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Politique - Société

Driss Ghali : « Il faut absolument que la France reste la France, quitte à ce que certains me traitent d’extrémiste, ils me remercieront plus tard ! »

Le Dialogue

Entretien avec Driss Ghali au sujet de son dernier livre Français, ouvrez les yeux ! Une radiographie de la France par un immigré, L’Artilleur, 2023.

Diplômé des grandes écoles (Centrale Paris, EDHEC), Driss Ghali est un écrivain politique et un conférencier. C’est un homme d’entreprise qui a traversé le Rubicon pour rejoindre celui des idées et des opinions. Profil atypique, auteur de nombreux ouvrages, il apporte une vision originale, parfois surprenante, des questions contemporaines.  Ses sujets de prédilection sont l’étude de la violence sous toutes ses formes et l’émergence d’un monde post-occidental dont il se plaît à définir les contours possibles. Il intervient au Maroc, au Brésil et en France.

Propos recueillis par Angélique Bouchard 

 

Le Dialogue : Driss Ghali, vous êtes un musulman marocain éduqué en France, vivant au Brésil depuis 10 ans. Vous êtes marié à une brésilienne mais vous revenez au moins deux fois par an en France. Vous dénoncez dans votre ouvrage l'islamisation, l'ensauvagement et l'américanisation du pays. Selon vous, les Français ont renoncé à l'héritage moral légué par les générations précédentes, à la grandeur et à la puissance. Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre ?

Driss Ghali : J’ai écrit ce livre pour deux raisons, l’une est totalement désintéressée et l’autre est absolument égoïste.

Commençons par le motif désintéressé et qui consiste en ma gratitude éternelle et inébranlable envers la France, un pays qui m’a payé mes études supérieures et qui m’a offert une langue, un goût, des habitudes et une sensibilité.  Or, à chaque fois que je viens en France, je ne reconnais plus la grande nation que j’ai tant admirée dans mes jeunes années. Je trouve une société en pleine régression, où les comportements, les valeurs et les goûts se dégradent à grande vitesse. Dans ces conditions, fermer les yeux et se taire serait faire preuve d’ingratitude. Pire, ce serait faire preuve de bêtise. Car si nous perdons la France, nous n’aurons plus où aller. Nous n’avons qu’une seule patrie, c’est-à-dire qu’un seul endroit où notre sensibilité est parfaitement à l’aise « chez elle » et « parmi les siens ». On peut toujours s’exiler à Dubaï ou à Budapest, mais nous y vivrons tous tels des apatrides ou ce que j’appelle des « réfugiés culturels », constamment dérangés par les habitudes des autres et constamment obligés de s’adapter à des mœurs qui ne sont pas les nôtres.  C’est une épreuve douloureuse que je ne souhaite à personne pour l’avoir vécue moi-même à plusieurs reprises. En tout cas, moi, et par pur égoïsme, je refuse de courir ce risque une nouvelle fois. Il faut donc absolument que la France reste la France, quitte à ce que certains Français me traitent d’extrémiste, ils me remercieront plus tard !

 

Starbucks, mineurs isolés, le « wokisme », la disparition des classes moyennes, la tropicalisation…. Vous dénoncez une uniformisation du monde par la médiocrité, qui touche également les brésiliens et les marocains. En quoi la France est-elle devenue une « France-bonsaï » pour reprendre votre expression ?

La France a été rapetissée dans les trente dernières années. Du chêne majestueux, l’on est passé au bonsaï minuscule. Pour construire l’Europe, l’on a taillé les attributions de la France, à commencer par son pouvoir de disposer d’elle-même.  Le pays est géré telle un business unit qui se contente d’appliquer une politique pensée et formulée depuis le siège social, Bruxelles. Ce déclassement se traduit inéluctablement dans le recrutement des élites politiques : l’on est passé des grands hommes comme De Gaulle ou Mendes France à des chaouchs tout juste aptes à retranscrire les directives venues de l’étage supérieur.

Le raisonnement peut être étendu à toutes les sphères de la vie, à commencer par le contrôle du territoire où la France s’est littéralement rapetissée, tel un bonsaï raboté ici et là par les plus de 750 zones dites urbaines sensibles. La souveraineté ne s’exerce plus ou que de manière sporadique dans nombres d’enclaves « libérées », diminuant de fait le prestige de l’Etat et la confiance des populations en lui.  Dites-moi quel préfet serait capable de nos jours d’aller se balader dans une cité ! Probablement aucun. A l’inverse, Lyautey, lui, tenait conseil au milieu des tribus marocaines qu’il venait de soumettre et les obligeait à lui faire un méchoui !

