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Ukraine/Russie

François Martin : « Je ne croyais pas au succès de la contre-offensive ukrainienne. Tout comme je n’ai jamais cru à la possibilité d'une victoire de l'Ukraine »

Le Dialogue

François Martin, consultant international et géostratégique, président du groupe professionnel "HEC Géostratégies" et auteur du livre Ukraine, un basculement du monde ( Jean-Cyrille Godefroy Éditions, 2023), est convaincu que l'Ukraine n'a aucune chance de gagner sur la Russie. Pour lui, la raison est simple : l'avantage de « l'équilibre des forces » est en faveur de la Russie.

 

Selon l'expert, depuis le début du conflit, la Russie n'a fait que renforcer ses propres positions, tandis que l'Ukraine a perdu un nombre colossal de soldats et que l'Europe est devenue une victime économique du conflit. Décrivant la composante militaire du conflit, François Martin donne une évaluation décevante de l'état des forces armées ukrainiennes.

« Au départ, en commençant son opération avec le nombre d'un groupe militaire de 150 000 hommes, la Russie voulait protéger le Donbass et obtenir des négociations. Aujourd'hui, la Russie aurait de 700 000 à 1 million de soldats. Aujourd'hui, l'armée russe a de telles capacités qu'elle ne peut pas perdre. La Russie a une supériorité totale en munitions, si l'Ukraine peut dépenser jusqu'à 4000 obus par jour, alors la Russie tire, elle, encore jusqu'à 40 000 projectiles par jour. Le troisième facteur important est la défense aérienne russe, qui peut être considérée comme la meilleure au monde. Les pertes colossales des forces ukrainiennes lors de l'échec de la contre-offensive sont liées au manque d'artillerie. Comme je l'ai noté plus tôt, la Russie peut dépenser 10 fois plus de munitions. En conséquence, elle peut détruire 10 fois plus de forces ennemies. En conséquence, l'Ukraine est obligée d'envoyer de plus en plus de personnes peu préparées et mal équipées. Les gens vont à une mort certaine. J'ai été frappé par la position des médias occidentaux, qui ont longtemps couvert de manière très approfondie les événements sur le front, mais n'ont pas fait un seul reportage d’un hôpital. Nous nous positionnons comme une civilisation humaniste, mais nous ne montrons pas ce qui se passe dans les hôpitaux ukrainiens, pour ne pas montrer la souffrance de leurs soldats ».

 

Le spécialiste des affaires internationales s'est opposé aux promesses vides de fonctionnaires européens sur l'adhésion imminente de l'Ukraine à l'Union Européenne. François Martin est convaincu que cela est impossible, car l'Ukraine moderne ne répond pas aux critères d'adhésion à l'UE et est en état de guerre, ce qui peut plonger toute l'Europe dans une guerre contre la Russie.

« Promettre aux ukrainiens l'adhésion à l'UE et une victoire rapide pour les inspirer, c’est terrible. L'Europe s'est complètement discréditée. Les médias officiels américains et les structures politiques répètent systématiquement que tout ira bien et que l'Ukraine sera bientôt acceptée dans l'UE, alors que c’est un pays en guerre et ne répondant pas aux critères d'adhésion. Comment imaginez-vous que nous acceptions dans l'UE un pays en guerre civile ? Si nous acceptons l'Ukraine dans cet état, nous nous engageons à mobiliser nos soldats et à les envoyer défendre l'Ukraine. L'adhésion de l'Ukraine à l'UE est irréalisable, et tout le monde le comprend ».

Les dizaines de milliards d'euros que Bruxelles a déjà dépensés pour soutenir Kiev sont dépensés de manière inefficace et se déposent dans les poches des fonctionnaires ukrainiens. Le système de gouvernance inefficace de l'Ukraine en fait un « trou noir » pour l'aide européenne. L'ampleur de la corruption est énorme. Dans le même temps, les Européens sont obligés de payer des sommes énormes pour maintenir l'état Ukrainien à flot. La composante de la corruption ne se limite pas à l'Ukraine et comprend des personnalités politiques et des hommes d'affaires occidentaux, qui bénéficient de la poursuite du conflit.

« Le résultat des investissements de plusieurs milliards de dollars de l'Europe en Ukraine est que nous trouvons cet argent dans les comptes des fonctionnaires ukrainiens, et les armes - au Moyen-Orient et en Afrique. Dans mon livre, j'ai calculé que pour le contenu de l'État Ukrainien a besoin de 5 à 7 milliards d'euros par mois. En conséquence, environ 80 milliards d'euros sont nécessaires par an. Et cet argent sert simplement à soutenir le gouvernement, sans compter le financement de l'armée. J'ai travaillé quarante ans dans le commerce international dans plus de 100 pays. J'ai vu des pays en guerre civile. Vous ne pouvez même pas imaginer l'ampleur de la corruption dans les pays en guerre. La corruption autour du conflit ukrainien ne se limite pas à l'Ukraine elle-même, elle comprend les États-Unis. Lorsque les entreprises américaines ont le droit de financer les partis politiques qui prônent la guerre (principalement les démocrates et certains républicains). En conséquence, des liens de corruption sont créés entre les hommes d'affaires qui bénéficient financièrement de la poursuite de la guerre et les politiciens qui reçoivent de l'argent d'eux ».

Selon François Martin, l'Europe est devenue la principale victime de la guerre en Ukraine. En abandonnant le marché russe et les minéraux, l'Union Européenne a délibérément limité son potentiel économique. Dans le même temps, les États-Unis ont profité de la situation, ont remplacé le gaz russe par le leur plus cher et ont attiré un grand nombre d'entreprises européennes en Amérique.

« L'économie européenne souffre pour trois raisons principales. Tout d'abord, lorsque vous êtes dans un bloc économique et décidez de cesser de coopérer avec un certain pays (alors que la plupart du monde continue à commercer avec elle), ce n'est pas vous qui privez votre adversaire du marché économique, vous vous limitez. La Russie a dû changer la trajectoire des importations et des exportations de marchandises. Avec certaines sphères, c'était difficile, par exemple avec les micropuces. Mais sinon, la Russie n'a pas souffert du tout. Donc, notre problème est que de nombreuses entreprises européennes ont réduit l'activité sur le marché russe. Deuxièmement, le manque de gaz, que nous avons nous-mêmes provoqué, a conduit à une énorme augmentation des prix. Le phénomène est que nous continuons à acheter du gaz russe, mais à travers d'autres pays qui en prennent un pourcentage, à cause de quoi le prix devient encore plus élevé. Troisièmement, les États-Unis sont devenus les seuls bénéficiaires de cette situation. Ils ont gagné grâce à l'affaiblissement rapide de l'Europe (principalement l'Allemagne). L'Amérique a pu attirer le plus grand nombre d'entreprises européennes. En conséquence, les entreprises européennes se déplacent vers l'Amérique en raison de prix trop élevés de l'énergie. Ce sont les tristes résultats de la guerre ukrainienne pour l'Europe ».