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Monde

Les projets de réinstallation en Libye

Le Dialogue

Dans cette vue aérienne, la vieille ville de la capitale libyenne Tripoli est photographiée le 7 juin 2023. Photo : Mahmud TURKIA / AFP.

 

La Libye est un pays sur la côte méditerranéenne du nord de l'Afrique  avec une longueur des côtes de deux milles kilomètres  et une profondeur de 2000  kilomètres au  milieu du  Sahara. Elle entre en  contact avec les trois plus larges pays du sud du  Sahara pour assurer la liaison  entre le centre,  l’ouest et  l’est  de l’Afrique: le Tchad,  le Niger  et le Soudan. La majeure partie de la Libye est un  désert aride mais riche en  trésors naturels :  pétrole,  gaz  et métaux précieux.  La densité  de sa population  est trop faible.  Jusqu’aux années soixante-dix du  siècle dernier,  elle était l’un des pays les plus pauvres du  monde.

A  l’encontre de ce qu’en  pensent certains, l’Occident,  avec à sa tête les États Unis,   ne s’intéresse pas à la Libye  en raison  de son  pétrole. La Libye   ne produit  et n’exporte qu’une faible quantité  de pétrole  qui  est loin d’influencer  en  quelque sorte le marché  international  de pétrole. C’est la raison  pour laquelle les États Unis,  suivis par le Royaume Uni,  n’ont pas hésité le moins du  monde, au  cours des années quatre- vingt  du vingtième siècle  à cibler le secteur du  pétrole  en imposant des sanctions draconiennes sur sa production  et son  exportation  et ont interdit les compagnies européennes occidentales de traiter  avec le secteur pétrolier  libyen. Cet  état des choses a perduré  jusqu’à la fin des années quatre-vingt-dix. Et, lorsqu’au  cours de la dernière décennie  le bandit  et chef des milices Ibrahim Jadran-  qui avait imposé  son  emprise sur la région  du croissant  pétrolier  au lendemain  de la  catastrophe de 2011-  avait été autorisé à  stopper la production  et l’exportation  pour deux ans  et également  le gaz, les pays occidentaux  n’ont pas remué le petit  doigt ;  par contre, il a été très largement soutenu qu’il  a reçu  la visite d’un  grand nombre d’ambassadeurs et  l’envoyé spécial  des Nations Unies ;  Bien plus,  l’occasion  lui a été offerte  d’accorder une entrevue  d’une heure à la chaîne satellitaire CNN.  Peut-être le pétrole libyen  est-il important  pour  un certain  nombre  de pays européens mal  vus par l’Amérique à l’exemple de l’Allemagne et l’Italie mais il  n’est  d’aucune importance  pour les autres pays  européens.

Si les Occidentaux sont tentés par la Libye,  c’est plutôt par sa grande superficie s’étendant  au sud  de la  méditerranée et  par son  sous-peuplement. C’est pourquoi, elle a été utilisée  comme base arrière  pour  sécuriser le sud de l’Europe. C’est la raison pour  laquelle  elle a été occupée par les Romains alors qu’elle présente un  territoire difficile et sans ressources qui  n’offre  pas des conditions de  vie convenables.  Ils ont été précédés par les Grecs et  suivis  par les Vandales. De plus, le conflit  y  a éclaté  entre les Phéniciens et les Romains  pour devenir un véritable  champs de bataille,  Ces époques successives ont  laissé leurs traces et leurs vestiges  dans bon nombre  de villes libyennes historiques à travers leurs arts et leurs cultures dont Leptis, Cyrène et Misrata. Plus tard, la Libye  a connu  l’invasion  des Espagnols afin  de sécuriser les royaumes  francs au sud- ouest  de l’Europe. Les chevaliers de Saint-Jean « l’ordre  du temple »   s’y  sont installés après leur  défaite en Palestine. Les pirates ottomans s’étaient  abrités dans leurs différentes oasis sur les côtes pour se protéger des pirates européens pour les occuper plus tard et les annexer  aux propriétés de l’État  ottoman.

