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Afrique

Le Niger : une ancienne civilisation réduite à un morceau de la mosaïque géopolitique africaine [ 1 - 2 ]

Le Dialogue

Un homme est aperçu à l'extérieur de l'aéroport international Diori Hamani de Niamey, le 22 septembre 2023. Photo : AFP.

 

 

Le 26 août 2023, le gouvernement putschiste du Niger a décidé d’expulser du pays les ambassadeurs de France, Sylvain Itte, et ceux d'Allemagne et des États-Unis. Cette décision a marqué un nouveau tournant anti-français et anti-occidental au Niger. Notre chroniqueur revient sur les raisons et les origines de cette crise qui a progressivement germé depuis des années et qui pourrait encore “contaminer” d’autres pays.

 

Alors que la crise au Niger risque d'évoluer vers une guerre avec les autres pays-membres de la CEDEAO, les relations diplomatiques du Niger avec ses voisins pro-occidentaux et la France semblent pour l’heure anéanties par la décision risquée du gouvernement putschiste de couper avec Paris. La junte militaire de Niamey ne peut toutefois vraisemblablement plus trop compter en ce moment sur le soutien des miliciens du groupe Wagner, en pleine phase de reprise en main par le Kremlin. De ce fait, pour se défendre, les putschistes de Niamey misent sur l'alliance militaire croissante avec le Mali et le Burkina Faso, également dirigés par des juntes anti-françaises et anti-occidentales. Précisons aussi que la Guinée, où d’autres putschistes ont renversé Alpha Condé, ainsi même qu’une partie des forces du Soudan soutiennent également les putschistes nigériens. 

 

Il y a aussi des forces ennemis des putschistes au Niger lui-même !

Déjà, depuis un mois (9 août 2023), la précédente ministre d'Etat du Niger Ag Boula a créé le Conseil de la Résistance pour la République (CRR) afin de soutenir le président défait et mis en résidence surveillée, Bazoum. Dans le même temps, le gouvernement putschiste s’est structuré. Ali Mahaman Zahine dirige le gouvernement en tant que premier ministre depuis le 8 août. Il a été nommé en même temps que l’arrivée d’une délégation de CEDEAO, rejetée par les putschistes au même moment exactement où l'envoyée américaine, Victoria Nuland, également très activer en Ukraine, un faucon, traitait avec les putschistes, bien que personne ne sache qui a promis quoi exactement… Il est vrai que la diplomate Nuland s'est presque spécialisée dans les relations avec les nations situées à la frontière entre l'empire russe et l'empire américain...Il suffit de penser à l’Euromaïdan, la fameuse révolte contre le président ukrainien “pro-russe” d’alors Ianoukovitch, fidèle à Poutine, en 2013-2014, qui a débouché sur la crise actuelle. Cette fois-ci, la plénipotentiaire américaine se retrouve face à face avec les putschistes nigériens anti-occidentaux compagnons de route du pouvoir de Poutine et du groupe Wagner, et cette fois, loin de trouver les portes grandes ouvertes comme auprès des rebelles antirusses ukrainiens de 2013, la négociation s’est avérée pour elle plus difficile que jamais avec un pays qui entre clairement dans l'orbite des pays satellites ou “associés” à la puissance russe. Sa tentative de négociation paraît presque impossible, au même titre que celles entre, d’une part Niamey et, de l’autre, l'Union Européenne et la France, tous perçus comme des “ennemis” du nouveau Niger.

 

Quid de Macron ?

Aujourd’hui, la France de Macron ne semble plus soutenir clairement une intervention militaire de la  Cedeao, contre le Niger, contrairement à quelques semaines auparavant, tandis que l’Amérique de Biden et Blinken a tenté de son côté une négociation plus diplomatique que la position moraliste macronienne (qui demande le retour de Bazoum dans ses prérogatives présidentielles), afin de préserver leurs intérêts directs dans la région... La Nigéria et l'Algérie, les principaux acteurs impliqués, optent eux aussi pour la voie diplomatique. Aussi selon des analystes européens et africains faisant autorité, il est clair que la partie occidentale devra soutenir la position de la  Cedeao, mais en associant le plus possible la demande du retour de la légalité politique au Niger, à une renégociation - avec un Niger plus ou moins remis sur un pied d'égalité, dans le cadre d’accords gagnant- gagnant (win-win) - tant des conditions d'extraction et de vente de l'uranium et de l'or, que du rôle de chaque partie dans la tâche de construire les infrastructures manquantes dans le pays afin de redonner sa dignité à la population pauvre du Niger. Au moment où nous écrivons ces lignes, l'ultimatum donnés aux putschistes du Niger par les pays de la Cédéao a expiré et la négociation diplomatique apparait désormais comme la seule alternative à une énième guerre annoncée dans la région mais dont la menace paraît plus dissuasive que réelle. 

 

La situation au Niger et sa genèse historique.

