Accueil recherche MENU

Monde

Israël: l’exigence de stabilité et le nouveau gouvernement …

Le Dialogue

(De gauche à droite) Le ministre israélien des Affaires étrangères Eli Cohen, le Premier ministre Benjamin Netanyahu, le ministre des Finances Bezalel Smotrich et le ministre de l'Économie Nir Barkat regardent lors d'une conférence de presse au bureau du Premier ministre à Jérusalem le 25 janvier 2023. (Photo de RONEN ZVULUN / PISCINE / AFP)

 

Israël après les récentes élections, la cinquième en quelques années, se retrouve dans une situation shakespearienne, qui se résumerait comme ayant fait "beaucoup de bruit pour rien". Rappelons que trois élections ont eu lieu récemment, tout cela pour revenir au point de départ d'il y a deux ans, à savoir un gouvernement formé par celui qui a été déjà trois fois Premier ministre : Benjamin Netanyahou.

Ces élections ont vu le retour et donc la victoire de Netanyahu et de son parti de centre-droit, le Likoud, sur l’ex-majorité de Yair Lapid et de son mouvement Yesh Adid. Il est clair que « Bibi » Netanyahou et son nouveau gouvernement sont désormais confrontés au défi de recréer une gouvernance stable, qui fait défaut à Israël depuis trop d'années. De plus, la loi de finances a mis les majorités dans la balance, déclenchant de la sorte des crises à répétition pendant deux années consécutives. Pendant deux ans, il a en effet été quasiment impossible de créer une coalition gouvernementale, comme cela s'est produit en Belgique avec la crise record de vacances de gouvernance dans les années 2010.

En Europe, nous voyons souvent la politique d'Israël ou du Moyen-Orient de manière simplifiée, alors que celle-ci est en réalité extrêmement complexe. La géopolitique proche-orientale s'avère en être effet un laboratoire politique constant et fort intéressant. Un exemple : les deux grands partis israéliens, le Likoud à droite et les travaillistes, que l’on a longtemps eu l'habitude de ne considérer que dans le cadre d’un dualisme dans une vision à l'occidentale, sont depuis des années remis en question par un troisième parti, Kadima, présent à la Knesset, le parlement monocaméral israélien qui réunit 120 élus de toutes tendances, y compris arabes, et situé dans la capitale controversée de l’hébreu, Jérusalem.

De ce fait, après avoir dépassé depuis longtemps déjà le vieux bipartisme qui en réalité n'a jamais été tel, Israël expérimente depuis une décennie des formules politiques peu communes en Europe, faites de vastes alliances qui vont d'un bout à l'autre de l'hémicycle parlementaire, c’est-à-dire des coalitions entre des partis idéologiquement forts éloignés allant des formations laïques à celles d'inspiration religieuse. Comme on le sait, face à la laïcité politique typique des systèmes européens, il existe un contrepoint dans la politique d'Israël, où les partis d'origine religieuse juive jouent un rôle de plus en plus décisif, notamment dans les coalitions. Les gouvernements précédents ces dernières élections ont en effet connu une succession politique singulière qui est allée d’un Premier ministre religieux, Naftali Bennett, à un autre très laïque, Yair Lapid.

De plus, Israël applique toujours le système proportionnel pur, celui que l'Italie a quitté il y a de nombreuses années, lors des élections des années 1990. D'une part, ce système favorise la participation au vote, qui est essentielle en démocratie, et Churchill lui-même déclarait que « la démocratie est imparfaite, mais c'est la meilleure forme de gouvernement que je connaisse ». D'autre part, une caractéristique des pays du Moyen-Orient au cours des dernières années est que le roulement entre les coalitions et les partis est rendu très rapide par l’existence d’une « micro-politique » composée de nombreux mouvements qui se forment et s’allient ou se séparent rapidement. 

La macro-politique de l'État d'Israël, véritable démocratie efficace, est plutôt constituée d'une série de dirigeants autoritaires au fil du temps et de l'histoire qui ont trouvé leur seul revers dans l'impossibilité pérenne d'une paix définitive en Palestine et dans la difficulté de trouver un point d'équilibre entre l'hypothèse de deux Etats contigus, Israël et la Palestine, ou d'une paix non éphémère dans le respect mutuel entre Juifs et Arabes. 

 

Après les accords de Camp David, une réconciliation définitive reste encore presque utopique.

Israël peut se vanter d’une longue histoire de gouvernance transversale dirigée notamment par des personnalités de premier plan telles que Ben Gourion, Golda Meir, Rabin, Begin, Shamir, Peres, Barak, Sharon et aujourd'hui, Netanyahu. Ensuite, la décision du premier ministre religieux Bennett de se retirer et de quitter la politique a été singulière. Ce choix rappelle celui de l'ancien premier ministre Ehud Barak, qui a d'abord fondé son propre parti indépendant, pour ensuite ne pas revenir dans le jeu électoralement en tant que chef. Parmi les nouveautés du système politique israélien, on peut citer la nouvelle direction du parti de Bennett : Yamina, qui a été confiée à une dirigeante, Ayelet Shaked. Dans le même temps, de nouveaux mouvements politiques expérimentaux ont émergé, même lors des récentes élections, des mouvements qui sont fort intéressants pour la science politique. Le mécanisme de méfiance constructive à l'égard des gouvernements existe en fait depuis un certain temps en Israël, mais il n'a pas fonctionné avec la même efficacité avec laquelle il a été testé en Europe, en tant que pivot de la stabilité. En Israël, la règle est que seuls le Premier ministre et le Premier ministre par intérim doivent nécessairement être des parlementaires, mais un gouvernement intérimaire au sens européen n'y a jamais été expérimenté. Autre singularité : le gouvernement se réunit ordinairement le dimanche à Jérusalem, même si en réalité des réunions supplémentaires se tiennent très souvent.

