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Monde

Cohabiter avec le monde en trouble

Le Dialogue

Nous lisons souvent que l’humanité vit dans un monde dangereux, de guerres et de conflits. Ou alors, nous lisons que les relations internationales connaissent l’incertitude et l’imprévisibilité. De telles évaluations ont naturellement des effets profonds sur les États, les peuples et les individus. Ces effets les obligent à trouver des moyens de cohabiter avec le monde troublé.

L’une des contributions intellectuelles les plus importantes qui aide à comprendre ce qui se passe dans le monde est l’idée du professeur américain des relations internationales James Rosenau. Il publie - entre 1990 et 2007 - trois livres importants : Turbulence dans la politique mondiale : une théorie du changement et de la continuité en 1990. Le deuxième, publié en 2003, étudie les conséquences de la post-mondialisation et les influences émanant des zones lointaines du centre. Le troisième, publié en 2007, aborde le rôle croissant des individus - acteurs dans les relations internationales.

Rosenau est parti de l’idée de turbulence, qui signifie que le monde est entré dans une phase de changements et de fluctuations imprévisibles, voire incontrôlés. Les situations du trouble peuvent être violentes et de grande portée parce qu’ils conduisent à l’instabilité et au chaos dans la politique des États.

L’observation du comportement des grandes puissances au cours de notre siècle montre leur recours répété à la force pour résoudre leurs problèmes et défendre leurs intérêts. Même si elle viole les principes de l’ordre international (convenus à la Conférence de San Francisco) et la Charte des Nations Unies. Les exemples abondent, notamment la guerre américaine contre l’Irak en 2003 et la guerre russe en Ukraine en 2022.

La puissance militaire et technologique qui s’est répandue dans un grand nombre d’États de la région a conduit ces pays à adopter des politiques de coercition et de force dans leurs relations avec leurs voisins. Citons, à titre d’exemple : Israël, l’Éthiopie, la Turquie et l’Iran.

Rosenau parle de « sous-groupes ». L’accroissement de leur rôle devrait, à son avis, affaiblir les institutions de l’État et les rendre incapables de s’acquitter de leurs fonctions publiques. Par « sous-groupes », l’auteur désigne les organisations religieuses terroristes armées qui ont utilisé la violence pour atteindre leurs objectifs politiques. Ces sous-groupes, souvent transnationaux, ont commis le crime organisé et le trafic de drogues et d’organes. 

Certaines de ces organisations ont des milices et des factions militaires qui contrôlent des parties du territoire du pays en forçant ses habitants à la soumission et à la loyauté. Leur présence ne se limite pas aux pays en développement ou pauvres, mais s'étend aux pays industriels développés, comme en témoigne l'escalade des actes de "terrorisme domestique" aux États-Unis commis par des groupes racistes blancs. L’autre exemple est l'organisation extrémiste annoncée par les autorités allemandes en décembre 2022.

L'état de trouble dans le monde était en gestation dès le début de ce siècle. Les événements de 2022, dont les répercussions se poursuivent au cours de cette nouvelle année, sont venus l’accentuer. Peut-être ces événements représentent-ils un tournant dans le courant de ce trouble mondial. L'année dernière a vu le déclenchement d'une grande guerre européenne que le vieux continent n'avait pas connu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Les retentissements de cette guerre sont nombreux et dangereux : hausse des prix des denrées alimentaires et de l'énergie, augmentation du nombre de personnes déplacées et de réfugiés et baisse des attentes concernant le taux de croissance mondiale. Par ailleurs, l’émergence des effets négatifs du changement climatique aggrave les effets de serre et l’élévation de la température dans des capitales européennes à des degrés sans précédent. De plus, le monde a connu d’autres phénomènes, tels que les incendies des forêts et les fortes pluies de mousson qui se sont transformés en torrents dévastateurs.

Les gouvernements de chaque pays ont essayé de relever ces défis en adoptant des politiques de soutien publique pour freiner la hausse des prix, effritant le pouvoir d’achat des classes moyennes et pauvres. Cependant, le coût de ces politiques reste encore élevé pour la plupart des pays en développement, déjà lourdement endettés et souffrant de faibles taux de croissance économique, ce qui accroît l'importance de la coopération internationale.

En revanche, rien n'indique qu'il y aura une fin rapide aux troubles et les belligérants sur le sol ukrainien ne semblent pas ressentir le besoin d'un cessez-le-feu de sitôt. Les pays occidentaux insistent toujours pour que l'Ukraine envoie des chars avancés tels que le Bradley américain et le Léopard allemand.

Moscou, de son côté, est toujours déterminé à poursuivre la guerre jusqu'à ce que Kiva et les pays occidentaux acceptent les résultats du référendum organisé par la Russie dans les quatre régions contestées, selon lequel ces régions ont été annexées à la Russie.

Nous devons donc cohabiter avec ce monde troublé en cherchant à réduire les pertes, causées par la guerre et les intempéries, mais aussi à les surmonter.