La situation chaotique de ces dernières semaines au Niger n’est pas surgie de nulle part ni de maintenant mais elle vient de très loin, prenant ses racines dans l'histoire et les erreurs d'une colonisation forcée et d’une influence post-coloniale trop eurocentrée. Ainsi, l'origine de la crise n'est pas seulement la pauvreté et la corruption séculaires et endémiques du pays, un pays si pauvre qu'il n'est même pas en mesure d'élaborer un budget pour le second semestre de chaque année sans l'aide extérieure et occidentale, maintenant remplacée par l'aide russe  vraiment « spéciale” et probablement d’autres pays non-occidentaux (Chine, Turquie, etc).

 

Un aide “spéciale” 

Le Russie en Afrique est en plein essor, d’après ce qu’a déclaré la représentante de l'administration Biden, Victoria Nuland, à la suite des coups d'Etat survenus au Soudan, au Burkina Faso, au Mali, et maintenant au Niger, puis après la disparition d’Evguéni Prigogine, lequel, en vue des élections présidentielles russes de 2024, se préparait probablement à succéder à Vladimir Poutine, au Kremlin, comme Jules César le fit il a deux mille ans en Illyrie, avant de régner sur la Rome antique. De plus, il est à préciser que les putschistes nigériens sont prêts à prendre le contrôle des mines d'uranium du Niger et donc à se substituer aux Français, ce qui passerait par le fait de devoir attaquer les mines pour en prendre possession, faute d’accords nouveaux renégociés avec Paris et en cas de pourrissement de la situation.

 

Le “remplacement colonial”

On pourrait ainsi définir de cette manière le fait que la puissance coloniale française est progressivement remplacée par la puissance russe. Le colonialisme précédant, qui a exacerbé les âmes de la population et rompu le lien sentimental avec la France et l'Europe, doit être en fait distingué en deux phénoménologies parallèles: d'un côté, il y a les erreurs politiques de la France qui a voulu imposer un postcolonialisme paternaliste humiliant et envahissant sans s'occuper sérieusement de sortir le Niger de la pauvreté et de tenter de créer une réelle coopération avec l'Europe, notamment pour ce qui est des infrastructures minimales nécessaire pour bâtir tout pays évolué et civilisé, et qui font encore défaut au Niger.

 

L'Afrique pour les Africains !

“L'Afrique pour les Africains” est devenu non seulement le slogan des révoltes et des coups d'Etat en Afrique, mais aussi une exigence objective face à l'irresponsabilité politique post-coloniale française. Au Niger, en effet, il manque des routes, des ponts, des voies ferrées, des aéroports, des centrales électriques, des réseaux d'électricité et d'eau, et une gestion des terres qui respecterait mieux l'environnement et la population du Niger. A présent, c'est par conséquent aux Nigériens de les construire et nous saluons dans ce sens le choix fait, le 8 août 2023, par un premier ministre nigérien et économiste très bien préparé, et non pas par un “fixeur” russe, américain ou français.

De même, le respect de l'identité locale et de la culture d'origine et des traditions est à actualiser par une évolution équilibrée, efficace et durable du pays, chose qui faisait défaut du côté européen et français depuis des décennies.

Le Niger manque en effet cruellement d'écoles et d'universités adéquates, en particulier d'écoles élémentaires, ceci en sachant que, parallèlement à ce vide, les écoles coraniques intégristes naissent et se répandent. Du côté occidental, le Niger était considéré comme un fief et non comme un État libre et indépendant. D'un autre côté, ce n'est pas le Niger en tant que nation qui s'est développé, mais le pays comme fruit du colonialisme économique financier le plus nuisible et impitoyable des multinationales françaises et européennes : des puissants qui arrivent par hélicoptère au Niger et uniquement pour faire des affaires néo impérialistes, et qui laissent le Niger en total désarroi. 

 

Un pays majoritairement très jeune : 49% de la population.

De nombreux jeunes francophones du Niger ont aujourd’hui moins de 15 ans, compte tenu de la croissance démographique exponentielle de l'Afrique centrale. Parmi ceux qui arborent des pancartes à l'étrange écriture : “w Poutine”, beaucoup croient, naïvement et donc sincèrement à l'utopie d'un avenir de liberté, de progrès et de démocratie qui serait garanti par la Russie, comme futur principal partenaire du Niger…. Malheureusement, la réalité n'est pas si positive, car celle de la Russie, oligarques et Gazprom compris, correspond en fait, cela est utile de le rappeler, à un néocolonialisme féroce, certes déguisé avec les habits de la solidarité tiersmondiste anti-occidentale comme au temps de la guerre froide… N’oublions pas en effet que l'uranium produit au Niger, l'or, le pétrole, les vastes ressources naturelles, sont la vraie motivation de Wagner et de Moscou, et que ces ressources passeront simplement d'un maître étranger blanc à un autre maître étranger tout aussi blanc, voire plus…, sans parler de l'aide militaire russe, qui, loin d'être désintéressée, vise à construit un fief africain pour la Russie, l’idée étant d’utiliser l’armée et les miliciens russes comme jadis les prétoriens de la Rome antique.