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Editos

Les momies royales… des secrets déterrés

Zahi Hawas / CRIS
Zahi Hawas / CRIS BOURONCLE - AFP

L’une des plus  grandes découvertes scientifiques de  ma vie  a été  celle de la momie  de Hatchepsout. La  preuve  qui  a tiré  cette  momie de l’anonymat  et  l’a  attribuée  à cette reine de l’Egypte  antique  est cette molaire trouvée  dans un  coffre  en bois portant  le  nom de  Hatchepsout  et où  était  également enfermés  ses entrailles et son foie. Glissé  dans un  scanner, le coffre a montré  un  corps étrange dont l’examen  a prouvé que  c’était une dent molaire sans racines. Plusieurs momies découvertes faisaient  objet d’étude  et l’une d’elles, censé appartenir  à  Hatchepsout, avait  à la mâchoire supérieure une  molaire manquante dont les racines y étaient encore enfouies. Un  relevé  scanner des dimensions  de la molaire a permis  de  confirmer que c’était  la même dent qui  existait dans le coffre  qui  contenait les restes de  la plus célèbre reine de l’Egypte antique. Il est à noter que la mâchoire supérieure en question portait les traces d’une infection due à un  abcès qui  a fait l’objet  d’un traitement  juste avant  sa mort. La reine aurait  été atteinte de plusieurs maladies dont un cancer métastatique avancé aux tumeurs cancéreuses  disséminées à travers la momie et  qui, à  défaut  de traitement,  aboutissaient  immanquablement  à la mort. La plus noble  de  toutes les dames d’Egypte  -c’est la signification même  de Hatchepsout-  souffrait  également d’une  grave  ostéoporose en  raison  d’un déficit grave de  calcium. De plus,  elle  souffrait d’un glissement d'une vertèbre lombaire  et une sensation  douloureuse de  pression sur les nerfs  qui s’est  déplacée  vers les membres inférieurs.  Le scanner a  montré  également que la reine  souffrait d’infection buccale et  d’une obésité signalant  qu’elle  était diabétique.  On  a même détecté une tumeur cancéreuse de deux centimètres  du côté gauche de  la hanche et  une ostéosarcome  et  une anomalie des tissus et des muscles  du côté  gauche.  Une autre métastase  de la tumeur  se trouvait dans une des vertèbres lombaires du bas du  dos, Des découvertes qui  confirment que la reine Hatchepsout  qui  a gouverné l’Egypte -à  son âge  d’or- tout le  long de  vingt  et  un  ans et neuf mois- était  morte de  sa belle mort. Tous les égyptologues étrangers ont  accueilli favorablement  ces arguments basés sur des études scientifiques très fouillées. Etonné,  l’un  des journalistes m’a transmis  la réaction de  l’un  d’eux qui  s’exclamait  sur ce  fait  en prétendant  que les Egyptiens vont  changer  le cours de l’histoire ; et  moi  de répondre : « Si  cette découverte  était l’œuvre  d’un  étranger , la réaction  aurait été  différente  et  on l’aurait  glorifié  mais c’est quand nous , les Egyptiens nous voulons être des pionniers dans le domaine de  l’égyptologie, que nous sommes refusés  comme si nous devions toujours travailler  dans une  équipe hétérogène. » 