Au lendemain  de la conférence de Berlin (1884-1885)  qui  porta sur le partage et la division  de l’Afrique entre les colonisateurs. La Libye est devenue une propriété italienne, Le roi  Emmanuel  envoya alors une force  brute et déchaînée  pour s’emparer  de la Libye  après qu’elle a été  vendue par la Turquie  selon le Traité  de Ouchy  ou  de Lausanne  en  Suisse, le 3  octobre 1912. En  vertu de  cet instrument  international,  l’État ottoman  s’est retiré  de la Libye et a abandonné  son peuple désarmé  face aux Italiens  après avoir obtenu  des millions de lires italiennes. 

Tout au  long de la première moitié du  siècle dernier, la Libye a été un théâtre important au  cours de la première  et  de la deuxième  guerres mondiales  et elle fut  maîtrisée  à  tour de rôle  par les alliés et  les pays de l’axe.

La Libye est, dans sa majeure partie, un  désert où  les superficies étendues de sable contredisent les vagues de la méditerranée. Pourquoi  donc cette ruée et  ce conflit international  à  son sujet ? Et,  pourquoi des milliers de victimes  européens ont trouvé la mort  sur son  sable ? La seule solution  probante est l’importance de sa position géographique qui  sécurise les côtes sud de la méditerranée  et permet, par conséquent,  de bâtir  une ligne de défense  fortifiée pour l’Europe  qui  constitue la base de civilisation de l’Occident !

Cette situation  est justifiée par  le fait que la première guerre qui vit l’engagement des Etats Unis en  dehors de leurs frontières  est la guerre qui  s’est déroulée  à Derna  et  dans la régence de  tripoli (1801-  1815). En dépit  de leur défaite subie par les forces maritimes  de  Tripoli, la capture   de la frégate Philadelphia, l’arrestation  de leurs soldats et officiers survivants, en  1805, la signature par les Etats  Unis d’un  traité de paix avec Yousouf Karamanli Pacha  le wali  de Tripoli et le paiement de la rançon en  contrepartie de la libération  des soldats américains  et  de l’entrée  des navires américains dans la méditerranée, les Marines américains entonnent ce chant tous les jours de bon matin  à  bord de toutes les flottes américaines et leurs bases disséminées à travers les océans et les mers : «  Prenons la direction  via les côtes de Tripoli ». 

A  travers toutes les époques historiques,  les Européens comptaient  sur la présence  permanente de leurs forces au  sud de la méditerranée   pour le sécuriser. C’est  pourquoi, lorsque l’Occident  a été acculé, sous la pression soviétique, à accorder l’indépendance à la Libye,  il a choisi   d’y  avoir ses bases militaires,  les plus grandes se trouvant en  dehors de l’Europe ! 

De  nos jours, les conditions  politiques et sécuritaires  ont connu une mutation  profonde  que  l’occupation directe de la Libye  est  devenue impossible,  Non que le comportement  et les mœurs des Arabes  ont  changé mais parce que le conflit  international se manifeste  sous  un nouveau visage. L’Occident  a opté plutôt  pour  le projet du  chaos créatif  dans la région  qui lui  a permis de détruire les pouvoirs nationaux et de les remplacer par des pouvoirs fantoches qui ouvrent la voie  à sa présence absolue  dans les pays   qui sont tombés sous ses griffes et  à  y  agir à  sa guise !

Néanmoins, l’Occident ne peut pas garantir  la pérennité d’une telle situation  ni non  plus y tabler pour  construire une stratégie  de sécurisation  de longue haleine du  sud de l’Europe.  C’est pourquoi, il  est  pour  l’application  d’un plan en  deux volets :

Le premier  serait pour  la partition de la Libye et sa division  en  micro-Etats fragiles  de manière à pouvoir y  étendre son  emprise et  d’intervenir aisément  dans leurs affaires. 

