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Editos

Le retour de Ramsès II en France : que signifie cet événement pour nous ?

Le Dialogue


Comment peut -on lire ce retour de Ramsès II, le grand roi d'Égypte, 47 ans après sa première visite à Paris en 1976 ?
Cette exposition représente en quelque sorte le retour du cordon ombilical de l’égyptomanie qui liait nos deux pays, l'Egypte et la France pendant ces décennies et qui remonte beaucoup plus loin à travers les siècles. L'affection des Français pour l’Égypte : (l’égyptomanie), s'est toujours accompagnée d'une affection parallèle en retour des égyptiens pour la France, et le choix a été fait de d’ouvrir et de maintenir une voie propice pour le dialogue et la collaboration entre les deux pays, malgré leurs différences. Ce qui se justifie, parce que chacun des deux grands pays est un pilier géostratégique dans l’espace régional de la Méditerranée.
 
Et si notre Egypte représente « l'aube de la conscience », comme l'appelait le célèbre égyptologue Henry Breasted, nous n’hésitons pas à affirmer en tant qu'Égyptiens, que nous considérons la France comme la matrice de l’éveil de la conscience par la Révolution française pour tout ce qu’elle représente dans l'histoire de la libération des peuples et donc de la conscience humaine.
Je rappelle ici les paroles du célèbre arabisant français Jacques Berque sur les motifs de son intérêt pour les peuples arabes, évoqués dans son livre "Mémoires des deux rives" en (1989) .
Jacques Berque dit : « A cette époque, c'est-à-dire à ses débuts dans les années cinquante du siècle dernier, la science de l'orientalisme était dominée par un paradigme qui associe la notion des peuples et celle des races, établi par l'école de James Fraser. C’est-à-dire : une science qui voit ces les gens à travers leurs rituels magiques.
Et cette vision n'était qu'un moyen d'exprimer la supériorité de l'observateur (c'est-à-dire l'Occident) sur les peuples de l'Orient, et le rejet de toute historicité pouvant être attachée à l’évolution de ces peuples. Quant à moi, dit-il, cette historicité est justement ce que je voulais rendre à la vie et aux œuvres de ces peuples ...».
Cette vision de Jacques Berque témoigne de ce qui caractérise les relations que nous voulons entre nous et la France, et exprime nos liens historiques permanents à travers les âges. Bref, c'est une relation basée sur le respect et la compréhension mutuelle de la civilisation et des valeurs de l’autre  et de notre existence historique complémentaire  sur cette terre .
Le retour de Ramsès II en France après près d'un demi-siècle est une occasion en or de restaurer ce qui a été quelquefois provisoirement rompu, ou interrompu pour de nombreuses raisons qui ne peuvent être évoquées ici car nous cherchons ce qui nous rapproche pour développer notre collaboration mutuelle.
A ce propos, peut-être le lancement de l'initiative - prise il y a quelques semaines par plusieurs écrivains et hommes politiques français et égyptiens au Caire, pour ouvrir la porte au dialogue culturel entre eux, serait le précurseur d'un dialogue sociétal approfondi entre les penseurs et les décideurs des deux pays. Ce qui nous permettra – sans doute – de trouver la clé pour comprendre et rouvrir ce qui a été fermé ces dernières années.
Nous avons notre propre expérience face au terrorisme et aux idées extrémistes de l'Islam politique, les leçons de cette expérience sont bien nécessaires à la société Française.
En effet, nous pensons que l'Occident dans son ensemble a autant besoin de notre expertise dans ce domaine que nous avons besoin de celle de la France et de l'Occident dans la construction démocratique d’une société libérale et moderne.
Le dialogue doit respecter les règles affirmées par Jacques Berque en matière de reconnaissance de l'histoire et des valeurs à la fois universelles et spécifiques de chaque civilisation, au profit de l’ensemble de nos sociétés.
Je conclus également en reprenant les mots de Berque, cet homme qui a rassemblé la vénération de l’islam et de la civilisation arabe et islamique, et l’attachement à la religion catholique, aussi bien que l’attachement aux Arabes et à la France en même temps.
Lorsqu'on lui avait demandé comment il aimerait être classé ? Berque avait répondu : « Je suis un combattant pour le rapprochement entre les deux rives, la France et le monde arabe. Ceci est motivé par mon souci de faire comprendre, particulièrement à mes lecteurs français, la vérité sur l'islam et sur ces sociétés, loin des clichés, du fanatisme et des idées toutes faites ou préjugés. »
A mon tour, je lui emprunte cette sagesse, et je dis : Ce souci est aussi le mien.