Le matin du 8 mars 1960, le ministre français de la Culture et écrivain célèbre André Malraux sortait d’une réunion avec le président Charles de Gaulle. La rencontre était consacrée au discours que Malraux devait prononcer quelques heures plus tard à l’UNESCO, lançant ainsi la campagne internationale pour sauver les temples d’Abou Simbel. L’Égypte de Nasser avait alors dépêché ses « trois géants » pour diriger sa délégation : les deux écrivains Taha Hussein, Tawfiq al-Hakim (voir leurs œuvres traduites chez Gallimard) et le ministre de la Culture et ami de Malraux ,Sarwat Okasha.
En coulisses, les ministres égyptiens et français avaient peaufiné le dossier avec l’aide de la grande archéologue Christiane Desroches Noblecourt, tandis que les deux écrivains égyptiens les plus célèbres en France, Taha Hussein et Tawfiq al-Hakim, mettaient tout leur poids auprès des élites françaises.
De Gaulle et Nasser confièrent le projet à la célèbre société française VINCI, écartant ainsi les propositions venues d’Italie et d’Angleterre. Les États-Unis (Nasser ayant surmonté la crise du financement du Haut-Barrage avec la Banque mondiale) ainsi que l’Espagne apportèrent le financement nécessaire. Le projet pouvait alors être lancé en grande effervescence international e.
Mais Al-Bawaba révèle aujourd’hui un secret pour la première fois : un autre héros de cette histoire fut le directeur général de l’UNESCO, le grand philosophe René Maheu. En effet , l'homme entretenait des liens personnels étroits avec Sarwat Okasha, qui l’invita à donner des conférences en Égypte et lui fit rencontrer le président Nasser (nous possédons aux archives d’Al-Bawaba les textes de ces conférences).
Sarwat Okasha me confia un jour, lors de rencontres à sa maison de Maadi , près du Caire, puis sur la côte à l'ouest d'Alexandrie, que la réussite du sauvetage d’Abou Simbel tenait avant tout au soutien politique, notamment celui de la France, ainsi qu’à sa relation privilégiée avec le directeur général de l’UNESCO. Il ajouta que René Maheu avait même envisagé de proposer un Égyptien comme successeur, mais que les pays africains avaient insisté pour désigner Ahmed Mokhtar M’Bow.
Cette candidature resta longtemps un rêve égyptien et arabe, jusqu’à ce que le grand ministre Farouk Hosni se présente, mais il fut victime de nombreuses manœuvres et perdit la bataille à une seule voix près. Plus tard vint la candidature de l’ambassadrice Moshira Khattab, mais les conditions en Égypte et dans la région à cette époque, ainsi que des erreurs de campagne, ne permettaient pas la victoire.
Aujourd’hui, cependant, ce grand rêve semble proche de se réaliser. Si le ministre émérite et égyptologue reconnu, le Dr Khaled El-Anany, bénéficie des circonstances favorables — un soutien national unanime, en particulier de la direction politique, la campagne habile et méticuleuse conduite par l’ambassadeur Alaa Youssef, ainsi qu’un large appui arabe — la victoire est à portée de main.
Est-ce une coïncidence que la première bataille de l’Égypte à l’UNESCO ait concerné la sauvegarde de ses antiquités éternelles, et qu’aujourd’hui son candidat soit un professeur émérite en archéologie ? Le monde peut-il oublier le majestueux cortège des momies royales du Caire, organisé sous sa direction ?
« Il n’y a pas de hasard », dit le proverbe français : « Arriver trop tôt, c’est que l’heure n’est pas venue ; arriver trop tard, c’est que le temps est passé. » Aujourd’hui, il semble que le Dr Khaled El-Anany soit arrivé au bon moment .