Le gouvernement est appelé en hébreu Memshala et il est nommé HaMedini Bitachoni lorsqu’il forme le conseil de sécurité de l'État, similaire dans sa méthode au Conseil suprême de défense en Italie, qui n'est cependant pas un organe gouvernemental, dans notre pays. 

 

Une autre caractéristique typique est la durée maximale du gouvernement de quatre ans, prévue par le système constitutionnel de Jérusalem.

Dans la première période de son histoire, l'État israélien, né de la diaspora et reconstituant l'identité historique d'Israël, a vu émerger comme nouveau protagoniste le parti Mapai, désormais fusionné avec le Parti travailliste, qui, dans ces élections, é été dirigé par Marav Michaeli. Le parti a eu 4 représentants au Parlement. Par la suite, à partir de 1977, le Likoud de Menahem Begin et Shamir s'est établi pendant que les travaillistes Peres et Rabin se relayaient au gouvernement. L'ère de Netanyahu a en réalité commencé avec son premier gouvernement, en 1996, en alternance avec le travailliste Ehoud Barak en 1999, à l'époque de l'"olivier mondial", une tentative d'alliance mondiale des progressistes, puis en alternance avec Ariel Sharon, le premier représentant du Likoud, puis de Kadima, en 2001, avec Ehud Olmert, un parti libéral du centre. Enfin en 2021, Netanyahu quitte le gouvernement après avoir dirigé divers gouvernements du Likoud, au profit de Naftali Bennett, avec un bref gouvernement qui a fait la synthèse entre deux mouvements d'opinions éloignés : l'alliance Yamina (Ihud Miflagot HaYamin) alliance du parti HeHadash, initialement appelé HaJamin HeHadash, parti conservateur laïque qui soutient le libéralisme, et l'alliance dirigée par le parti Yesh Atid, de l'ancien journaliste Yair Lapid, qui a récemment rendu le pouvoir à Netanyahu.

Histoire mise à part, dans la politique méditerranéenne, notamment celle des chefs d'État d'Israël, il suffit de penser qu'en 1948 Albert Einstein s'est vu offrir l'honneur d'être le premier président d'Israël, mais étonnamment, il a dit non, se considérant inapte à la politique. Depuis, de Chaim Weitzmann à aujourd'hui, 11 présidents ont été élus, parmi lesquels Shimon Peres qui s’est distingué pour son prix Nobel de la paix, plus que jamais d'actualité. Depuis 2021, réside à Beit Hanassi le palais présidentiel de Jérusalem, Isaac Herzog, ancien chef du parti travailliste et plusieurs fois ministre, formé à Cornell et à l'université de New York ainsi qu'à l'université de Tel Aviv. Israël reste ainsi une jeune démocratie et un État né de la « koiné » de nombreuses et lointaines immigrations vers Israël, des Ashkénazes aux Séfarades, des Mizrahi aux Itakkim, des Romaniotes aux Beta Israël, au sein de l'histoire juive commune identitaire, issue des 12 Tribus de l'Ancien Israël, venues du monde entier, conséquence de la diaspora, donc un pays en évolution démocratique, dans un contexte géopolitique difficile et contrasté.

Et il est objectivement positif de voir œuvrer ensemble pour la paix et dans le respect inconditionnel et mutuel en Israël, des Juifs américains, des Russes, des Ukrainiens et même des Chinois. En effet, si le Canada, l'Australie, l'Amérique sont nés du croisement de l'immigration, Israël offre l'exemple d'une nation née de peuples du monde entier, réunis pour vivre en démocratie et dans le dialogue interculturel. 

 

Le problème des colonies israéliennes

Le problème des colonies israéliennes à la frontière palestinienne reste ouvert et non résolu, un problème ouvert depuis de nombreuses années et qui semble sans solution. Le nouveau gouvernement poursuit résolument le programme de colonisation forcée, ignorant les conséquences d'une intensification quotidienne de l'expansion israélienne. Les éléments et les ministres du nouveau gouvernement liés à la droite religieuse, qui joue désormais un rôle essentiel dans la gouvernance israélienne, jugent impossible une initiative de paix concrète entre la Palestine et Israël : l'histoire semble s'être arrêtée aux accords ratés de Camp David, à l'époque de Carter Begin et Sadate de 1978 et celles de 2000 entre Clinton, Barak, Arafat.

Pourtant, il serait essentiel et plus que jamais opportun de proposer à nouveau un sommet Camp David 3 au format 2023. Hélas, pour le moment, les parties semblent s'éloigner plutôt que d'entamer un nouveau dialogue pour la paix. La seule façon d'assurer une sécurité stable pour Israël réside pourtant précisément dans une nouvelle architecture de paix géopolitique régionale. Pendant ce temps, l'Iran poursuit son réarmement alors qu'Israël s'ouvre à une coopération économique avec certains pays du golfe Persique, autrefois considérée comme impensable...