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Editos

Mon premier professeur: le Maître docteur

Zahi Hawas / CRIS
Zahi Hawas / CRIS BOURONCLE - AFP

J’ai  déjà raconté des histoires, dans mes anciens articles, portant sur maître  Mamoun le gardien  du  musée de l’art  islamique. J’ai  expliqué  comment il  y a sacrifié  sa vie et combien je me souviens toujours de ces belles et splendides anecdotes que j’ai vécues  avec  un grand    nombre d’ouvriers,  de gardiens et d’administrateurs  de musées qui  sont presque irremplaçables. Tous,  ils m’ont accompagné  tout le long  de ma carrière professionnelle  jonchée de découvertes archéologiques  ou m’ont  côtoyé  dans les musées ou  dans les bureaux d’administration  archéologique. Ces autorités  portent en Egypte le nom de « L’inspection des sites archéologiques ».  Malheureusement  cette junte n’a  pas reçu son  dû  par une gratification méritoire. Ces hommes resteront pour  toujours les soldats  inconnus, les héros de l’épopée  des découvertes archéologiques.  Toujours l’archéologue maître d’une découverte  donnée  gagne une grande  renommée  alors que ces hommes restent toujours dans l’oubli.  C’est pourquoi, il nous  incombe de manifester de la gratitude à leur  égard  en expliquant  le rôle  qu’ils ont  accompli  de même qu’en  honorant les grands ouvriers et porteurs qui ont  accompli  la charge de transporter  les  statues et les sarcophages géants  soit en les déplaçant à l’intérieur même du  musée ou  des lieux de leur  découverte vers le  musée. La première  question que se pose le  visiteur  du musée égyptien  est  comment ces monuments gigantesques,  statues, sarcophages et tableaux, ont été déplacés des lieux déserts où ils ont  été  découverts. En  fait, une magnifique histoire se cache derrière  chaque statue ou sarcophage du  musée. L’histoire d’une œuvre grandiose  dont le personnage clé  sont des ouvriers analphabètes  mais dotés  d’un  génie et d’une intelligence innée hérités à travers les siècles depuis le temps de leurs ancêtres les pharaons les artisans de la civilisation. Des histoires qui malheureusement  n’ont  jamais été écrites. Le  meilleur  moment de toute ma vie après celui  des découvertes est  celui de voir ces ouvriers et porteurs,  faisant la queue et montant l’un  derrière l’autre  sur la tribune pour être honorés  alors que tout  le monde applaudit chaleureusement  leurs dons. Depuis 2002,  le Haut Conseil  des antiquités adopte  une nouvelle politique  en  ce sens en honorant  ces rands hommes qui  ont vécu  dans l’ombre et  qui-sans eux-  il  n’y aurait jamais eu  de découvertes  archéologiques  ou de  livres d’histoire. Je me souviens  du  premier jour de mon  travail - il  y a déjà  quarante ans -  au Service des antiquités - qui  se trouvait derrière  le musée  égyptien- lorsque j’ai  trouvé un haut fonctionnaire qui avait  pris sa place à  l’entrée du bâtiment où les employés signaient leur présence  en train  de noter les noms des absents.  L’interrogeant sur la raison  de son  acte, il  m’a répondu qu’il  notaient les noms des employés qui  signaient  présents pour leur collègues absents pour présenter une plainte contre eux.  C’est  à  ce moment-là  que j’ai  juré de  ne pas continuer à  travailler dans ce service. Mais mon destin avait  un autre mot  à dire et me suis aussitôt  trouvé  dans le site de « Kôm Abou Billou » où j’ai  rencontré  un maître ouvrier nommé « Docteur »  comme marqué sur  son  acte de naissance. Les ouvriers l’appelaient « patron docteur » Un  homme simple qui ne savait ni  lire  ni  écrire mais à  vrai  dire, il  méritait  bien son nom : il  était expert dans le domaine des fouilles archéologiques et de la  restauration  des monuments.  Un art  difficile à  apprendre par la lecture des livres mais nécessite une expertise acquise  sur les sites même. Le patron docteur  savait comme le fond de sa  poche  tous les détails des fouilles qu’il  est capable de repérer le  lieu  d’une tombe et  d’en extraire les pièces archéologiques sans les endommager  par une simple égratignure. Il  a tout appris de son  père et  de son grand père qui  faisaient  partie de la première  génération d’archéologues. Ils ont  acquis leur  expérience sur les sites les plus célèbres. Ils appartiennent  tous à  la Haute Egypte,  de la ville de « Faqt »  du gouvernorat  de Qena.  Ce patron docteur est  mon  premier professeur  qui m’a appris l’art  des fouilles et  de la restauration des monuments. C’est  grâce  à lui que je me suis passionné pour les antiquités. Repose en  paix mon  cher professeur «patron  docteur » !