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Afrique

Putsch au Niger : Genèse et conséquence

Le Dialogue

Cette capture d'écran vidéo obtenue par l'AFP auprès de l'ORTN - Télé Sahel le 26 juillet 2023 montre le colonel-major Amadou Abdramane (C), porte-parole du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) s'exprimant lors d'une déclaration télévisée. Des militaires ont affirmé le 26 juillet 2023 avoir renversé le gouvernement nigérien, le président Mohamed Bazoum dans un communiqué lu à la télévision nationale, après une journée au cours de laquelle le dirigeant a été détenu dans sa résidence officielle.
"Nous, les forces de défense et de sécurité... avons décidé de mettre fin au régime" du président Bazoum, a déclaré le colonel-major Amadou Abdramane, entouré de neuf autres militaires en uniforme dans l'allocution.
Ils ont déclaré que "toutes les institutions" du pays seraient suspendues, que les frontières étaient fermées et qu'un couvre-feu avait été imposé "jusqu'à nouvel ordre". Photo :  ORTN - Télé Sahel / AFP.

 

Le 23 juillet 2023, après une succession de putschs depuis 2020 au Burkina Fasso, au Mali, et en Guinée Konacry, c’est au tour du Niger voisin de passer sous le contrôle d’un pouvoir militaire dans le cadre d’un effet domino visant à en finir avec l’ingérence « néo-coloniale » supposée de la France et à rejoindre un axe conservateur-militaire et anti-occidental pro-russe. Alexandre del Valle décrypte cet évènement d’une gravité exceptionnelle pour la France, laquelle avait fait du Niger sa nouvelle base opérationnelle militaire avec le Tchad depuis la fin de l’opération Barkhane, face au jihadisme, et sachant que ce pays est de longue date un fournisseur d’uranium important pour l’industrie nucléaire française. 

 

Après avoir séquestré dans son palais le président nigérien élu Mohamed Bazoum, des éléments de la garde présidentielle nigérienne menés par le général Omar Abderrahmane Tchiani (qui avait pourtant lui-même déjoué deux précédentes tentatives de putsch contre Bazoum), ont perpétré un putsch auquel l’armée régulière a fini par se rallier. Bazoum, membre d’une ethnie minoritaire et déjà fragilisé après deux tentatives de coup d’Etat en deux ans, était accusé d’être soumis à la France et d’empêcher l’armée nigérienne de juguler la menace jihadiste. Il était par ailleurs arrivé au pouvoir en partie grâce à l’invalidation de la candidature de son principal opposant, Hama Amadou. Le général putschiste a fait fermer les frontières, déclaré caduc la septième république et ses institutions, proclamé un couvre-feu, s’est auto-promu président du « Conseil national pour la sauvegarde de la patrie » (CNSP), puis a déposé le président Bazoum le 27 juillet 2023. Quelques heure plus tard, et depuis lors, des manifestations multiples d’une ampleur jamais égalée auparavant ont mis en scène des milliers de citoyens nigériens en train de scander des slogans pro-russes et anti-français, et même de tenter de prendre d’assaut l’ambassade de France.  

 

