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Monde

Du combat contre les idées extrémistes et terroristes

Le Dialogue

Je suis profondément préoccupé par la résolution  de ce dilemme historique qui  consiste à  libérer, afin qu’elle rejoigne le monde moderne et développé,  une société où la religion  constitue le creuset où se fondent son  credo et son  comportement quotidien. Dans un  précédent  article, j’ai  remarqué qu’à la fin  de la période pharaonique de l’histoire de l’Egypte,  les prêtres de la religion  osirienne  s’étaient étonnés du  comportement des Helléniques (actuellement les Grecs)qui  avaient  afflué vers l’Egypte pour  abreuver de son  ancien  savoir et de ses arts éblouissants. L’un des prêtres résuma ainsi  son  problème avec les nouveaux venus en  disant :  « ils sont comme les enfants : ils n’arrêtent pas de poser une multitude de questions?! »En  fait, la civilisation égyptienne avait  arrêté de poser  des questions sur la vie  et ses incidents à une  époque où l’état du monde était  devenu beaucoup plus compliqué  par  rapport à  ce qu’il était il  y a trois milles ans lorsque l’Egypte a traversé  des périodes de force qui n’avaient pas tardé à  déboucher sur la faiblesse et le bouleversement. L’armée  égyptienne s’était engagée  dans la dernière de ses batailles, en  l’an  186 avant J.C.,  alors que l’humanité  avait accédé à une nouvelle civilisation  marquée par  une constellation d’étoiles : Alexandre le Grand,  l’un des plus grands conquérants de l’Histoire , Socrate, Platon,  Aristote et Epicure  qui brillèrent par leurs idées et  leurs philosophies  ainsi que des dizaines d’autres figures de proue qui n’arrêtaient pas de poser sur  l’univers des questions inédites. Uniquement à  Alexandrie,  fondée par la dynastie lagide, héritière d’Alexandre le Grand, que probablement pouvaient se réunir ce grand nombre de  militaires et de philosophes. Néanmoins, son  histoire s’est  volatilisée avec sa bibliothèque et la recherche scientifique. Ces évolutions historiques remontèrent  dans mon  esprit à la faveur de l’article intitulé : « Le déficit de la curiosité  scientifique » de Gamal  Abd-El-Gawad  où il  fait la comparaison  entre l’état des lieux en  Europe et  en Egypte  au  cours de la campagne française- ce moment charnière  de l’histoire survenu  deux milles années plus tard – et des autres campagnes britanniques qui  l’ont suivie.

