Le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg (à droite) et le président ukrainien Volodymyr Zelensky assistent à une conférence de presse conjointe en marge du sommet de l'OTAN à Vilnius le 12 juillet 2023. Photo : PETRAS MALUKAS / AFP.
Juste avant le sommet de l’OTAN des 11 et 12 juillet, à Vilnius, capitale de la Lituanie, les 30 chancelleries se sont activées pour négocier les derniers accords dudit sommet. Et profitant du contexte de la guerre en Ukraine, l’OTAN, c’est à dire les États-Unis, vont imposer de nouveaux plans d’actions dit régionaux, demander une augmentation des moyens donc des budgets. Et les pays de la ligne de Front : Pays Baltes et Pologne, vont insister pour obtenir une plus grande présence militaire et notamment aérienne. Enfin, la vraie question qui s’est posée, au-delà de l’anecdotique passage de Volodymyr Zelenski, est bel et bien la question du calendrier et de la forme que doit prendre l’admission future de l’Ukraine dans l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord.
Ace titre, Bruno Tertrais, Directeur Adjoint de la Fondation pour la Recherche Stratégique, vient de signer une petite note dans les papiers de la Fondation pour la Recherche Stratégique (Note 14/23 datée du 19 juin, 2023). Après avoir rappelé les différents principes de garanties qui pourraient être apportées à l’Ukraine : positive, négatives, verbales, ou inscrites dans un traité, et fait un rapide rappel des accords de Budapest par lesquels les puissances nucléaires (États Unis, Chine, Russie, France et Royaume Uni) , garantissaient la sécurité de l’Ukraine en échange de son abandon au profit de la Russie de son arsenal nucléaire soviétique, Bruno Tertrais s’interroge sur la forme que pourrait prendre l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, adhésion qu’il juge, in fine, inéluctable (il utilise ici le faux ami anglais « eventually » qui ne veut pas dire éventuellement, mais bien comme il l’utilise ici : en fin de compte).
Bruno Tertrais, qui reconnaît que cette adhésion prendra du temps, s’interroge sur la forme intermédiaire que pourrait prendre la garantie occidentale (USA + Europe) car il est bien évident que à court terme, et au moins tant que la guerre durera, l’Ukraine ne pourra pas rentrer dans l’OTAN.
Fort de ce postulat, il envisage deux solutions :
- Une garantie verbale émise par tout ou partie des 30 membres de l’OTAN. Il est intéressant de noter que Bruno Tertrais s’interroge sur la possibilité de tenir un langage fort et crédible à 30, alors qu’il me semble que c’est plutôt sur la durée que ce message aura un problème de crédibilité. Autrement dit, combien de temps, les Américains, et donc l’OTAN, pourront soutenir l’effort de guerre ukrainien, surtout si le sort des armes ne leur est pas favorable.
Combien de temps resteront ils solidaires, alors que le temps long, joue pour la Russie.
- L’opportunité que créerait un cessez le feu (durable) d’offrir de manière plus ou moins formelle une extension des article 42,7 du Traité de l’UE, ou de l’Article 5 du Traité de l’AN.
Tout cela est très bien, mais ce qui est particulièrement frappant dans la note de Bruno Tertrais est qu’il ne prend absolument pas en compte la position russe, pour qui l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN est clairement la cause la plus vraie (pour reprendre la formulation connue de Thucydide) du déclenchement de l’Opération Militaire Spéciale.
C’est bien autour de cette question que se négociera fondamentalement l’accord de paix entre Russes et Américains, dont les Européens ne seront que les témoins passifs et inutiles. Car en vassalisant notre volonté et nos moyens, nous avons abandonné toute possibilité d’être les conducteurs de notre destin, et de celui de notre continent.
Et en attendant qu’un « honnest broker » mette les belligérants face à face, ce sont de jeunes Ukrainiens, et de jeunes Russes, bref de jeunes Européens, qui se font tuer dans une guerre fratricide, ultime étape du grand suicide européen…