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Editos

Retour de Chine

Le Dialogue

Le président chinois Xi Jinping (à gauche) et le président français Emmanuel Macron (à droite) visitent le jardin de la résidence du gouverneur du Guangdong, le 7 avril 2023, où vivait le père du président chinois XI Jinping, XI Zhongxun. Photo : Jacques WITT / POOL / AFP.

L’accueil a été somptueux : le hall du Palais du Peuple, les 21 coups de canon, la Cité interdite et même le « modeste » logis du père de Xi à Canton pour un diner amical sans cravate et quasi familial, entre les deux chefs d’États…

 

L’offensive de charme du régime chinois en direction de la France et de son dirigeant, a fonctionné à merveille.

Xi a même eu la délicatesse d’attendre le départ de son invite pour déclencher de vastes manœuvres aéro navales, à balles réelles, autour de Taiwan…

Voici pour la forme…

Quant au fond, le bilan est moins glorieux.

Xi a obtenu ce qu’il recherchait, à savoir enfoncer un coin entre les Européens, soucieux de conserver leurs liens économiques et politiques avec la Chine, et les Américains qui entendent au contraire « découpler », c’est-à-dire isoler totalement l’empire chinois notamment au plan technologique. Macron, qui pourtant avait appelé Biden avant son voyage pékinois, a de fait dit clairement qu’il ne se plierait pas à la nouvelle stratégie d’endiguement voulue par Washington. Au grand dam de la Maison Blanche et de la presse américaine…Mieux, macron a laissé Total, pour la première fois, rédiger ses contrats d’hydrocarbures avec la Chine, en Yuans, et non en dollars. Une percée majeure pour Pékin qui cherche activement a dedollariser les échanges internationaux pour faire pièce a la domination du billet vert et aux sanctions qui y sont attaches. Encore mieux, Xi a obtenu de la France, pourtant puissance de l’Indopacifique, solennellement proclamée comme telle par le même Macron, et donc directement concernée par la liberté de navigation dans le détroit de Formose et la Mer de Chine du Sud, un silence assourdissant sur Taiwan. Interrogé sur le sujet, le Président, habituellement plus prolixe, a dit « qu’il ne fallait pas tout mélanger » …

En dehors de livrer à la Chine une deuxième usine Airbus, plutôt que de la construire en France, quel sont donc les gains rapportes en France, a l’issue de ce voyage ?

 

L’Ukraine ?

Pour des raisons mystérieuses et qui lui appartiennent, Macron s’était mis dans la tête de faire de la Chine le faiseur de paix en Ukraine. Xi, insistait-on dans l’entourage de Président français, est le seul capable de peser sur Poutine. A lui seul, Xi était LE « game changer » …

Curieuse idée vraiment, que de faire de la Chine l’arbitre, en même temps que l’architecte de la paix, sur le Continent européen ! Surtout quand, du cote français, on s’abstient d’en faire de même sur Taiwan…

Encore plus curieuse est l’idée selon laquelle la Chine serait neutre, donc potentiellement médiatrice dans le conflit ukrainien. Sans être militairement alliée de la Russie (du moins pas encore), la Chine est « l’amie » de Poutine, dont elle achète les matières premières sous embargo en Occident, et à qui elle fournit les composants industriels et électroniques indispensables à son effort de guerre. Ce que Macron ne veut pas voir c’est que la Chine bâtit depuis des mois, avec la Russie un front anti américain et anti occidental, visant à en finir une bonne fois avec l’ordre américain de 1945. En aucun cas, la Chine cherchera la défaite ou l’échec pour Moscou, le partenaire avec lequel elle entend bien exploiter les changements de rapports de forces dans le monde, « les plus importants depuis cent ans », selon Xi.

Mais poussons le raisonnement jusqu’à l’absurde : à supposer même que la Chine ait accepté de faire ouvertement pression sur Poutine pour lui imposer un cessez- le- feu, pouvait-on vraiment imaginer une seule seconde que Poutine consente à céder publiquement, consacrant ainsi son échec et son statut de vassal de Pékin ? Comme on pouvait s’y attendre, le Kremlin, une fois de plus, a immédiatement balayé l’initiative de Macron…

 

Sans surprise donc, Macron est donc rentre bredouille à Paris : sa tentative de médiation par Chine interposée, a rencontré le même sort que celles à répétitions, tentées directement avec Poutine. La Planète entière n’a pas manqué de s’en apercevoir, entamant un peu plus la crédibilité internationale de la France. Après l’échec des tentatives maladroites en direction de Moscou, avait-on besoin d’un nouveau revers spectaculaire à Pékin ? L’agitation, pour « exister », ne saurait tenir lieu de politique étrangère…

 

Pour compléter le tableau, ajoutons que l’idée baroque de se faire accompagner de Mme Van der Leyen, l’incontrôlable Présidente de la Commission, eut l’effet exactement inverse à celui recherché par Macron : mettre à jour les divergences fondamentales, au sein de l’Union, quant à la politique devant être suivie à l’égard de la Chine, la superpuissance montante.

 

Le Président français voulait montrer qu’il entendait jouer collectif, en emmenant avec lui le poids de l’Europe unie, sauf qu’en l’occurrence, le message de Van der Leyen, par ailleurs candidate au poste de Secrétaire General de l’OTAN, était bien plus proche de la position dure de Biden, que celle plus conciliante de Macron.

Lequel, sans doute convaincu par la rhétorique de Xi sur le prochain monde multipolaire a trois pôles (États Unis, Chine, Europe), va même jusqu’à proclamer, a l’issue de son voyage, devant les journalistes français, son intention de refuser tout « suivisme » des États Unis dans leur confrontation avec la Chine. Le tout au nom d’une prétendue « autonomie stratégique européenne », dont Macron revendique fièrement la paternité. Le problème est que ladite « autonomie » a sombré corps et bien dans la guerre en Ukraine, totalement pilotée par les États Unis et l’OTAN.

Du coup, la France, à l’issue de ce voyage Pékinois, se retrouve à la fois totalement alignée sur Washington en Ukraine, et « en même temps », le leader autoproclamé d’un « troisième pôle européen » indépendant des États Unis sur Taiwan, et puis généralement sur les relations économiques internationales. Un grand écart qui reflète sans doute la « pensée complexe » du Président, mais surtout, hélas, l’incohérence d’une diplomatie devenue illisible au gré des évènements…et des déplacements présidentiels.

Reste qu’au final, plutôt que d’afficher une « stratégie européenne » à l’endroit de la Chine, le tandem voulu par Macron avec van der Leyen, n’a finalement fourni qu’une preuve supplémentaire de la cacophonie européenne sur la Chine.

 

Un petit chef d’œuvre diplomatique, on vous dit !