Une confrontation  qui  mit en relief la curiosité,  la passion de l’innovation  et l’application  de la science à la compréhension  de la vie et à l’appréhension  de l’univers. Une différence qui  s’est fait sentir  au  contact d’une réalité  basée  sur les axiomes,  les textes et le  mode de vie de nos ancêtres sans considération  aucune des variantes de l’univers et des changements qui  ont bouleversé  autant le temps que l’espace. En  d’autre termes,  ni l’histoire ni  la géographie ont marqué une certaine constance face aux défis scientifiques, à l’excès de vitesse, à  la révolution  du  patrimoine et à l’exploration  de l’espace au-delà  et en  deçà de la planète terre. Deux siècles,  écoulés depuis Napoléon,  étaient placés  sous le signe  de la curiosité,  de la passion de la découverte et de l’application de la science à  toutes les manifestations de la vie ; au  cours desquels  des tentatives ont  été menées en vue de réformer la pensée et de changer la réalité.  Et, bien  que  fût possible d’emprunter les technologies de la civilisation  occidentale- les chemins de fer, l’informatique et l’intelligence artificielle-  cette avidité scientifique,  l’esprit  de création et l’engouement pour  l’inconnu étaient rebelles à  la pensée. Les tentatives de Ali  Abd-El  Razek, de Taha Hussein,  de Hussein  Fawzy et de Salama Moussa n’ont pas tardé à  se dissiper  et restaient en  rémanence les idées de Hassan  Al Banna et Sayyid Qutb. Même après avoir rejeté  leurs idées, demeurèrent, dans l’esprit politique et philosophique égyptien, l’emprise diffuse et influente de  la notion  du  complot et de l’animosité  vouée à l’inimitié de la curiosité  et de la découverte.   Les tentatives de Nasser  au  sujet du nationalisme arabe, de Sadate concernant le nationalisme égyptien  et de Moubarak  au sujet de la veille économique notamment à  ces dernières années  ont déferlé contre l’équilibre  des forces dans le monde de la science,  de la curiosité,  du questionnement à propos des choses les plus élémentaires. Peut-être le président  Sissi est–il l’un  des premiers dirigeants à  avoir soulevé,  et avec courage,  la nécessité de réformer le discours religieux  depuis voilà des années,  alors qu’il se trouvait à l’intérieur d’Al-Azhar. Et il  continue toujours à brandir cet  appel   lancé avant la survenue de ces évolutions importantes au sein même de cette haute compétence religieuse avec la signature du  document intitulé « la fraternité humaine »  en  coopération avec le souverain  pontife aux Emirats Arabes Unis et à la veille de la révolution intellectuelle et rénovatrice en cours en  Arabie  Saoudite au sujet de laquelle des voix réitèrent- sans ambages- que si  jamais Mohamed Abd –El  Wahab  était de retour, il  refuserait la coutume qui s’y  était  installée de bannir  les paroles annihilant  l’esprit et la conscience.

