Le samedi 13 septembre, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a déclaré que les dirigeants du Hamas constituaient « le principal obstacle » à la paix et que leur élimination mettrait fin à la guerre à Gaza.
Dans un message publié sur X (anciennement Twitter), Netanyahou a affirmé que les dirigeants du Hamas installés au Qatar avaient bloqué toutes les tentatives de cessez-le-feu afin de prolonger indéfiniment la guerre, ajoutant que « leur élimination lèverait le principal obstacle à la libération de nos otages et à la fin de la guerre ».
Ses propos sont intervenus après la session du Conseil de sécurité condamnant la frappe israélienne contre Doha, et après la colère (largement symbolique) exprimée par le président américain contre son « ami » Netanyahou, tout en soulignant qu’il n’avait été informé de l’opération que quelques instants avant son exécution.
Que signifie cela ?
Avant de répondre à cette question cruciale, qui déterminera le visage de la région dans les prochains mois, passons en revue plusieurs éléments apparemment dispersés mais reliés par un même fil conducteur : l’attaque israélienne contre Doha, sa préparation et les plans futurs de Netanyahou.
1. La frappe de Doha : au-delà du militaire
La frappe israélienne contre un bureau du Hamas à Doha n’était pas seulement une opération visant à éliminer des dirigeants politiques. Elle portait un message stratégique multiple. D’un côté, Israël voulait affaiblir l’équipe de négociation en ciblant des « durs » comme Khalil al-Hayya et Zaher Jabarin (sur lequel nous reviendrons plus loin), afin d’ouvrir la voie à des interlocuteurs jugés « plus flexibles » par Netanyahou, tels qu’Izz al-Din al-Haddad à Gaza.
De l’autre, Netanyahou entendait réaffirmer les exigences non négociables d’Israël :
- La libération de tous les otages en une seule fois.
- La fin du pouvoir du Hamas à Gaza.
- Le désarmement du mouvement.
- Le départ de ses cadres de l’enclave.
Même si cela impliquait de franchir toutes les lignes rouges et de frapper des dirigeants politiques dans un État allié des États-Unis comme le Qatar, pourtant acteur clé de la médiation sur les otages.
2. La dimension du renseignement
Des rapports occidentaux révèlent que le Mossad préparait depuis deux ans une opération d’envergure au Qatar, reposant sur des infiltrations humaines et technologiques, parmi lesquelles :
- Le recrutement d’agents au sein des services de maintenance des bureaux du Hamas.
- Le piratage des téléphones des responsables de la sécurité du mouvement à Doha.
- L’utilisation de journalistes pour localiser les dirigeants.
- L’accès à des photos, vidéos, factures et achats des cadres du Hamas.
- Le déploiement d’agents de terrain pour une surveillance rapprochée.
- L’accès direct aux caméras de surveillance dans les quartiers de Doha fréquentés par les dirigeants—comme cela avait été le cas à Beyrouth contre le Hezbollah, permettant des opérations de précision et même des tentatives contre Hassan Nasrallah.
Cette dynamique illustre la capacité d’Israël à étendre sa guerre du renseignement bien au-delà de Gaza, vers le Qatar, le Liban, la Turquie, et même l’Iran récemment, où des responsables sécuritaires ont été ciblés dès les premiers jours de la guerre des douze jours.
Istanbul et Chypre
Les mêmes rapports confirment l’existence de cellules actives du Mossad à Istanbul et Ankara, chargées de suivre de près les réunions et déplacements des dirigeants du Hamas et de leurs soutiens turcs—responsables politiques, chefs de partis ou personnalités publiques. Parmi eux, Abdel Wahab Akinci et Recep Songul, contributeurs majeurs aux sociétés SADAT et ASSAM, liées à Erdoğan et actives surtout en Syrie du Nord et en Libye.
En parallèle, une cellule secrète a été créée à Chypre il y a trois ans, chargée de préparer une opération d’envergure en Turquie—peut-être la suite directe de la frappe de Doha.
Zaher Jabarin : une cible prioritaire
Zaher Jabarin, membre du bureau politique du Hamas et chef du mouvement en Cisjordanie, est devenu une cible centrale d’Israël pour plusieurs raisons :
- Trésorier de longue date, proche d’Ismaïl Haniyeh (lui-même assassiné en Iran par un missile israélien).
- Accusé de blanchiment massif via les cryptomonnaies en Chypre du Nord, aidé par Bakri Hanifa, cadre financier du mouvement.
- Ses liens étroits avec des acteurs politiques en Turquie, Iran et Liban, notamment avec le Hezbollah.
- Considéré comme le relais essentiel entre l’aile militaire et financière du Hamas, il figure en tête des hommes recherchés par Israël.
Les États-Unis étaient-ils au courant ?
La réponse à cette question déterminera jusqu’où Netanyahou pourra aller pour épuiser le Hamas, préparer le déplacement forcé des Gazaouis, remettre la bande à Trump pour réaliser son rêve de « Riviera du Moyen-Orient », tout en annexant la Cisjordanie et en poussant ses habitants vers la Jordanie.
Une visite hautement symbolique
Trois jours avant la frappe de Doha, le 6 septembre (un samedi de shabbat), Israël a accueilli l’amiral Brad Cooper, nouveau commandant du CENTCOM américain, invité par le chef d’état-major israélien Herzi Halevi.
Les discussions ont porté sur trois priorités :
- La menace nucléaire iranienne.
- Les activités du Hezbollah au Liban.
- La manière de conclure la guerre contre le Hamas à Gaza.
Pour des responsables militaires français, le timing souligne la centralité de l’alliance américano-israélienne : toute attaque contre Israël est implicitement perçue comme une attaque contre les intérêts américains dans la région.
En résumé
La relation entre Washington et Tel-Aviv, notamment au plan militaire, repose sur un fait simple : les États-Unis ont besoin d’Israël comme allié fiable au Moyen-Orient, et Israël dépend de la protection stratégique américaine.
Ainsi, la frappe de Doha—comme toute opération future—s’inscrit dans une coordination totale, quelles que soient les dénégations publiques de Trump.
Et ensuite ?
Trump poursuit sa stratégie d’éradication de la cause palestinienne : rejet de l’État palestinien, déplacements forcés à Gaza, annexion de la Cisjordanie, désarmement des résistances au Yémen, au Liban et en Palestine.
En Europe, des sources confirment que la coopération américano-israélienne est permanente et que Washington connaissait les détails de l’opération de Doha de bout en bout. Parallèlement, Netanyahou préparerait une mise en scène d’attentat intérieur pour l’anniversaire du 7 octobre, afin de manipuler l’opinion publique.
En parallèle encore, des campagnes de diffamation sont planifiées contre Emmanuel Macron et Pedro Sánchez, tandis qu’une offensive médiatique mondiale doit accuser le Qatar de soutenir le terrorisme afin de l’obliger à expulser les dirigeants du Hamas.
Conclusion :
L’attaque de Doha n’était pas un épisode isolé, mais une étape d’une stratégie israélienne globale articulée autour de :
- La guerre militaire multithéâtre.
- Le renseignement étendu.
- La pression financière.
- La guerre médiatique.
Une tentative d’élargir le conflit avec l’appui total des États-Unis, dans la perspective du rêve d’une « Grand Israël ».
La question demeure : que faire ?