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Monde

Anacyclose

Le Dialogue

J’ai  suivi -  il  y a quelques années- à l’université américaine Princeton un webinaire  où  intervenaient Dr. Anna Grzymala-Busse, professeure  en  relations internationales  et Dr.  Francis Fukuyama  connu par  son  ouvrage «  La fin  de l’histoire »  et nombre d’autres chercheurs au  sujet de ce qu’ils appellent trumpisme,  mot valise dérivé du  nom du  président  Trump et du  populisme qui  constitue son orientation politique.

Quelle est  donc la signification du mot « anacyclose » qui  sert  de titre à cet  article ?  et quel est ce populisme  visé ? Commençons alors par  les définitions de ces termes et revenons aux ouvrages de référence avant de nous attaquer au  sujet.

L’anacyclose ou cyclisme est  une théorie socio-politique au sujet du caractère cyclique de la succession des régimes politiques.. Elle se base sur les trois classifications concernant le système constitutionnel en  Grèce  ancienne : Le gouvernement par  une seule personne,  par  une minorité ou  par un  grand  nombre de personnes. D’après,  cette cyclicité, il  existe trois systèmes principaux de gouvernement :  la royauté,  l’aristocratie et la démocratie. Ils sont, de par  leur nature,  trop  faibles et instables et tendent rapidement à se détériorer. Il  existe également trois modes de gouvernement  considérés comme  « malignes » : la tyrannie,  l’oligarchie et L’ochlocratie.  Ce dernier régime politique se réfère au  gouvernement de la foule  et  non à la conception  de la démocratie que nous connaissons de nos jours. 

Selon  la théorie, les régimes politiques “bénins » mettent en  leur compte l’intérêt  de tous, alors que les  régimes « malignes » n’accordent leurs intérêts qu’à une petite catégorie de personnes. Néanmoins la corruption politique provoque la dégringolade de tous les systèmes de gouvernement  qui se transforment d’un  système de gouvernement  en un  autre  selon un mouvement  cyclique.

 

L’origine de la théorie et sa conception :

Elle remonte à l’historien et politicien  grec Polybe pour  être utilisée et mise au  point, dans leurs œuvres, par Platon  en  premier lieu puis par Aristote. 

Selon la théorie,  le mouvement  cyclique  de la politique a  commencé avec l’évolution  de l’homme  à l’époque primitive  où  il vivait dans des  tribus lorsque chacune d’elle  procédait à  choisir son  roi  qui serait le plus sage de tous.  Mais, plus tard  pour ensuite léguer le système politique aux enfants qui n’auraient pas autant de sagesse pour abuser de leur pouvoir et devenir despotes et c’est ainsi  que le système politique se  transforme de la royauté à la tyrannie. Après ce système politique où les rênes du pouvoir  étaient  entre les mains d’une seule personne, advient alors une minorité  contrariée  par  ce despotisme et  ce régime totalitaire,  le renverse pour transformer  la tyrannie en  un  autre régime politique  dit l’aristocratie. Et  c’est alors  que commence le gouvernement de l’oligarchie :  les aristocrates lèguent le pouvoir à leur progéniture qui exerce l’autocratie  et la démocratie  devient oligarchie,  connue par  être l’exercice du  pouvoir par une minorité  corrompue et autocratique. Au  fil des jours, le peuple arrive à la phase de l’implosion  et réclame un régime plus large où participera  la majorité du peuple, dit la gouvernance par la majeure partie du peuple. Avec le temps, le  peuple commence à demander,  sans planification  aucune- des choses inconcevables en  croyant qu’il les mérite. Les représentants  du  peuple deviennent des démagogues  et disent au peuple  ce qu’il   veut écouter au  lieu de dire la vérité. La démocratie devient le  gouvernement de la populace ou  la racaille. Cette  gouvernance  génère alors l’anarchie  et sème partout  la prostitution politique en  vue  d’attirer cette canaille.  Le  conflit se  déclare  entre les démagogues  qui veulent  maîtriser le chaos. Ils sont liquidés : parmi  eux,  on voit  poindre une  personne qui revendique le pouvoir  absolu tant qu’il  est  le  sauveur et  ce cycle se termine par  un  retour  au régime totalitaire  qui amalgame la royauté au despotisme pour l’intérêt du peuple,  de son propre point  de vue.  Je m’arrêterai   ici aux définitions de ces trois termes : populace,  racaille et canaille. La populace crie, hurle,  lance des cris d’orfraie   et provoque un  bruit retentissant;  quant à la racaille,  elle  est une allusion à la foule  et lorsqu’on  dit qu’un  homme fait partie de la racaille,  c’est qu’il  est prestidigitateur  et se joue de l’esprit des gens.  Pour ce qui est de la canaille,  c’est l’ensemble de personnes méprisables, odieux,  salauds, ignares et impertinents.  Malheureusement la populace comporte des tranches dont certaines font partie  actuellement des réseaux sociaux  et ont acquis un  prestige indigne  et exercent une  forte influence.  Parmi eux, on  trouve des sans scrupules,  à l’esprit  malsain et aux idées perverses  qui rugissent avec les autres et dénigrent tout  intellectuel.