Sur le plan de la diplomatie, des arts et des lettres et de l’économie bien sûr, le chêne majestueux a perdu de sa superbe. Il n’est plus l’arbre le plus admirable de la forêt. Nous devenons comme une sorte de Bulgarie ou de Belgique, pays banals et sans vocation universelle. C’est que la sève ne circule plus dans les veines, nous n’en voulons plus, nous qui avons renoncé à l’excellence académique et à la méritocratie, nous qui avons tourné le dos à notre identité chrétienne pour devenir de simples consommateurs, nous qui avons choisi d’américaniser notre culture et nos mœurs.

Les constats que vous dressez sont d’autant plus accablants que vous décrivez le peuple français comme un peuple d’élite. La France demeure un « phare » pour le monde, car elle lui a offert une synthèse précieuse alliant un haut degré de redistribution à une forte création de richesses ; ce que les américains n’ont pas réussi à faire par exemple. Alors pourquoi en est-on là ?  Quels sont les facteurs de déclin en France ? 

Dans le livre le lecteur trouvera une explication détaillée de ce qui nous a mené à la situation actuelle. Il s’agit en résumé de trois renoncements : nous avons renoncé à la puissance que nous avons assimilé à l’abus de pouvoir donc à l’esclavage, au machisme, au pétainisme, à la colonisation ; nous avons renoncé au peuple en remplaçant les Français par des immigrés auxquels on donne des papiers français et en croyant que cela va suffire à en faire des Français ; nous avons renoncé à transmettre le génie français c’est-à-dire la sensibilité et la manière de penser de nos ancêtres, le lieu principal de cette abdication s’appelle l’école bien entendu.

Quand on cumule ces trois renoncements, l’on obtient l’essoufflement du pays c’est-à-dire la baisse de ses performances culturelles, esthétiques, économiques et scientifiques. Ce n’est pas sorcier : pour rester un peuple d’élite, il faut former des citoyens d’élite. 

 

Vous employez une expression très forte pour expliquer la corruption des élites en France. Selon vous, les élites françaises « urinent dans la source de l’eau pure », c’est-à-dire dans la mémoire du peuple. Quel est donc le message subliminal envoyé aux français par leurs élites ?

Uriner dans la source de l’eau pure consiste à tisser une légende noire de la France en adoptant une lecture malveillante de son histoire. On apprend aux écoliers à détester leur pays donc à se détester eux-mêmes. On leur fait croire que la France a été complice du nazisme, alors qu’elle en a été une victime. Il y a eu plus de deux millions de prisonniers français en Allemagne !  On leur enseigne à avoir honte de la colonisation, alors que la colonisation a violenté d’une main et a rendu service d’une autre. Elle a sauvé le Maroc qui était en voie de dissolution, elle a sauvé le peuple khmer qui était en voie de submersion par les Thaïs et les Viets, elle a libéré les esclaves en Afrique noire, entre autres réalisations. 

Au-delà de l’élaboration d’une légende noire, l’on apprend aux Français à désirer l’impuissance. On leur dit d’une manière subliminale : « quand vous étiez puissants, vous avez abusé de votre puissance en pratiquant l’esclavage et la colonisation, il vaut mieux être faible pour ne plus jamais répéter ça ».

Quand on fustige à longueur de journée Richelieu (le code noir) ou Lyautey (la colonisation), on démolit la figure des grands français qui ont manifesté des vertus exceptionnelles. Bien sûr, ils ont commis des erreurs (de notre point de vue surtout, à l’époque la société avait d’autres critères), mais ils ont aussi servi ce pays avec audace et abnégation.  Nos élites privent les Français d’icônes et de modèles humains qui inspirent les vocations et élèvent les caractères. On leur présente à la place « des petits hommes » insignifiants dans la figure d’activistes ou de joueurs de foot et on leur demande de les admirer. C’est cruel comme supplice. Priver un peuple de ses ancêtres glorieux est une violence, un crime même.

 

Vous décrivez le peuple français comme extrêmement résilient et discipliné. Il subit l’immigration, des vagues d’attentats… Il dépose des bougies… Il paie beaucoup d’impôts pour qu’on lui apprenne par exemple que Richelieu était un « esclavagiste ». Prenons l’exemple du système éducatif français. Comment l’abaissement de niveau peut-il être à ce point accepté à ce point par les Français ? 

