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Ukraine/Russie

Dernière analyse du général Pinatel sur la guerre en Ukraine

le Général (2s) Jean-Bernard
le Général (2s) Jean-Bernard Pinatel

The Economist[1]avec la lucidité et le cynisme légendaires des britanniques, prend acte de l’échec de la contre-offensive et commande à l’Union Européenne de se préparer à une guerre longue.

The Economist est un magazine d'actualité  britannique fondé en 1843 par James Wilson et détenu par la famille Agnelli avec une participation des familles Rothschild, Cadburry et Shroders. Il est considéré comme un des plus influents hebdomadaire dans le monde occidental. Il vient de publier, vendredi 22 septembre 2023 sous la plume de sa rédactrice en chef Zanny Minton Beddoesun article intitulé « Time to a rethink » qui est un modèle du genre car il met fin à un an et demi de mensonges occidentaux sur une victoire rapide de l’Ukraine et appelle désormais à penser une guerre longue[2].

Tout ce que j’ai écrit et proclamé depuis 18 mois, me faisant qualifier de pro-russe, est inscrit noir sur blanc dans l’article de ce magazine britannique qui témoigne une fois de plus de la lucidité courageuse britannique mais aussi de l’acharnement historique de l’Angleterre à bâtir et diriger des alliances contre la puissance dominante en Europe : Au XIXe siècle contre la France de Napoléon, au XXe contre l’Allemagne de Guillaume II et d’Hitler, aujourd’hui contre la Russie de Poutine.

Le constat est amer mais lucide : « la contre-offensive ne fonctionne pas. Malgré les efforts héroïques et les violations des défenses russes près de Robotyne, l’Ukraine a libéré moins de 0,25% du territoire occupé par la Russie en juin. La ligne de front de 1000 km a à peine changé. L’armée ukrainienne pourrait encore faire une percée dans les prochaines semaines, déclenchant l’effondrement des forces russes fragiles. Mais d’après les données des trois derniers mois, ce serait une erreur de miser là-dessus ».

Dans l’indifférence générale, prenant le contre-pied de tous ceux qui à Washington et en Europe prennent leurs désirs pour la réalité, le général Christopher Cavoli, commandant en chef de l’OTAN devant la commission des forces armées de la Chambre des représentants[3] avait pourtant rétabli la vérité du terrain dès le 3 mai 2023 : « The Russian ground force has been degenerated somewhat by this conflict, although it is bigger today than it was at the beginning of the conflict.”  “The Air Force has lost very little, they’ve lost 80 planes. They have another 1,000 fighters and fighter bombers,” “The Navy has lost one ship.

 

Face à cette dure réalité de la guerre, The Economist suggère des réajustements pour ne pas dire une rupture totale avec ce qui est fait depuis 18 mois. 

Je cite : « Le premier rajustement à faire est militaire. Les soldats ukrainiens sont épuisés ; bon nombre de leurs meilleurs soldats ont été tués. Malgré la conscription, il lui manque l’effectif nécessaire pour soutenir une contre-offensive permanente à grande échelle. Il faut trouver des moyens et changer la donne. »

Le second est économique : « L’économie ukrainienne a diminué d’un tiers et près de la moitié du budget de l’Ukraine est payée avec de l’argent occidental. Dans une étrange maladie hollandaise en temps de guerre, la devise, la hryvnia, s’est renforcée alors même que les investissements privés ont chuté. Avec environ 1 million de personnes portent les armes et des millions ayant fui le pays, les travailleurs sont rares ».

Le troisième est politique : « Pour cela, il faut un changement de mentalité en Europe, qui a engagé autant d’armes que l’Amérique et beaucoup plus d’aide financière. Pourtant, il faut aller plus loin. Si M. Trump gagne en 2024, il pourrait réduire l’aide militaire américaine. Même s’il perd, l’Europe devra finalement porter plus de fardeau. Cela signifie renforcer son industrie de la défense et réformer le processus décisionnel de l’UE afin qu’elle puisse gérer plus de membres ». 