La genèse de la crise

En fait, l’origine de la crise serait en grande partie venue du limogeage du co-auteur du putsch, le général Salifou Mody, ex-chef d’état-major de l’armée nigérienne, en représailles de sa volonté de coopérer avec ses homologues putschistes maliens qu’il avait rencontrés deux mois plus tôt lors d’une visite à l’invitation du colonel Assimi Goïta, auteur du putsch au Mali. Après ce voyage au Mali, qui ne plut pas à Bazoum, lequel s’était déjà en partie alliéné l’armée en lui imposant un renforcement de la coopération militaire anti-terroriste avec la France et en refusant de coopérer avec les voisins malien et burkinabés, Mody avait été subitement démis de ses fonctions puis remplacé par le général de division Abdou Sidikou Issa. D’après nombre d’analystes maliens et nigériens, le fait que Mody voulait s’entendre avec ses frères d’armes maliens (mis au ban des nations par la France) et qu’il préparait avec eux une « coopération en matière de sécurité » le long des plus de 800 km de frontière entre les deux pays sans tenir compte des nouvelles orientations françaises (qui voulaient concentrer au Niger l’effort post-Barkhane de 1500 hommes), aurait motivé le chef d’Etat major de l’armée française à se rendre au Niger pour réclamer le limogeage de Mody…. Que cela soit vrai ou faux, ceci a été considéré comme une insupportable ingérence coloniale sur fond d’échec de l’armée française dans la lutte contre le terrorisme. Comme leurs homologues militaires maliens, burkinabés et guinéens, les putschistes nigériens justifient depuis lors leur coup d’Etat comme une réaction patriotique contre une supposée « ingérence » néocoloniale française, mais aussi contre le péril jihadiste mal combattu auparavant dans le cadre de Barkhane, puis contre la mauvaise gouvernance de Bazoum, son inféodation à la France et son refus de coopérer avec les militaires malien et burkinabés contre le terrorisme islamiste qui gangrène la région. D’après Drissa Kanambaye, expert-consultant et universitaire belgo-malien, de retour d’une mission de l’Union européenne, « l’opération Barkhane et les forces françaises et occidentales du G5 Sahel n’ont pas du tout jugulé le jihadisme », bien au contraire. Depuis des années, « chaque chef local jihadiste tué par les militaires français ou locaux est d’ailleurs systématiquement remplacé par un autre, de sorte que les bases de nouveaux enrôlés sont légions et inépuisables en l’absence de changement radical de paradigme et de solutions politiques ». 

 

La menace jihadiste en filigrane et le supposé échec de l’opération Barkhane

Rappelons que le 2 janvier 2021, le pire attentat jamais commis par des djihadistes au Niger contre des civils avait fait 100 morts dans 2 villages de l’Ouest (Tchoma Bangou et Zaroumadereye). Les attentats et prises d’otages dans la région Sahel en zone francophone ont presque toujours lieu dans le secteur des « trois frontières » (Mali, Burkina, Niger). Face à ce fléau hybride qui unit fanatisme, rivalités ethnotribales, délinquance et séparatismes, et qui menace de plus en, plus le Niger après avoir mis le chaos au Mali et au Burkina-Fasso, la France, pourtant venue au secours de l’État malien en janvier 2013 (et à sa demande) avec l’opération Serval, puis l’opération Barkhane (supprimée par Emmanuel Macron qui a délaissé le Nord du Mali pour la zone des trois-frontières, puis a finalement replié les troupes françaises ex-Barkhane résiduelles au Tchad puis au Niger) sont apparus de moins en moins légitimes aux yeux des habitants. 