Pour ce qui est de Thoutmôsis Iᵉʳ, le père de Hatchepsout, le troisième pharaon de la XVIIIe dynastie  qui a gouverné l’Egypte  durant son  âge  d’or depuis  plus de trois   milles ans, sa  momie se trouve  dans le musée  égyptien depuis 1881  et  elle  a été  découverte par  la famille Abdel  Rassoul  en 1875. Nous connaissons tous  l’histoire de la découverte  de  cette cachette.  Elle remonte aux temps où  l’un des membres de cette famille  de trouveurs  gardait  son bétail  dans le site de Deir el-Bahari  lorsque  l’une  de ses chèvres s’est  éloignée  pour la suivre  et  trouver au  sommet de la montagne un puits  très  profond de  près de quinze mètres de profondeur :   Svelte  comme tous les habitants de la montagne,  il  a pu descendre au  fond  du puits et dégager  la soupape posée  par les prêtres des familles 21 et 22 après avoir  achevé le plus grandiose  des actions dans l’histoire ancienne de l’Egypte,  celui  de transférer les momies  des grands Pharaons de  l’Egypte dans des cachettes pour  les sauvegarder  loin  des actes de pillage  qui s’étaient  répandus à l’époque. Ils transportèrent  également  aux côtés de ces momies les   affaires personnelles de ces rois et  reines jusqu’à l’arrivée  de la famille  d’Abdel Rassoul  qui  a dévoilé le secret. Et  c’est Ahmed Abdel  Rassoul qui  a annoncé la bonne  nouvelle à  sa famille d’avoir  trouvé  ce grand  trésor  derrière le temple de Deir Bahari.  Cette famille n’a pénétré  que trois fois seulement  dans la cachette pour emporter  tout  ce qu’il y avait  de  précieux et le  vendre via le consul  d’Angleterre  en Egypte,  Mostafa Agha  qui vivait  à  Louxor du vol  et de  la vente des antiquités en  Europe. C’est par pur hasard que  Gaston  Maspero était en  visite en  Europe pour voir  certaines des antiquités  égyptiennes en  train d’y  être vendues. Il occupait  le poste de vice-directeur  de  Mariette Pacha le  directeur  du service  des antiquités. Il s’est rendu  compte qu’une tombe  royale a été  dévalisée  et c’est en  rentrant  en Egypte qu’il ordonna la nécessité de  mettre Mostafa Agha sous surveillance à  cause de  ses liens connus avec les trafiquants d’antiquités. Constatant que l’un des membres de la famille Abdel  Rassoul entretenait des relations avec lui, la police l’a arrêté et l’a détenu dans la prison du  gouvernorat  de Qena pour une très longue période ;  libéré plus tard,  il  a rencontré sa famille et lui  a annoncé  combien il  a durement souffert en prison et lui  a demandé  d’avoir la part  de lion du  butin  mais elle le lui  a refusé  suscitant par là  son  courroux contre elle  qu’il s’est  rendu  au commissariat de police dénoncer la place du  trésor des momies.  Ahmed Kamal pacha et Maspero  se sont rendus alors à  Louxor et ont  pris en  charge le transfert  des momies vers le Caire dans  un  cortège magnifiquement  reproduit par  le grand metteur  en scène  Chadi  Abdeslam dans son film «  La Momie » :  il  a montré la tristesse  qui  couvrait les visages des habitants de Al Qarnah  et la détresse  des femmes en deuil comme si  cette procession était de vraies funérailles qui les amenaient  à  leur demeure  éternelle. A l’arrivée des momies au  port  de Boulaq; elles ont été  qualifiées de « poisson  salé » :  à défaut  de la qualification de « momie »  dans le registre des douanes. Ahmed Kamal  Pacha et Heinrich Karl Brugsch  ont examiné la momie du roi  Thoutmosis Iᵉʳ répartie dans deux sarcophages : le premier remonte à la vingt et unième dynastie au  nom de Pinedjem Ier    et  le deuxième à la dix-huitième dynastie. On dit que l’égyptologue français Darcy a pu y lire le nom  de Thoutmosis Iᵉʳ c’est  pourquoi on  a cru que la momie  qui était  à l’intérieur du  sarcophage pourrait lui appartenir.  Maspero avait  pensé-  dans un premier temps- que cette momie était  celle de Pinedjem Ier , mais il a changé d’avis en  1896 après la découverte  de sa momie.  Ce  qui est vraiment  étonnant,  est que cette dernière n’a pas porté un numéro  d’enregistrement   et a été perdue. La question  qui  se pose  maintenant :  est- ce que cette momie est  au  musée du  Caire ? En  fait, son  destin  reste embrouillé,  alors que Brugsch et  Maspero en  avaient pris des photos dont nous disposons.  D’où  l’importance de la mise au point d’un projet égyptien d’étude des momies  qui  intégrera  des jeunes clairvoyants  qui  pourraient plus tard occuper la tête de la mission alors que  l’autorité  égyptienne conservera la responsabilité suprême des antiquités  et loin de tout  conflit d’intérêt  personnel entre les  archéologues. 

Après la découverte de la momie de Pinedjem Ier  -comme      je viens de dire-  Maspero a déclaré que la momie partagée  entre les deux sarcophages était  celle du  roi Thoutmosis Iᵉʳ. Il  arguait  une ressemblance  entre cette momie et celle  de Thoutmosis II et de Thoutmosis III.  Néanmoins, l’étude  a mis en  brèche cet  argument qui  n’était basé  sur  aucune preuve scientifique. Aucune ressemblance  n’existait entre les trois rois. En  1912,  Eliot Smith  a  vaqué à l’étude  de cette momie  pour penser  que la momification  remontait à l’époque ultérieure  à  celle de Ahmôsis Iᵉʳ,  le fondateur de la dix-huitième dynastie du Nouvel  Empire  et antérieure  à  celle de l’époque   du  roi Thoutmosis Iᵉʳ. Il  est  bien connu  que Thoutmosis Iᵉʳ  est  le troisième des rois de la dix-huitième dynastie  et  il est  le père de Thoutmosis II et de la reine Hatchepsout et mort presque  à l’âge de cinquante ans. De nombreuses interrogations ont été soulevées au  sujet de cette  momie  en raison  des conditions de découverte et de la position  des mains des deux côtés  du  corps à l’encontre  de  ce qui était  d’usage  pour les rois  d’avoir  une main ou  les deux sur  la poitrine. De  plus scannée  pour la première  fois, cette momie a  montré  qu’elle appartenait  à un homme âgé  de  trente ans alors que les preuves historiques  ont démontré  que Thoutmosis Iᵉʳ n’avait pas cet âge  à  sa mort. La taille de la dépouille  était de 156  centimètres, elle gardait  le cerveau  et  la position des mains était  des deux côtés  du corps et  non  sur la poitrine. La surprise est  que nous avons découvert la tête d’une flèche  métallique dans le corps de la momie. De  plus,  des preuves indiquent l’existence d’une tumeur dans le  thorax. Le professeur radiologue, Dr.  Ashraf Selim, a effectué une radio  de  cette flèche métallique  ainsi que de la cavité  droite du  thorax qui nous a permis de découvrir que cette flèche a pénétré le  côté du  thorax, Nous avons déterminé  avec précision le point de pénétration  dans la cage  thoracique qui  a abouti  à la formation d’un  caillot de  sang. Enfin, l’équipe  a démontré que la momification n’était pas royale.

Toutes ces preuves démontrent  que la momie  qui  se trouve au  musée  du Caire et  exposée  dans la salle des momies royales n’a aucun  rapport  avec le roi Thoutmosis Iᵉʳ. C’est pourquoi,  nous devons entamer  la recherche de sa momie et  celle perdue de Pinedjem Ier . Moi personnellement je pense que la momie qui  se trouve dans la sépulture du roi Séthi II pourrait être  celle de Thoutmosis Iᵉʳ.

Tels étaient  quelques secrets   révélés des momies royales.