Le second  consisterait à  créer un nouveau  micro-Etat dont la population  serait  formée de non-libyens parmi  les colonisateurs étrangers  dont la souche reviendrait à  ce qu’on appelle les migrants illégitimes.

L’on  pourrait être accusés  par ceux qui  ne sont pas suffisamment  avertis  de l’histoire libyenne  que nous sommes des adeptes de la théorie du  complot  ou  que nous vivons dans l’illusion ! ou  qu’il  serait impossible de parler  de réinstallation avec l’évolution  politique au  niveau international ! Tout  cela est  dit bien  que nous   vivions  effectivement  et dans toute la région  le martyre du  complot qui  n’est plus un plan nourri  dans les cercles de renseignements occidentaux. 

L’histoire récente nous  informe qu’une grande opération  de  réinstallation s’est  déroulée en  Libye depuis presque  cent ans.  Le  colonisateur italien  a procédé surtout à l’époque fasciste à la plus grande opération  de génocide et  de déplacement  forcé de la population  libyenne de toute la côte. Au  cours d’une opération  sale  les habitants du  mont vert et de Barka ont été  écroués  dans de véritables camps d’extermination dans le désert  de Agheila, Suluq  et El-Magrun et le reste a émigré  vers l’Egypte. La puissance coloniale a fait venir  plus de deux cents colonisateurs italiens et  leur a octroyé  des terrains cultivables  ainsi que tous les outils de production. La côte libyenne et ses villes sont  devenues une patrie  italienne. Un  gouvernement  - constitué par  ces éléments- y  a été créé. Il  avait à  sa tête le  général Italo Balbo  et tous ses membres étaient des Italiens.  La juridiction  toute entière était  italienne  y compris les notaires. L’enseignement  se faisait  uniquement en italien  et dans des écoles italiennes  avec l’interdiction  d’ouvrir des écoles arabophones. Les Libyens qui restaient  en Libye étaient  contraints à étudier dans les écoles islamiques ou soufies  qui  connaissaient des règles rigides. Peu  d’émigrants en  Egypte ou en  Tunisie  sont parvenus à  recevoir l’éducation  convenable. Le rapport d’investigation  envoyé par  les nations Unies à la fin des années quarante du  siècle  dernier signale que le nombre  de Libyens  éduqués ne dépasse pas quelques dizaines. Le commerce se faisait en monnaie  libyenne et le reste des Libyens avaient le statut  de résidents illégitimes. Les colonisateurs demeurèrent en  Libye jusqu’à  être évincés par  décret  révolutionnaire en 1970.

Qu ;est-ce qui  empêche les Occidentaux  d’ installer des colonies d’émigrants africains ou asiatiques en  Libye   surtout du  côté sud qui connait  une dépopulation  rapide à cause du  pouvoir des milices liées à l’étranger   au  cours de ces dernières années ? Surtout que les conditions de  vie sont  devenues trop  difficiles voire  impossibles dans les villes et  villages du  sud   de manière à  contraindre la population  à se déplacer vers le nord. On  énumère  à  cet effet, l’absence totale des moyens de vie, la coupure d’électricité pour  des semaines et non  pour quelques heures, la rareté  de carburant, la hausse exorbitante des prix, la détérioration  complète  des services de santé  et  de l’éducation  et la suspension, pour des années,  du  transport  aérien et autres. 

Un  simple regard jeté  sur  le volume des personnes déplacées  des villes et villages du  sud vers le nord  nous présente une image obscure  de la situation actuelle et dessille les yeux de ceux qui  ne se rendent  pas compte que la réinstallation expresse   est  une modification de la carte de la population  en  Libye et  une consécration  d’une réalité effective qui  n’est  plus de l’ordre des appréhensions. 

La colonisation  est  une menace qui  guette  la présence même de la Libye en  tant qu’Etat arabe et  musulman  ainsi que celle de la population libyenne. Pourtant ce danger n’est  pas exclusivement  libyen. Ses répercussions se feront indubitablement  sentir  en Egypte, en  Tunisie et  en Algérie.