Avant le coup d’Etat, le Niger était l’un des derniers alliés de Paris au Sahel et le seul pays africain avec lequel la France entretenait encore un partenariat dit « de combat » contre les jihadistes. Or dans l’un de ses premiers discours, le général putschiste nigérien Tchiani s’est alarmé de la « dégradation sécuritaire » en remettant en questions toute stratégie de riposte aux groupes jihadistes qui exclurait le Mali et le Burkina Faso, une manière de critiquer la non-stratégie française post-Barkhane. On rappellera pour les lecteurs que l’opération Barkhane a été supprimée avec le retrait des forces françaises du Mali, le 15 août 2022, et que la France a depuis lors voulu faire peser tout le poids de la lutte antiterroriste sur le Niger avec l’appui de Bazoum. D’après Drissa Kanambaye, « le coup d’État était donc tout à fait prévisible, d’autant que les analogies avec le Mali sont indéniables », ceci dans le contexte croissant d’une France devenue « totalement inaudible dans le Sahel », cette « silouhette démoniaque de la France qui voulait faire taire les voix discordantes ». Selon lui, « la goutte qui fit déborder vase fut lorsque le Mali a fait partir Barkhane de son sol et que les Nigériens ont dû en accueillir la postérité : ils se sont alors indignés « si le Mali rejette Barkhane, pourquoi le Niger devrait-il accueillir les 1500 soldats français et donc continuer à obéir à l’Elysée » ? Certes, il est vrai que les militaires français ne mènent plus d’opérations autonomes - comme du temps de Barkhane - sans en référer aux autorités africaines, car les 2 500 soldats des Forces françaises au Sahel (FFS) ne sont plus en opérations extérieures (Opex). Toujours est-il que malgré ce récent « profil bas » de la France, « Bazoum s’est mis à dos les Maliens en acceptant la continuité de Barkhane au Niger et en se moquant de l’armée malienne présentée comme moins équipée que les jihadistes. Il avait même déclaré que le Mali putschiste ne tiendrait pas deux mois sans l’aide de l’Occident  face aux jihadistes », et que sa propre armée nigérienne suivrait le même destin sans la France, ce qui était à la fois faux et fort méprisant. Pour Kanambaye, face à pareil « monarque pro-occidental » (Bazoum), et dans une zone où plusieurs voisins s’émancipent de l’Occident (Burkina et Mali), l’impulsion a donc été donnée par Bamako, car les populations - même les plus pauvres – ont de plus en plus un désir de souveraineté, parfois plus important même que le désir de prospérité matérielle». Ceci est, certes, difficile à concevoir pour des « Blancs-judéo-chrétiens-occidentaux » abreuvés de consumérisme-hédoniste, antinomique de toute conscience identitaire… D’après Kanambaye, très écouté dans son pays et impliqué tant dans des projets de développements que dans les négociations intertribales et de crises, en Afrique sahélienne et même ailleurs dans le continent, tous ceux qui sont pro-Occident comme la CEDEAO seront de plus en plus discrédités. « Et les erreurs sociologiques qui aggravent cette représentation sont légions. Exemple parmi tant d’autres : le médiateur pour la crise du cour d’Etat au Niger, Idriss Deby, lui-même potentat anti-démocratique qui est devenu président en violation de la constitution tchadienne, donc dans une sorte de coup d’Etat, a été mandaté par la CEDEAO pour convaincre les putschistes nigériens de quitter le pouvoir »… Ceci « a été perçu par les Nigériens et d’autres Africains comme un contre-message et un deux poids deux mesures totalement incohérent ».  Par ailleurs, alors que l’Occident critique les zones d’influence de la Russie en Ukraine, ces mêmes pays occidentaux, y compris la France, trouvent normal de conserver des zones d’influence en AfriqueNotre expert invite les Français et les Occidentaux en général à « bien plus écouter les peuples, précisant que « Gao (Mali) a été récupérée contre les jihadistes par l’armée malienne depuis le départ de la France et pas du tout grâce à la force française»…Face au jihadisme, qui n’en finit pas de massacrer, progresser, terroriser et prendre en otage les populations - en plus d’empêcher le développement que les industries occidentales locales prédatrices n’assurent aucunement en se contentant de piller les ressources, « les Nigériens ont été choqués que leur pays soit réduit à une zone de repli néocolonial des forces françaises comme le Tchad, et ils ont fini par voir, depuis 2020, les différents coups d’Etat militaires en Guinée Konakry, au Mali et au Burkina-Fasso - sur fond d’aides russes massives en matière d’armement et de coopération minière (également avec la Chine) – comme des voies à suivre pour échapper à la mainmise néocoloniale française ». 

 

Poutine plutôt que Biden ou Macron ? 

De ce fait, pour les militaires putschistes du Mali, du Niger ou du Burkina Faso, la présence russe (pas seulement de Wagner d’ailleurs, comme on l’a vu lors du deuxième sommet Russie-Afrique du 28 juillet 2023), est jugée plus pragmatique, moins « ingérente » et surtout moins moraliste puis démocratiquement moins exigeante que celle de la France et des Etats-Unis. Elle repose certes sur moins d’aides financières que les Occidentaux, mais elle convient aux militaires qui profitent d’une coopération tactique et technologique en matière d’armement, très précieuse pour les juntes qui veulent combattre « à la manière russe » les groupes jihadistes. Dans le Sahel, ceux-ci sont liés à Al-Qaïda et à l’État islamique au grand Sahara (EIGS) dans l’Ouest et, dans le Sud-Est, ceux de Boko Haram et de l’État islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap). 

En réalité, le président Bazoum, choyé par l’Occident mais détesté par la plupart des militaires - qui l’ont déposé après qu’il leur ait imposé une coopération militaire renforcée et non souhaitée avec la France - et de surcroit membre d’une ethnie minoritaire, ne serait pas lui-même un grand démocrate, d’après notre expert, peu en accord avec le récit occidental ambiant : Bazoum est arrivé au pouvoir après avoir été désigné par son prédécesseur et après que son plus coriace opposant ait vu sa candidature invalidée, et durant son règne, « l’Occident lui a ‘pardonné’ les emprisonnements de manifestants et arrestations d’opposants politiques ». Ce genre de deux poids deux mesures est de plus en plus dénoncé par les citoyens nigériens et ceux des autres pays de la région qui observent avec attention l’évolution de ce bastion de l’influence française en Afrique ou de la « Françafrique », loin d’être vraiment désuète…  

