencontre à Vienne entre Khrouchtchev et JFK. Tous les observateurs s’accordent à dire que ce dernier s’est littéralement fait humilier par le dirigeant soviétique.

Durant l’automne 1962, c’est la crise des missiles à Cuba. Comme le rappelle Seymour Hersh, « à l’époque, Kennedy avait réussi à s’en sortir en héros : il était celui qui avait fait reculer les Soviétiques. Mais pour en arriver là, il a quand même laissé Khrouchtchev, que l’on considérait alors comme un fou dangereux aux Etats-Unis, aller jusqu’au seuil d’une guerre nucléaire. Et, surtout, il avait conclu un accord secret, acceptant de retirer les missiles américains déployés en Turquie et en Italie. Si cela s’était su à l’époque, on y aurait plutôt vu une retraite américaine. Mais le plus fou est que le vice-président, Lyndon Johnson, n’était pas au courant du compromis ».

Certains de ses supporters les plus idéalistes affirment également que Kennedy voulait mettre fin à la Guerre froide. Initiative fort louable certes, à première vue, mais peut-être, dans le fond, irresponsable pour le « Monde libre » (cette terminologie est justifiée à l’époque) devant l’impérialisme agressif soviétique de cette période. Et d’ailleurs, qui n’aurait pas été du goût du puissant complexe militaro-industriel américain et dont l’influence grandissante fut déjà dénoncée par le président Eisenhower lors de son célèbre discours de fin de mandat en janvier 1961…  

Concernant le Viêt Nam enfin. A la mort de Kennedy, c’est Johnson qui hérite de la guerre au Viêt Nam. On connait la suite : 550 000 GI’s y seront engagés, plus de 58 000 Américains y perdront la vie, plus de 150 000 y seront blessés et il y aura entre 1 et 2 millions de Vietnamiens tués. 

Mais suivant l’avis des militaires, c’est Kennedy qui commence a augmenté le nombre des troupes US puisqu’au moment où il a été assassiné, il y avait 16 000 soldats sur place, alors qu’à son arrivée à la Maison-Blanche, il n’y avait au total que 600 conseillers. C’est donc bien avec lui qu’il y a eu un accroissement de la participation militaire, c’était le début de l’engrenage. Avait-il l’intention ensuite d’en sortir ? Nul ne le sait.

Les partisans de JFK disent eux, qu'il se serait retiré du Viêt Nam après l'élection de 1964.

Pour Seymour Hersh : « Kennedy se devait d'apparaître en public comme un héros, c'était son rôle. C'est ce que la presse, le public et aussi sa famille attendaient de lui. Après lui, il y avait Bobby [son frère, nommé Attorney General -l'équivalent du ministre de la Justice - en 1961, puis candidat à la présidence en 1968 lorsqu'il fut assassiné à son tour, ndlr], qui voulait aussi être président. Pour cela, rien ne devait entamer la gloire de Kennedy. Mais quelle sorte de président est-ce là, qui a besoin de paraître dur jusqu'à l'élection ? Avant qu'il ne se retire du Vietnam, combien d'Américains auraient encore été tués, et pourquoi ? »

Inversement, encore une fois dans le contexte de l’époque, celui de la Guerre froide, avec la menace bien réelle du communisme russe et chinois, et même si la guerre fut un désastre car mal engagée et mal faite par les Américains par la suite, fallait-il, là encore et pour autant, abandonner (comme à Cuba lors de la baie des Cochons) les Viet Cong du Sud Viêt Nam anti-communiste et laisser se réaliser un « effet domino » en Asie du Sud-Est et ailleurs ? C’est un autre débat d’historiens…

Enfin, notons que la théorie du complot la plus répandue sur l’assassinat de JFK (notamment dans les films Complot à Dallas, I comme Icare, JFK…) évoque justement, derrière l’évènement tragique de Dallas, une vaste « opé-noire » interne, un véritable coup d’État avec, en coulisses, la main de l’ « État profond » américain de l’époque (CIA, Pentagone, complexe militaro-industriel, FBI d’Hoover, mafia…), conservateur et viscéralement anti-communiste, qui, face à sa réélection inéluctable en 1964, aurait voulu se débarrasser définitivement (comme de son frère Bobby plus tard) de ce « gauchiste incompétent, faible envers l’URSS et totalement dépravé »…

Quoi qu’il en soit, même si les moins naïfs d’entre nous savent pertinemment que même les démocraties ont parfois résolu leurs problèmes politiques par l’assassinat, il n’en reste pas moins que celui du président américain à Dallas, en ce mois de novembre 1963, demeurera encore pour longtemps l’un des plus grands mystères du XXe siècle !

 

En attendant, encore aujourd’hui, dans nos démocraties occidentales progressistes, l’homme est quasi déifié et statufié en dépit de ses nombreux travers. JFK reste toujours une icône mondiale, à l’instar des plus grandes stars du Rock, et son image est intouchable pour la bien-pensance. Depuis, il est même encore un modèle et a ainsi fait des émules avec d’autres fausses idoles politiques que les médias mainstream essaient encore et toujours de nous imposer…