Les Français croient au Père Noël ! Ils croient que l’Etat leur veut du bien. En ce sens, ils sont différents des Nord-Africains et des Subsahariens qui se méfient de l’Etat. Les Français, eux, se sont habitués à l’Etat-Providence qui est comme un père ou une mère pour le citoyen : CAF, HLM, chèques-énergie. Alors, quand le papa les invite à sauter du précipice, ils s’exécutent. Cela donne l’acquiescement au grand remplacement par exemple.

La ruine de l’Education Nationale s’inscrit dans ce cadre. 

 

Pouvez-vous revenir sur le phénomène de « tropicalisation » qui touche la France et qui mime les comportements des oligarques sud-américains ? Quels en sont les risques ? 

Nous risquons de devenir une copie du Brésil ou de l’Argentine, c’est-à-dire d’un pays où les oligarques ont carte blanche, où les institutions sont capricieuses et inefficaces et où le peuple accepte les inégalités et l’ultra-violence.

Nous sommes en bonne voie.

Voyez comment les grandes entreprises traitent leurs clients. J’ai été récemment dans un hôtel Ibis parisien où la réceptionniste m’a engueulé parce que j’ai osé demander un oreiller ! Voyez le sans-gêne des banques qui imposent des frais de gestion des compte tout à fait abusifs.  Cela a lieu parce que des oligopoles voire des monopoles se sont formés, permettant aux actionnaires d’imposer leur loi aux clients. C’est exactement ce que vit l’Amérique Latine depuis les années 1980 sous l’impulsion des grandes familles qui détiennent les médias, la distribution de l’eau, les services de bus, les banques, le BTP etc. 

Les institutions ne sont pas en reste et se tropicalisent à leur tour. Voyez la dégradation affligeante des débats à l’Assemblée Nationale : il ne manque plus que d’en arriver aux mains. Voyez la dégringolade de la qualité des services publics. Voyez surtout le mensonge éhonté que pratique le gouvernement actuel sur tant de sujets : les ministres et le président se contredisent en permanence et « racontent des histoires à dormir debout » avec un aplomb incroyable. Souvenez-vous de Sibeth Ndiaye qui fustigeait le port du masque en 2020…

Quant au peuple, il accepte sans se révolter la hausse des inégalités ainsi que l’ensauvagement. Je n’ai jamais vu une manifestation contre les salaires des joueurs du PSG ou contre le laxisme des juges. 

Ce qui nous sépare des pays d’Amérique Latine, ces cousins éloignés de l’Europe, est une question de degrés et non plus de substance.

 

Enfin, selon vous, Les français reconduisent scrutin après scrutin des responsables politiques qui organisent leur sortie de l’Histoire par l’immigration de peuplement et l’abdication de la souveraineté au profit de l’Union Européenne. Pensez-vous qu’à l’instar du maréchal Lyautey, qui a restauré la fierté grâce à l’union nationale marocaine, que ce sont les immigrés qui redonneront confiance aux français en la grandeur de leur pays ?

C’est mal parti ! Les immigrés qui parlent et qui sont incités à parler par le système médiatique (France Télévisions, France Inter etc.) sont ceux qui veulent précisément la ruine de la France. Je commets une généralisation car j’opère une coupe franche ici, mais la réalité est malheureusement ainsi dans 90% des cas.

Lyautey était un étranger au Maroc mais aussi et surtout un grand monsieur : un homme bon et fort. La question à se poser est pourquoi nous ne produisons plus assez d’hommes bons et forts chez les Français de souche et chez les immigrés ?

Peu importe la couleur de peau du sauveur, il faut d’abord qu’il soit capable de nous sauver. Or, je vois beaucoup de commentateurs et d’amuseurs publics et peu d’êtres d’exception. 

Vous savez, les immigrés proviennent en général de civilisations malades, comme la civilisation maghrébine, empêtrée dans le sous-développement et la corruption. Je vois mal un renouveau de ce côté-là, mais un grand homme ou une grande femme peut toujours surgir de l’endroit où on l’attend le moins.

En ce qui me concerne, je serai à sa disposition avec mes maigres ressources. Et que Dieu compense mes faiblesses car il est absolument hors de question de laisser mourir la France !