De toutes mes longues lectures portant  sur  l’histoire, je n’ai  jamais relevé  de rôle honorable ou  louable joué  par cette catégorie sociale qui pille,  exproprie, usurpe les biens,  viole,  a  du  cran  à faire couler  le  sang et aiguise le chauvinisme tribal et doctrinal.  Tel  est le comportement de  la populace qui  constitue  une part de la société  de chaque pays,  selon  son degré  de civilisation  et de distinction,  Nous trouvons cette catégorie sociale dans les villes champignons  et dans certaines  communautés  humaines comme celles des professions instables  qui  ne sont pas régies par l’autorité  du droit  ou  par la discipline. Ces catégories sont prédisposées à pratiquer l’anarchie  et être motivées à le faire  à  toute occasion  propice qui se présenterait.

Actuellement, nous attestons de l’existence d’une populace nouvelle  qui se laisse manipuler l’esprit avec des mensonges et des théories du complot. Elle croit  alors qu’elle détient la vérité absolue à l’encontre d’autrui qui possèdent le  faux absolu, même si  le droit et les institutions en  disent autrement. Cette populace ne diffère nullement des fanatiques religieux qui  sont l’objet  d’un lavage de cerveaux  de la part  des hommes de religion  qui prêchent au  nom  de Dieu. Malheureusement,  on  trouve toujours ceux qui  sont conscients de l’importance d’une telle catégorie et  cherchent à contenir  son  comportement par un  discours religieux  programmé, un discours  idéologique  soigné ou par  des mensonges plausibles   et transforment la grogne par  le besoin et l’aspiration sans scrupule  en  une réprobation  et indignation  à  cause de l’idéologie adopté ;  ils exploitent  le fanatisme de classe, tribal,  ethnique ou régional   qui  sévit dans la populace ou  la canaille dans l’intérêt   du fanatisme et s’en  servent comme montures pour réaliser les objectifs d’une personne particulière ou une ou des catégories quelconques  qui,  sans eux, n’auraient  jamais réalisé leurs  buts : ils  sont le catalyseur de l’anarchie sociale, du  chauvinisme tribal ou  du fanatisme.

Le webinaire  a commencé par  donner la définition  du  mot populisme. On  impute les raisons de son  apparition à l’échec  des régimes actuels et  tous les autres partis à  réaliser les aspirations et les droits des peuples ;  on  a également  signalé  que  la tendance populiste  vise en  fin  de compte à provoquer  l’anarchie  par les accès  mis à  sa portée, tout en  sachant que le règne  de la populace n’est  jamais durable et qu’en  fin  de compte, il  y aura une catégorie  qui aura l’apanage du  pouvoir  pour son  propre intérêt et relèguera la populace à  sa juste valeur. Le populisme  commence par  mettre en doute le pouvoir  judiciaire et use des médias en vue de fomenter le peuple et ses catégories les uns contre les autres.

Le populisme est anarchique à  ses débuts  pour  devenir  à  sa fin  autoritaire  après la fragilisation  des institutions démocratiques  et leur contestation  par  le peuple. Une fois le populiste  au pouvoir, il  se trouve dans  une impasse: où adopter des solutions  démagogiques pour préserver ses partisans au dam de l’Etat  ou  doit-il chercher  un autre adversaire  après avoir renversé les hommes politiques ?

La démocratie  ne veut pas dire que la majorité a remporté le pouvoir  pour  une durée  déterminée  mais plutôt l’acceptation  des résultats des élection.

Une question  se pose: qu’en  sera –Il si  le dirigeant lui-même  refuse la passation  de pouvoir ?

 J’ai  bien dit que le dirigeant,  dans ce cas, usera de la racaille  pour  menacer le conseil  des députés et exercer  ses pressions sur ses membres en  vue de rejeter les résultats de ces élections  et de les refaire : des actes de violence pourraient éclater  et assener un  coup  fatal à la démocratie.

Dans les Etats qui  connaissent la démocratie de longue date, je pense que les constitutions et  les coutumes seraient  respectées en  fin  de compte;  Mais les événements qui  se sont produits lors des dernières élections américaines incitent à croire que le peuple américain restera divisé et le trumpisme  et le populisme  anarchique feront émerger le pire des vices du  citoyen  américain surtout le fanatisme pour le citoyen blanc  contre les nouveaux immigrants et les citoyens de couleur  et le refus des résultats des élections. Qu’en  est- il  alors des pays en  développement ?

La démocratie  ne table pas sur le nombre de manifestants mais plutôt  sur les urnes  alors que les citoyens sont libres à porter leur  candidature ou  à voter  sans  faire l’objet d’une intimidation ou d’une pression,  être soudoyé ou  avoir l’esprit manipulé  par la religion ou  par les mensonges diffusés par les mass-médias  et les réseaux  sociaux.

La puissance des forces armées dans ces pays se fait  donc sentir. Ils usurpent le pouvoir  sous prétexte de garantir la sécurité  et d’enterrer l’anarchie. Néanmoins les forces armées  ne prêtent pas serment pour protéger  un  homme, un parti,  un  dirigeant ou un  despote mais pour protéger exclusivement le droit et  la Constitution.  Un fait qui  ne se reproduit pas dans d’autres pays où les institutions politiques deviennent le dirigeant absolu de substitution. On  revient alors à la théorie d’ « anacyclose »  et la gouvernance de l’Etat revient à  une seule institution  sans passation  de pouvoir puis à un  seul dirigeant  dans un mouvement politique cyclique  qui  mène les pays pauvres à plus de pauvreté et à un manque de libertés et de droits des citoyens .L’histoire en  abonde d’exemples.