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Arménie / Azerbaïdjan

Arménie-Azerbaïdjan : du conflit séculaire à la paix ? PARTIE 2

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La réaffirmation des principes juridiques comme fondement de la paix

 

Le Conseil de sécurité des Nations unies à 4 reprises en 1993 (résolutions n° 822, 853, 874 et 884) affirme les principes de souveraineté et d’intégrité territoriale de tous les Etats de la région, en particulier la souveraineté de la république d’Azerbaïdjan sur tous les territoires occupés par les autorités arméniennes, le Karabagh y compris, et exprime son soutien au processus de paix initié par le Groupe de Minsk. La France vote les 4 résolutions sans hésiter.

En 2008 c’est l’Assemblée générale des Nations Unies qui appelle dans sa résolution n° 62/243 du 25 avril à respecter et soutenir la souveraineté et l’intégrité territoriale de la république d’Azerbaïdjan à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues, et exige le retrait immédiat, complet et inconditionnel de toutes les forces arméniennes des territoires occupés de la république d’Azerbaïdjan tout en réaffirmant le droit inaliénable des personnes expulsées de ces territoires occupés de retourner chez elles, soulignant la nécessité de créer les conditions propices à leur retour.

Il est à remarquer qu’il n’a pas été question de nettoyage ethnique ni de génocide à propos des azéris…

D’aucuns ont invoqué et invoquent toujours le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes., le mettant sur le même rang que la souveraineté, sinon au-dessus. Cette référence est inappropriée car le droit international distingue l’autodétermination, application légitime et historiquement nécessaire du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, invocable par les seuls peuples coloniaux, de la sécession, illégitime car violant l’unité nationale et l’intégrité territoriale de l’Etat. La résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies n° 2625 (XXV) du 24 octobre 1970 : Déclaration sur les principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats le précise clairement en apportant un complément majeur : la notion de « peuple soumis à la subjugation, à la domination et à l’exploitation étrangère ».

Elle ne constitue pas une autre catégorie de peuple, mais renvoie à des peuples coloniaux en situation particulière (Namibie, décolonisée depuis, et Palestine).

Récemment deux hautes juridictions ont rappelé ce que signifie le droit des peuples. La Cour suprême du Canada en 1998 au sujet de la sécession du Québec écarte le droit des peuples à l’autodétermination au motif que ce droit ne s’applique qu’aux anciennes colonies, dans une situation d’oppression d’un peuple, ce qui n’est pas le cas du Québec (Secession of Quebec (1998) 2 SCR 217).La Cour suprême britannique statue à l’identique en renvoyant justement à la juridiction canadienne : l’Ecosse ne dispose pas d’un droit inhérent à l’autodétermination, celui-ci n’existant que pour les peuples colonisés ou soumis à la subjugation, à la domination ou à l’exploitation étrangère, ce qui n’est pas plus le cas de l’Ecosse que du Québec (Cour suprême du Royaume-Uni, 24 novembre 2022, Reference by the Lord Avocate of devolution issues under the paragraph 34 schedule 6 to the Scotland Act 1998).

Il est important de souligner que l’Artsakh n’est reconnu par aucun Etat, pas même l’Arménie… à l’exception de trois entités politiques elles aussi auto proclamées et non reconnues : l’Abkhazie et l’Ossétie du sud, sur le territoire de la Géorgie, et la Transnistrie, sur le territoire moldave, entités liées à Moscou.

En 2007 la Groupe de Minsk définit une série de principes fondamentaux pour le règlement du conflit, dont le retour des territoires entourant le Haut Karabagh sous le contrôle azerbaïdjanais, la définition d’un statut juridique définitif pour ce dernier, le droit pour toutes les personnes déplacées à l’intérieur du pays et de tous les réfugiés de retourner à leur ancien lieu de résidence (ce qui concerne donc à la fois les arméniens et les azerbaïdjanais), l’ouverture de voies de communication…

Mais les années s’écoulent en vain, car la partie arménienne refuse toute concession sur le Karabagh. Les liens sont étroits entre Erevan et Stepanakert (nom de la capitale de l’Artsakh pour les arméniens, Khankendi pour les azéris), à telle enseigne que deux présidents arméniens sont issus de l’entité séparatiste, qui bénéficie largement de prêts avantageux de l’Arménie. Les autorités du Karabagh développent un discours de rejet des azéris selon lequel la RHK est exclusivement peuplée d’Arméniens et la langue de l’Etat est l’arménien. Des azéris peuvent s’installer mais devront défendre l’indépendance (Harut Topalian, ministère des affaires étrangères de la RHK, 8 avril 2008). Mais l’article 33 de la constitution de 2006 dispose que les citoyens étrangers et les citoyens sans Etat n’ont pas le droit d’accéder à la propriété de la terre, ce qui vise les azéris et empêche son droit au retour.

Les districts occupés constituent des zones tampons mais pas seulement. Ils sont dotés de richesses naturelles : mines d’or, de mercure et de métaux rares (cobalt, nickel et cuivre) et abritent la plupart des cours d’eau. Ces richesses font l’objet d’une exploitation arménienne, à l’exemple de la mine d’or de Vejnali dans le Zangilan depuis 2014 ou de celle de Soyudlu dans le Kelbajar qui depuis 2007 est gérée par une société appartenant à un fonds d’investissement russe. La route Vardenis Martakert est construite pour favoriser l’exportation des ressources.

Mais il faut noter aussi une colonisation agricole financée par Erevan et par les diasporas, composée de familles issues des diasporas, des déplacés et des nationalistes. En réalité l’Etat arménien n’est favorable qu’à une colonisation limitée par crainte de se voir attribuer la commission de crimes de guerre pour colonisation de territoires militairement occupés. Ce sont donc les autorités de l’Artsakh qui sont à la manœuvre, avec des villages réduits et une population peu importante (17 000 personnes), et surtout la volonté de ne pas rendre les territoires occupés manifestée par leur intégration au territoire du Haut Karabagh par la constitution de 2006.

La « révolution de velours » en 2018 (fort peu prisée par Moscou) place aux fonctions de Premier ministre Nikol Pachinian, non originaire du Haut Karabagh. Loin de prôner une réconciliation, il déclare publiquement à Stepanakert en 2019 : « le Haut –Karabagh, c’est l’Arménie, point », fermant ipso facto la porte aux négociations.

L’on comprend dans ces conditions que l’Azerbaïdjan, humilié par la guerre perdue et aux prises avec les nombreux déplacés, se désengage de négociations qui en réalité entérinaient le statu quo pour le plus grand bénéfice des séparatistes et de l’Arménie.