Il  est de vigueur  dans le monde arabe de rechercher le  mode de réforme de la pensée  religieuse surtout au lendemain  des réformes opérées  au  cours des dernières décennies où la  mutation a ciblé « le fondamentalisme religieux » extrémiste  qui a pris des degrés variables de violences qui ont atteint ceux qu’on  surnomma « l’ennemi proche »  dans les pays du monde musulman et « l’ennemi lointain »  dans les autres pays du  monde. L’ancienne subdivision du  monde en  « demeure de l’Islam »  et « demeure de la guerre » n’existe plus.  Tous les pays de  la planète sont  devenus la scène d’une bataille sanglante.  Une  question épineuse et ramifiée liée, en  grande partie,  au type même de la pensée  religieuse qui  pousse  l’homme à tuer son  semblable, à le  brûler vif, à mutiler son  cadavre  ou même  à  exécuter des opérations suicides au  cours desquelles le  kamikaze trouve la mort  aussi bien que les victimes de cette opération. Ce qui  compte ici, ce n’est pas le  côté  sécurité mais plutôt intellectuel  qui pointa du  doigt les institutions religieuses pour vérifier si  jamais elles ont accompli pleinement leur devoir en expliquant l’essence même de la religion modérée. L’effort  déployé  par les institutions d’Al-Azhar  et les wakfs (domaines de l’Etat) s’exerce toujours dans le cadre des limites connues et établies depuis plus de mille ans. Néanmoins,  ce qui  importe- en fait- est que  cette réforme doit  englober l’idéologie autant civile  que religieuse non  seulement pour  combattre le terrorisme  ou faire face aux diverses manifestations extrémistes,  racistes  ou immorales  mais aussi pour mettre en  valeur le pouvoir  de l’homme à réfléchir  à propos de toutes les variables de la vie  et à traiter avec en  vue de réaliser le « progrès » qui représente une grande valeur en soi  méritoire  de toute réflexion  et action. La réforme de l’idéologie religieuse ne passe pas uniquement par  le traitement  des fondements religieux mais aussi  par  la présentation  d’une idéologie civile qui  ne se contente pas de  critiquer la pensée  religieuse ou  de présenter une satire de la sorcellerie populaire ou  salafiste  ou  de reconsidérer  les habitudes familiales arriérées. Une telle comparaison pourrait  être fructueuse au  cas elle se ferait avec un monde développé. C’est ainsi  qu’on pourra y  évaluer le courage-à  titre d’exemple- mais sans le   changer en se contentant de le classer  en  tranches et niveaux  contradictoires : distingué  et roturiers, développés et arriérés,  etc. Tout  observateur de ce qui  se passe dans notre pays se rendra compte que  toute bataille de type « burkini » et « Bikini » qui  y éclate prend  fin  à  la faveur d’une subdivision  sociale et dans l’intérêt  des groupes les plus extrémistes. L’observation  et  l’expérience dans les pays du  monde qui  ont  acquis la prééminence  nous enseignent qu’il  y sévit toujours  l’esprit du complot  et trop de sorcellerie  religieuse et que le début  du changement  s’y  est opéré non  seulement grâce à « la réforme religieuse » mais a émané de «  la science », des «  disciplines scientifiques » et de la « connaissance ». Si les écrivains et les intellectuels intéressés  par cette question  consacrent  une part importante de leurs temps  et une large part  de leurs œuvres à la réflexion  scientifique, à la construction  logique et à la méthodologie scientifique de la recherche  et les relations qui  s’établissent  entre les prémisses et les conclusions et le mode de progrès adopté par  le  monde tout le long des dix milles années passées  dont le point de départ  fut l’histoire  humaine  avec tout ce qu’elle comporte de religions, d’idées,  d’us,  de coutumes et mœurs indispensables à la réalisation  de la paix interne de l’homme  avec son moi  et sa coopération  avec son semblable. C’est ainsi  que  l’Histoire ne se contentera pas de marquer l’ascension  ou  la chute des nations,  aux  conquêtes et victoires d’Alexandre le Grand,  à la gloire de Khaled Ben Walid et à sa conquête de l’Andalousie ou aux invasions de Napoléon  et d’Hitler.  L’Histoire retrace plutôt  le trajet de l’homme de sa grotte  et son périple depuis la collecte des fruits et jusqu’à l’atterrissement  sur  la lune. Cette évolution  date  depuis que l’homme a  posé ses deux pieds sur terre pour sa sortie de l’univers animal et son  approche imminente pour  prendre des moyens de transports  circulant à la vitesse de la lumière,  alors que   cette même personne se proclamait « vieille »  avant  d’avoir atteint  l’âge de trente ans  et que maintenant  elle est encore  jeune à l’âge de quatre-vingt  ans. Une histoire qui mérite d’être contée autant sur le plan  scientifique, technologique ou philosophique.

Autant que l’histoire de l’humanité relate  son  anecdote concernant  son évolution  et son  prestige, autant qu’on trouve uniquement à son intérieur,  et à lui seul,  les anecdotes les plus significatives se rapportant  non  seulement à l’unicité  de Dieux ou  au jugement dernier mais aussi celles qui  traitent du  corps humain et de sa manipulation  ainsi que des lois de la gravité. La fonction de l’histoire  de l’homme et des peuples est qu’elle est  un réservoir d’expériences.  Elles ne se plient pas au  critère du   faux ou  du vrai mais sont recensées d’après leur utilité ou  inutilité. Emettre des jugements de valeur, libéraux ou engendrés par l’expérience des deux derniers siècles  de l’histoire  humaine n’est  pas juste du  point de vue de la fonction  de l’histoire qui  si  jamais nous le surchargeons de critères moraux, politiques ou sociaux,  nous le dénuderons de son  sens pour que l’histoire ne soit plus l’histoire  de l’homme où il  fut esclave des conditions de son  époque, du temps et de l’évolution. L’histoire n’est  non plus le passé  mais également le futur tant qu’elle nourrit  une relation  avec la page temporelle  déjà  tournée  aussi bien  qu’avec l’autre qui  reste à explorer. C’est là  où le  bât blesse : la réforme de la pensée civile doit  être utile  pour la construction  de l’Etat moderne et –franchement- être plus responsable du  progrès de notre société.