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Monde

Malvinas ou Falkland Islands ? L’Argentine devient membre des BRICS !

Le Dialogue

Un drapeau de l'Argentine avec une carte des îles Malvinas et la phrase « L'honneur et le courage ne sont pas oubliés » est visible avant le match de football des huitièmes de finale de la Coupe du Monde U-20 Argentine 2023 entre l'Argentine et le Nigeria au stade San Juan del Bicentenario à San Juan, Argentine, le 31 mai 2023. Photo : Andres Larrovere / AFP.

 

Au Sommet de Prétoria, ce Mercredi 23 Aout, les cinq pays émergents des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) ont adopté un document soulignant leur souhait d’élargissement et définissant « les principes et les processus » dudit élargissement de leur bloc. Et, parmi les candidats, l’adhésion de l’Argentine est désormais actée ! Un évènement majeur, tant pour l’économie du pays que pour l’évolution des données géopolitiques du continent latino-américain. Mais cet évènement a aussi pour conséquence un regain d’actualisation du contentieux qui régit les relations entre Buenos Aires et Londres depuis quatre décennies : les Malouines ! 

 

Quarante ans après la guerre des Malouines, cet archipel semble, pour la plupart de nos compatriotes, enfoui dans les souterrains de de l’Histoire. C’est loin d’être le cas du côté de Londres et de Buenos Aires. Aujourd’hui encore, dans la culture politique des Argentins, la doctrine du « nationalisme territorial » est plus que jamais enracinée. L ‘Etat argentin ne cesse d’affirmer sa volonté d’étendre sa souveraineté  à l’ensemble de sa plateforme continentale, y compris sur les rives septentrionales du continent antarctique. Un Ministère est intitulé « Secrétariat d’Etat aux Malvinas, aux Iles Sandwich et à la Géorgie du Sud ». Et les manuels scolaires rappellent systématiquement que les Malouines sont « un membre arraché au corps de la Patrie ».

Le 14 Janvier 2022, le Ministre des Affaires Étrangères publiait une  déclaration réaffirmant que les Malouines « sont illégalement  occupées ». Et en février, le Président argentin en personne  se  rendait en Russie puis en Chine pour exprimer le souhait de  Buenos Aires de rejoindre les BRICS et d’obtenir l’appui de Moscou et de Pékin  dans le contentieux. Quels sont, sur ce plan, les arguments brandis par les deux parties concernées ?

Concernant les arguments géographiques », la balance penche sans nul doute possible du côté argentin : Les Iles Malouines baignent en effet dans le même environnement géologique que la Patagonie voisine, à quelques 470 kilomètres, via le plateau continental ; et les données biogéographiques, tant en matière de faune que de flore, sont identiques !

Mais ces considérations peuvent paraitre secondaires, de facto, par rapport aux arguments liés à l’Histoire. Sur ce plan, les Britanniques évoquent un argument au demeurant classique : l’utis possidetis juris, l’occupation et le peuplement.

Londres souligne une  « occupation continue » depuis 1833, ce qui est rigoureusement exact, à la « nuance » près que cette occupation  a démarré  par un coup de force, l’expulsion de la garnison argentine installée à Puerto Argentino et immédiatement rebaptisée «  Port Stanley »

Quant au peuplement, il est depuis cette date, entièrement britannique ! Londres n’a pas cessé d’envoyer dans ses « Falklands  Islands », des « kelpers », éleveurs d’ovins d’origine écossaise, parallèlement à de fort contingents militaires. Tous  britanniques, certes : les résultats du référendum d’autodétermination organisé par Londres en Mars 2013 ne pouvaient guère surprendre : 98,8% de ces sujets britanniques se sont effectivement déclarés favorables « au maintien des Malouines au sein du Royaume Uni « (sic)

Quant aux arguments de la partie argentine :

-la « découverte » (bien  que Londres conteste régulièrement les faits. Dès 1520, l‘ équipage de Magellan consigne la découverte des Iles, confirmée par les navigateurs espagnols Esteban Gomez et Diego de Ribera. Et l’Empereur Charles Quint officialise   l’emprise castillane sur la région. Un siècle plus tard, la première « escale » (moins de trois semaines !) est le fait, en 1690, du capitaine anglais John Strong, qui va nommer l’archipel « Falkland Islands », en hommage à son Amiral et ami Lord Falkland ! Mais si, lors de la Paix  d’Utrecht, ratifiée par les Anglais, la région est de nouveau reconnue comme membre de l’Empire espagnol, c’est l’équipage français de Bougainville, en 1764, qui prend possession de l’archipel. Bougainville le baptise « Malouines » en l’honneur de ses marin, tous natifs de Saint Malo ! Face à la réaction de l’Espagne, la France reconnait à cette dernière  le droit d’occuper les Iles. Et, par le Traité de San Lorenzo, Londres accepte à son tour la tutelle hispanique. La souveraineté espagnole va ainsi s’étendre sans discontinuité de 1775 à 1816. Cette année-là, l’Argentine accède à l’indépendance : une garnison, puis un Gouverneur, s’installent sur les Malouines, partie intégrale des territoires hérités de l’ancienne métropole… jusqu’au 3 Janvier 1833, date à laquelle le capitaine Inslow, commandant du navire de guerre britannique Clio, débarque sur l’archipel et expulse les autorités argentines ! 

Un bilan comparatif ?

Si l’on tente de comparer objectivement les arguments des deux parties :

-Londres s’appuie sur l’occupation effective des Iles depuis bientôt deux siècles et sur leur peuplement. Une position nettement durcie depuis quatre décennies, avec notamment (comme par hasard !) la découverte de beaux gisements off-shore d’hydrocarbures et l’exploitation croissante des richesses piscicoles de la zone, vers la route stratégique du cap Horn.

Buenos Aires évoque une gamme beaucoup plus diversifiée d’arguments :

-sa proximité géographique ;

-le continuum géologique ;

-la communauté biogéographique ;

-la découverte de l’archipel ;

-l’héritage de l’Empire hispanique ;

-l’occupation effective jusqu’en 1833.

 

En guise de conclusion

Le fléau de la balance semble donc bien pencher du côté de la partie argentine, qui souhaite plus que jamais l’ouverture de négociations, sachant en outre que Buenos Aires est de plus en plus écoutée du côté des Nations Unies. Le Royaume Uni, en revanche, fait pour l’instant la sourde oreille ! Mais l’adhésion de l’Argentine aux BRICS pourrait rapidement changer la donne !