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Économie - Énergie

Les faillites bancaires américaines et les risques d’un éventuel krack financier mondial ?

Le Dialogue

Un affichage répertorie les réalisations de la Silicon Valley Bank (SVB) alors que les clients se rassemblent pour retirer de l'argent au siège de la SVB à Santa Clara, en Californie, le 13 mars 2023. Le président américain Biden a cherché lundi à rassurer les Américains sur le système bancaire du pays, tout en insistant que les mesures d'urgence ne seraient pas payés par les contribuables, car d'autres banques ont été mises à rude épreuve à la suite de l'effondrement de la Silicon Valley Bank la semaine dernière, la deuxième plus grande faillite bancaire de l'histoire, et les régulateurs de New York ont ​​pris le contrôle de Signature Bank dimanche. Photo : NOAH BERGER / AFP

 

L’annonce aux Etats-Unis des difficultés financières de la Silicon Valley Bank et de la Signature Bank, il y a presque trois semaines, ont eu l’effet d’une première déflagration. Le souvenir encore frais des effets dévastateurs de la crise des subprimes sont encore présents dans tous les esprits.

Les banques commerciales et les banques centrales doivent faire face une nouvelle fois à un risque majeur de crise financière, qui est le plus important depuis 2008. Tous les acteurs économiques, les régulateurs financiers et les gouvernements ont les yeux rivés sur le moindre signe que peuvent renvoyer les marchés financiers et les organismes de financement.

Les difficultés rencontrées dans le prolongement de ses homologues américaines par le Crédit Suisse aurait pu être le signe d’une seconde déflagration, en Europe cette fois-ci. Cette aggravation de la situation, qui aurait pu mettre le feu aux poudres, a pu être soigneusement évitée, en particulier, grâce au sauvetage organisé par la banque centrale et le gouvernement fédéral suisse dans le cadre d’un rapprochement piloté avec l’UBS.

La tourmente globalisée a exacerbé les craintes d’une contagion et a incité également la Réserve fédérale américaine et le Trésor américain à agir, mais il reste à savoir si cela suffira à contenir les dommages économiques éventuels qui seront induits.

Pour autant, il est à noter que dès le jeudi 16 mars, soit quelques jours après la faillite de la Silicon Valley Bank et de la Signature Bank, la Banque centrale européenne relevait de 0,5 point son principal taux directeur, le portant ainsi à 3,5 %.

Ce relèvement de 0,5 point du taux directeur principal de la BCE est conforme à ce qui avait été annoncé par Madame Christine Lagarde qui, en tant que Présidente, l’avait laissé entendre au cours des précédentes semaines.

La lutte contre l’inflation demeure en tout état de cause le principal objectif affiché de la BCE. En confirmant cette position, le BCE réaffirme sa vision qu’il convient désormais, en raison d’une inflation devenue trop importante, de mettre en œuvre une politique monétaire plus restrictive ou « hawkish » qui passe par une remontée progressive de ses taux directeurs.

Cette position réaffirmée par la BCE semble également reléguer le spectre d’une éventuelle crise financière à un niveau de probabilité bien moindre que celui du retour d’une inflation qui pourrait devenir structurelle si on n’y prend pas garde.

C’est en cela que le message délivré par la BCE est intéressant… il nous signifie que tout est sous contrôle, qu’il n’y a pas de risque de crack financier significatif et qu’il faut prioritairement et avant toute chose empêcher l’inflation de s’installer dans la durée.

C’est pourquoi, ce message a été accueilli favorablement par diverses banques commerciales européennes de premier rang, qui se sont exprimé ouvertement sur ce choix par des communiqués. 

On peut relever, en particulier, la position de la Commerzbank qui a déclaré que « le taux de base devrait rester élevé et montrer une fois de plus que les inquiétudes de la BCE concernant l'inflation sont justifiées ». 

Ou encore celle de l’ING qui a souligné que « Isabel Schnabel a renforcé son profil en tant que membre du conseil d'administration de la BCE, en déclarant qu'elle souhaitait que la déclaration de mars de la BCE comprenne une référence à la possibilité d'une nouvelle hausse des taux », et que « ses commentaires ont probablement contribué à pousser un peu plus loin les attentes du marché en matière de taux dans la zone euro. »

De manière générale, les banques commerciales de la Zone Euro semblent plutôt estimer que la position adoptée par la BCE contribue favorablement à l'apaisement des tensions quant à la situation du secteur bancaire européen.

Pour autant, la position adoptée par la BCE quant au durcissement de sa politique monétaire à un moment de grandes tensions sur le plan économique et comme sur le plan financier, donne lieu à certaines critiques. 

L’institut Montaigne, en particulier, sous la plume de son Conseiller économique, Éric CHANEY, considère que « de la Californie à Zurich, la hausse des taux fait des dégâts » et que si « le risque systémique paraît faible … d’autres risques sont là ».

Le risque serait en effet de voir les banques centrales ne pas infléchir ou suffisamment infléchir leurs politiques monétaires restrictives (taux directeurs élevés) à court terme, ce qui pourrait entraîner un fort ralentissement de l’activité économique en raison d’une restriction des crédits bancaires à la fois destinés aux investissements et à la consommation, ce qui pourrait entraîner mécaniquement une récession. 

Pour autant et à l’inverse, le retour immédiat à des politiques monétaires accommodantes (taux directeurs très bas voire négatifs), comme celles que nous avons connues au cours des dix dernières années, risquerait d’enraciner l’inflation dans les relations économiques et de la rendre structurelle, étant précisé que cette situation obligerait à moyen terme la mise en œuvre d’un changement radical de politique économique (austérité ou rigueur) comme celui que nous avons connu avec brutalité au milieu de la décennie des années 1980.

En tout état de cause, les investisseurs et les marchés financiers semblent pour le moment bien accueillir la réitération par la BCE de son objectif prioritaire de lutte contre l’inflation.

Cet élément de fait contribue à valider l’analyse selon laquelle le risque d’un krach financier est perçu comme étant bien moins probable que le risque du retour d’une inflation structurelle dont les effets pourraient à terme être dévastateurs sur notre économie.