 

La perte d’un ancien partenaire stratégique et d’un bastion pro-français

Le Niger était en fait l’un des derniers alliés de Paris au Sahel, le seul pays africain avec lequel la France entretenait encore un partenariat dit « de combat » contre les jihadistes. Mais le putschiste Tchiani, dans un discours, a dénoncé la « dégradation sécuritaire » du pays qu’il estime pouvoir être bien plus efficace dans le cadre non pas d’une inféodation aux forces françaises mais plutôt d’une coopération sécuritaire renforcée avec les « frères » militaires du Mali et Burkina Faso. Pour prendre la mesure du rejet des « toubabs » français « impérialistes » dans ces trois pays, rappelons seulement les manifestations régulières au Mali, au Burkina Faso ou au Niger depuis les années 2017 déjà contre la présence française, les cas de pillages des magasins français à Dakar (Sénégal), pourtant longtemps pays ami de la France, en mars 2021, les invectives régulières contre des responsables politiques français, l’interdiction, le 3 décembre 2022, de la radio RFI au Burkina Faso, ou l’interdiction faite aux ONG dotées de fonds français d’exercer au Mali. Dans ce contexte, le mouvement civil anti-impérialiste et francophobe nigérien M62 - qui avait déjà protesté contre Barkhane au Sahel et au Sahara - a organisé avec succès de vastes manifestations antifrançaises et a même appelé à s’en prendre à l’ambassade de France et aux symboles des « toubabs » honnis. Des slogans explicites massivement repris par des foules, sur le mode : « France dégage (…). Ça fait 60 ans que la France dicte ses volontés aux Africains. « Nous voulons la Russie. Nous voulons de nouveaux partenaires pour nous accompagner dans notre indépendance. Nous voulons suivre l'exemple de nos cousins du Mali et du Burkina »…

 

La « seconde décolonisation » et l’opposition jihadisme/militarisme…

En fait, cette « seconde décolonisation » en marche depuis des décennies, et qui pousse des jeunesses connectées aux réseaux, informées, et abreuvées de théories indigénistes, anti-coloniales et occidentalophobes, à acclamer des militaires putschistes pro-russesdébouche grosso modo, comme dans certains pays arabes, sur deux voies diamétralement opposées qui ont toutes deux le vent en poupe et qui contredisent fondamentalement le démocratisme libéral euro-occidental et droits-de-l’hommiste : soit la voie totalitaire et théocratique de l’islamisme radical salafisant ou même jihadiste, pour qui « l’islam et la Sharia sont LA solution » et qui veut éradiquer tout ce qui vient des « mécréants » (sens du terme Boko Haram) ; soit, à l’inverse, la voie illibérale tout aussi « virile » et guerrière, mais sécularisante, de l’autoritarisme militaire et du conservatisme national-populiste, dont la Russie est perçue comme « l’avant-garde » mondiale » face à l’Occident et ses « poisons idéologiques». Or ce double mouvement de renouveau autoritaire- anti-« Infidèles » instrumentalise habilement tantôt la religion tantôt les visions panafricaines décoloniales radicales de Thomas Sankara. A la suite de ce héros burkinabé de l’africanité indépendante et de la « seconde décolonisation », les nouvelles juntes militaires sahéliennes entendent se débarrasser des élites autochtones « stipendiées » par les anciens colonisateurs qui ont acculturé les indigènes, et elles pensent que leur survie nationale, religieuse et identitaire passe par l’éviction des agents de l’Occident « impérialiste » que la Russie et la Chine « révisionnistes » les aidera à réaliser. Il s’agit là d’une tendance lourde dont les Occidentaux devront tenir compte s’ils ne veulent pas un jour être complètement évincés d’Afrique par les concurrents multipolaristes Russie-Chine-Turquie-Inde-Pays du Golfe, qui auront de plus en plus les moyens de remplacer les financements occidentaux. Des financements occidentaux certes difficiles à remplacer pour l’heure, mais qui ne suffisent plus à fidéliser les masses et à conserver les « cœurs ». A cet égard, le sommet Afrique-Russie, du 27 juillet 2023 à St Petersburg, a confirmé la forte réceptivité en Afrique du slogan poutinien « anti-impérialiste », multipolariste et néo-tiersmondiste, héritier à la fois de la subversion soviéto-marxiste mais aussi de la nouvelle idéologie identitaire d’une Russie néo-national-orthodoxe qui se sent existentiellement menacée par l’extension de l’empire rival occidental : "nous sommes unis par le rejet de l’ordre imposé au monde par les anciennes puissances coloniales". C’est dans ce contexte que la Russie, à l’issue du sommet, a promis d’envoyer gratuitement au Zimbabwe, à la Zambie, à la Somalie, l’Érythrée, au Mali, au Centrafrique et au Burkina Faso (bientôt aux putschistes nigériens s’ils ne sont pas renversés par une intervention franco-américaine), 30 000 à 50000 tonnes de céréales en plus de toute une série de coopérations universitaire, militaire financière, économique et industrielle. 

