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Afrique

Afrique, adieu ?

Le Dialogue

Un homme brandit une pancarte en faveur du Conseil national nigérian pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) alors qu'ils se rassemblent place de la Concertation à Niamey, le 20 août 2023. Photo / AFP.

 

Le coup d’État, les manifestations de Niamey, le sommet de Saint-Pétersbourg Afrique-Russie sonnent trois glas de l’influence de la France en Afrique. Il serait temps d’en comprendre les raisons.

 

Le premier achève de chasser l’armée française de la plus grande partie du Sahel, où elle n’est plus la bienvenue, ni au Mali, ni au Burkina-Faso, ni en République Centre-Africaine, ni désormais au Niger. Reste le Tchad, pour le moment. Le deuxième révèle à la population française attristée que la France n’est plus la bienvenue en Afrique. Plus exactement, que l’influence de la France officielle, celle des ambassades, n’est plus tolérée en Afrique. J’ai écrit en Afrique et pas au Niger, car je suis convaincu, et il est facile de le vérifier, que toute l’Afrique francophone est vent debout face à la politique des ambassades, qui consiste à diriger les gouvernements africains depuis l’ambassade de France qui se trouve dans le pays. Je voudrais témoigner de mon étonnement, mais aussi de ma compréhension, en discutant avec un franco-togolais qui m’expliquait que le pouvoir n’appartenait pas au Président, Faure Gnassingbé, le fils du défunt président Gnassingbé Eyadema, mais à l’ambassadeur de France à Lomé, sans lequel le Président ne prenait aucune décision importante. Et il ajoutait : « vous croyez que le peuple togolais va supporter indéfiniment d’être dirigé par des dictateurs adoubés par la France ? ». 

Le troisième a été présenté, le 27 juillet dernier, par le Figaro lorsqu’il titra, atteignant ainsi un sommet en matière de désinformation : « la Russie, très isolée, ouvre le 25e forum économique de Saint-Pétersbourg » ! dix-sept mille participants, cent trente pays représentés, drôle d’échec. Et il s’y est ajouté le sommet Russie-Afrique, organisé les 27 et 28 juillet 2023 avec des délégations venues de presque tous les pays d’Afrique, dont une quarantaine de dirigeants africains. Un autre échec pour la Russie ?

Nous pouvons observer a contrario du Figaro que les Africains sont venus saluer à Saint-Pétersbourg l’actuelle résistance victorieuse de la Russie à l’Occident. Ils y ont exprimé leur frustration de subir eux-mêmes le diktat du modèle occidental, diktat qu’ils déclarent vouloir rejeter, à l’exemple de la Russie. Car la résistance russe leur donne le courage d’agir, tandis qu’ils n’accordent aucune considération pour le modèle ukrainien, pur succédané occidental.

Il est très simple de comprendre le rejet du modèle que propose l’État Français en Afrique. Il faut commencer par reconnaitre que l’Afrique a changé depuis l’indépendance. Entre 1960 et 2020, la population du Niger est passée de 3 à 21 millions d’habitants, dont la moitié est âgée de moins de 15 ans, ce qui permet de réaliser que le rapport de force démographique a totalement changé entre la France et l’Afrique et, du coup, le rapport de force tout court.

Ensuite, les puissances occidentales ont fait des déclarations surannées. Face aux maladresses de Mohamed Bazoum, qui bien que représentant d'une ethnie ultra minoritaire au Niger, n’hésita pas à irriter sa propre armée en appelant les troupes françaises, américaines, allemandes, italiennes à venir s’installer massivement au Niger pour lutter contre les rebelles, un Mohamed Bazoum qui en est à subir sa troisième tentative de coup d’État en deux ans. Les pays occidentaux ont fait pitoyablement appel au respect de l’état de droit, comme s’ils étaient en charge de le faire respecter au Niger, quoi qu’en pense la population nigérienne. Mais où sont les foules nigériennes qui manifestent à Niamey pour le respect de l’état de droit réclamé par les occidentaux ?

Les dirigeants, mais aussi l’opinion publique occidentale, ne comprennent donc pas encore que les interventions militaires, économiques et par-dessus tout morales de l’Occident - à commencer par celles de la France - exaspèrent les opinions africaines. Un ministre d’un pays du Sahel affirmait récemment que si la France voulait conditionner son aide au développement au soutien de la cause LGBT ou à l’écologie, il ne serait pas étonné que l’on mette le feu aux ambassades françaises en Afrique.

Et Moscou ? Les Africains s’appuient sur le modèle russe de résistance à l’Occident pour se libérer du joug de l’Occident, du FMI et de ses accords conditionnels, comme du Franc CFA aligné sur l’Euro. Ils ne veulent plus de cadre imposé pour qu'on leur octroie des fonds, mais des négociations à égalité et ils ne veulent plus d’une lutte contre des rebelles qui, selon eux, ont été générés par l’Occident lorsqu’il a détruit la Libye de Kadhafi.

Il apparait ainsi qu’une retombée inattendue de l’échec de la tentative de déstabilisation de la Russie par la guerre serait la perte d’influence occidentale, française en particulier, en Afrique. Cela ne s’inscrit sûrement pas dans une détestation des Français, mais dans celle de la politique de la France.

 

En guise de conclusion :

Pour revenir en Afrique, il faudra à l’avenir s’y rendre sans poser de conditions et sans imposer de principes. Par exemple, je suis sûr que si la France proposait simplement au Niger, qui dépend à 70% du Nigeria pour son alimentation électrique alors qu’il fournit 30% de l’uranium utilisé par les centrales nucléaires en France, d’y financer et construire un mini réacteur nucléaire, aucun gouvernement nigérien ne le refuserait. Alors, Afrique, Adieu ? Plus exactement, adieu à l’arrogance française et occidentale en Afrique…