Ce qu’il y a de merveilleux avec les anglais qui ont fait le Brexit pour rejoindre le grand large et la communauté maritime des anglo-saxons, c’est qu’ils continuent sans aucune gêne à vouloir dicter sa conduite à l’Union européenne.

 

Les britanniques à l’Union européenne : pas de négociations et préparez-vous pour une « guerre longue. » 

The Economist prend le contre-pied des voix qui s’élèvent aux Etats-Unis pour demander l’ouverture de négociations constatant que le temps et la logistique jouent contre l’Ukraine[4] : « Les chances d’un règlement favorable pour l’Ukraine disparaissent en raison du retard dans les armements et la mobilisation de la main-d’œuvre. Le zénith de l’aide de l’Ukraine est passé, et il ne sera pas égalé dans les mois et les années à venir. La possibilité d’une paix négociée ou même d’un cessez-le-feu à des conditions favorables à l’Ukraine deviendra plus improbable à mesure que l’avantage de la Russie sur le champ de bataille augmentera. »

Un exemple parmi beaucoup d’autres de l’incapacité logistique américaine et européenne à soutenir cette guerre est fournie par l’International Institute For Strategic Studies (IISS)[5] de Londres : « La Russie et l’Ukraine ont parfois tiré collectivement quelque 200000 obus d’artillerie par semaine. Pourtant, la production américaine totale d’obus de 155 mm tourne actuellement à environ 20000 par mois, et n’atteindra que 90000 par mois en 2024, après un récent investissement de 2 milliards de dollars de l’armée américaine. Selon les médias, les jeux de guerre ont montré que dans un conflit de grande intensité, le Royaume-Uni épuiserait ses stocks de munitions en seulement huit jours. Les médias allemands ont suggéré en 2022 que les actions de la Bundeswehr dureraient entre quelques heures et quelques jours dans un tel conflit. »

De son coté le Center for Strategic and International Studies (CSIS) de Washington est aussi pessimiste : « Même si le Pentagone atteint son objectif déclaré de fabriquer 90000 obus par mois d’ici 2024, il ne représente encore que la moitié du niveau de production actuel de la Russie. » 

Quant à la livraison des F-16, les pilotes français qui ont volé sur ces avions américains et sur les Mig29, estiment qu’il faudra au moins deux ans d’entrainement avant de pouvoir être efficaces sur le champ de bataille et rivaliser avec les Russes.

Mais pour The Economist et les britanniques qui se sont retirés de l’Union européenne il ne faut pas négocier avec Poutine et se « préparer à une guerre longue »

Avec son cynisme légendaire la Grande-Bretagne demande à l’Union européenne d’en porter le principal poids, sans un mot pour les ukrainiens qui continueront d’en payer le lourd prix du sang et pour les européens qui en subiront les conséquences économiques : « Trop de conversations sur l’Ukraine reposent sur la fin de la guerre. Il faut que cela change. Priez pour une victoire rapide, mais prévoyez une longue lutte, et une Ukraine qui peut néanmoins survivre et prospérer. » « Pour cela, il faut un changement de mentalité en Europe, qui a engagé autant d’armes que l’Amérique et beaucoup plus d’aide financière. Pourtant, il faut aller plus loin. Si M. Trump gagne en 2024, il pourrait réduire l’aide militaire américaine. Même s’il perd, l’Europe devra finalement porter plus de fardeau. Cela signifie renforcer son industrie de la défense et réformer le processus décisionnel de l’UE afin qu’elle puisse gérer plus de membres. »

Sans commentaire !

 

 

 

 


 


[1] https://www.economist.com/leaders/2023/09/21/ukraine-faces-a-long-war-a-change-of-course-is-needed

[2] Je traiterai dans une autre analyse ce que nous recommandent de faire nos chers amis britanniques sur l’air d’« armons-nous et partez »

[3] https://edition.cnn.com/2023/04/26/politics/russia-forces-ukraine-war-cavoli/index.html

[4] https://nationalinterest.org/feature/time-and-logistics-are-working-against-ukraine-206740

[5] https://www.iiss.org/online-analysis/survival-online/2023/06/the-guns-of-europe-defence-industrial-challenges-in-a-time-of-war/