 

Le Sahel, globalement « perdu » pour l’Occident » ?

Pour Drissa Kanambaye, le Sahel est globalement « perdu pour l’Occident », et il en va de même pour tous ceux qui, en Afrique, comme les protagonistes les plus zélés de la CEDEAO, font le jeu de la puissance ex-coloniale française. Notre expert prévient que si la menace de la CDEAO et de la France d’opter pour l’emploi de la force militaire afin de déloger les putschistes nigériens et de rétablir par la force le président Bazoum, venait à exécution, « cela pourrait être un vrai carnage et achèverait de discréditer l’image de la France « néo-coloniale ».…. Et l’on peut déjà être sûr que les sanctions drastiques votées par la CEDEAO, l’Union européenne et la France seront largement contournées (comme pour la Russie), par les Etats non-alignés sur l’Occident, notamment les pays frontaliers et « frères » que sont le Burkina Fasso ou le Mali, qui n’appliqueront pas les sanctions et ont averti qu’ils seraient solidaires du Niger en cas d’intervention militaire extérieure « impérialiste ». En fait, « l’Occident critique les zones d’influence de la Russie en Ukraine, mais il veut garder des zones d’influence en Afrique » ! Accusation miroir ou contre-message. Et Kanambaye de conclure : « la conscience est  favorisée par les réseaux sociaux. Maintenant, même les paysans sahéliens qui ont tous de quoi se connecter et sont au courant de ce qui se passe ainsi que du fait que leurs pays riches en mines et ressources sont pillés par des potentats liés à la France et aux multinationales sans développer le pays (….). Il faut donc beaucoup plus écouter les peuples avant qu’il ne soit trop tard ». Notre expert cite ce proverbe malien : « il n’y pas de vierges dans la maternité », ce qui implique que l’on ne peut plus se comporter comme avant. Et les menaces néo-coloniales ne servent à rien. L’époque de Bob Denard est finie. Le coup d’Etat au Niger ne vient pas de nulle part : il est le fruit de causes profondes qui remontent aux politiques d’ajustement structurels des années 1990 et aux spoliations gagnants-perdants des mines: les patrons des grandes multinationales ici viennent en hélicoptères car il n’y a ni routes, ni eau- ni électricité ». Fait très instructif dont les grandes compagnies occidentales vont devoir tenir compte, Kanambaye explique que « c’est pour cela que les militaires au Mali ont changé le code minier en exigeant en échange de l’exploitation de mines, des constructions d’infrastructures (…). Au Mali, par exemple, l’or brut ne quittera plus le Mali et y sera raffiné localement, comme cela a été mis dans la Constitution le 22 juillet 2023, tout comme l’ont fait le Bostwana et la Namibie avant nous. Ceci a permis un développement accéléré et des nouveaux rapports nord-Sud gagnant-gagnant équilibrés. Ces pays sont devenus, grâce notamment à des nationalisations de mines, bien plus riches, car le diamant y profite maintenant bien plus au peuple ». Cela veut dire en termes clairs, que, contrairement à ce qui est redouté, les juntes militaires du Sahel n’ont pas intérêt à refuser toute collaboration avec les multinationales d’Occident à l’avenir, mais elles entendent simplement exiger des renégociations d’égal à égal avec des pays et firmes occidentaux désireuses de rester sur place. D’évidence, ce nouveau paradigme malien win-win a donné des idées au Niger qui ne sera pas le dernier pays du Sahel ou d’Afrique à opérer une « seconde décolonisation » face à l’Occident…