Accueil recherche MENU

Économie - Énergie

Comment nous réconcilier avec la réalité de notre planète ?

Le Dialogue

Des gens roulent dans une rue de l'écoquartier Courrouze, le 31 août 2022 à Rennes. Réputée pour son climat tempéré mais rattrapée par le réchauffement climatique, Rennes mise sur des îlots de fraîcheur et de verdure pour rendre plus supportables les épisodes de chaleur, à l'image de son éco-quartier de La Courrouze. Photo : LOÏC VENANCE / AFP.

Comment effectivement reconnecter l'humain à la planète ? On trouve la réponse dans l’ouvrage « Manuel de la grande transition »[1] qui est un travail d'écriture de 110 personnes. Comment transformer notre façon de penser et d’agir pour la transition écologique et sociale, et donc l’éducation et la formation qui l’accompagnent ? Comment accompagner les institutions et les enseignants dans cette révolution nécessaire de l’enseignement supérieur en France ?  

La transition énergétique est un enjeu majeur et un défi inédit posé aux générations actuelles et futures. La préservation de notre planète et du vivant sous toutes ses formes impose un nouveau paradigme : une manière d’agir et de penser le monde de manière radicalement différente de ce à quoi nous avons été jusqu’ici culturellement habitués. Pour appréhender ce changement profond ainsi que la complexité des enjeux qui sous-tendent la conduite de la transition écologique et sociale, l’éducation et la formation sont indispensables. Il s’agit d’accompagner les acteurs de l’enseignement supérieur et de l’éducation dans cette transformation en leur fournissant des outils théoriques et pratiques innovants.

Il faut savoir que l’utilisation des « technologies, filles des révolutions industrielles, soulève deux questions cruciales et connexes de ce point de vue : leurs émissions de gaz à effet de serre (et donc leur rôle dans le réchauffement climatique) et l’épuisement des ressources fossiles, minérales ou combustibles, utilisées pour les mettre en œuvre ». S’y ajoute le « problème des dégâts sur les écosystèmes », tandis qu’il n’est pas certain que « les systèmes techniques nous fassent passer le cap du 21e siècle ». Ainsi, le concept de « transition énergétique », devenu « sujet technologique, économique et politique en vogue » doit être appréhendé dans un cadre plus large qui comprend en plus des technologies un écosystème plus large comprenant des institutions et des hommes.

L'énergie peut être définie comme la manière de comptabiliser la transformation de la matière. C'est important à l'heure de l'Anthropocène, parce que c'est très exactement ce qui s'est passé avec notre révolution industrielle. L’histoire d'énergie est celle de l’Homme qui transforme son environnement. Ainsi, un humain moyen, c'est 130 watts, en puissance. Et donc quand on produit un effort, ce sont quelques centaines de watts de plus. On voit également que la puissance des machines utilisées par l’Homme dépasse largement celle de 130 watts, ce qui signifie que l’Homme d’aujourd’hui vit au-dessus des capacités de son écosystème, qu’il épuise par une consommation démesurée du stock d’énergie disponible.

C’est pour cette raison qu’il est très important de repenser les relations entre la matière et l’homme. Et on voit une chose qui est très importante, c'est que pour structurer la matière et le vivant, c'est la matière qui est structurée, c'est-à-dire qu'il s'agit du vivant végétal ou animal. Pour structurer de la matière, il ne faut pas simplement de l'énergie, mais une énergie de bonne qualité, de grande qualité. On peut prendre l’exemple d’une plante. On la met avec l'éclairement du soleil ou bien on la met dans un placard fermé, mais avec un petit radiateur qui lui fournit la même énergie. C'est la même quantité d'énergie, mais ce n'est pas le même écosystème. Dans un cas, la plante va se développer et dans l'autre cas non. 

Donc, c'est vraiment le fait qu'on a une énergie de grande qualité qui a contribué au développement, d'abord, de la vie. En restant sur ces questions d'énergie et de qualité, il se trouve qu'à l'heure de la révolution industrielle, finalement, l’être humain est le seul animal à avoir eu accès à une source d'énergie qui, en l'occurrence à l'époque était le charbon et puis plus tardivement, le pétrole. Et cette énergie, contrairement à l'énergie solaire qui est un flux, représente un stock. 

Et la grande différence, c'est que quand vous avez affaire à un stock, la quantité d'énergie que vous pouvez dépenser, finalement, dépendra uniquement de la taille du tuyau que vous mettez dans le guidon, pour dire les choses d’une manière schématique.

On constate alors qu’au moment de la révolution industrielle, cet accès à un stock d’énergie a permis l'augmentation de la population. Pour rappel, avant la révolution industrielle avec un apport d'énergie qui était solaire et ensuite, l'être humain arrive à taper dans un stock d’énergie. On voit effectivement cette grande différence, lorsque brutalement il dispose d’une source d'énergie tout à fait abondante. 

L'Anthropocène, au bout du compte, c'est quoi ? Pour le physicien, c'est le moment où les humains ont eu une quantité d'énergie disponible telle qu'il leur est devenu possible de brasser la matière qui reste à l'échelle même de la planète. Cela n'était pas possible tant qu'on n'avait pas, effectivement, ces énergies de stock que sont le charbon et le pétrole. 

La situation actuelle est la suivante. En fait, avec un flux, il est impossible d’avoir de divergences de consommation d'énergie. Quand vous avez un soleil, on ne peut pas brutalement se dire : "J'aimerais pouvoir momentanément disposer de 15 soleils." Non. Tandis qu'avec l'énergie de stock, cela dépend du diamètre du tube avec lequel vous prenez cette énergie. Et donc, vous pouvez parfaitement diverger et utiliser des quantités d'énergies beaucoup plus importantes. Et c'est exactement ce qui s'est produit. Ce qui fait qu'aujourd'hui, alors que nous sommes, d'un point de vue biologique, à des puissances, d'à peu près 130 watts pour un adulte. Eu égard aux usages, que ce soit le transport, l'apport de nourriture et tous les services, on fonctionne plutôt deux ordres de grandeur au-dessus, donc on est totalement désencastrés de notre réalité biologique et cela a été rendu possible par les énergies fossiles. 

Sur le plan macro-économique, on ne peut que constater que l’augmentation de la consommation de pétrole au cours des années d’après-guerre est très fortement corrélée avec la croissance du PIB. Pourquoi ? Simplement parce que le PIB, aussi imprécis soit-il, c'est quand même une mesure des transformations de la matière à l'échelle d'une nation. Donc c'est effectivement la comptabilisation de la transformation de la matière. 

 


 


[1] Cécile Renouard, Rémi Beau, Christophe Goupil, Christian Koenig (sous la dir.), Manuel de la grande transition, Les Liens qui Libèrent, 2020.